Cette rechute des cours va assurément exercer un effet négatif sur la balance des paiements qui affichait au premier semestre de l’année un solde négatif de près de 8 milliards de dollars.
à mesure que le cours du Brent s’enfonce dans le rouge, l’économie algérienne bat de l’aile et ne fait que compter les pertes, faute de parechocs pouvant amortir le coup. Mardi et mercredi, les prix du pétrole sont descendus au-dessous de 57 dollars le baril ; une rechute alimentée essentiellement par des craintes de surproduction. Le baril de Brent a baissé, hier, à 53 dollars, tandis le light sweet crude (WTI) a chuté quant à lui à 46 dollars. Mardi, les prix ont chuté de 6,6% pour le WTI, qui est tombé à son plus bas niveau depuis août 2017, et de 5,3% pour le baril de Brent, au plus bas depuis octobre 2017 ; une dégringolade qui met nombre d’économies à rude épreuve, celle dépendant de la bonne rentabilité du baril de pétrole essentiellement. L’Algérie n’est pas en reste.
Sur chaque dollar perdu par le Brent sur le marché londonien, l’Algérie perd plus d’un million de dollars de recettes, étant donné que sa production se chiffre en moyenne à 1 million de barils par jour. Entre octobre et novembre, le Sahara Blend a perdu 20,5% de sa valeur, alors que la production algérienne a perdu 5% en volume entre octobre et novembre 2018.
Elle était de 1,057 millions de barils/jour en octobre et de 1,052 mbj en novembre. Sur les deux mois, alors que la production connaît une chute de 5%, le Sahara Blend a perdu 19,9% de sa valeur, ce qui fait que l’Algérie encaisse une perte sèche de 17 à 20 millions de dollars sur les deux mois. Les perspectives s’annoncent ainsi moroses pour l’économie algérienne qui, faute de réformes ambitieuses et structurelles, semble être rattrapée par les vieux démons de 2014. Cette rechute des cours va assurément exercer un effet négatif sur la balance des paiements qui affichait au premier semestre de l’année un solde négatif de près de 8 milliards de dollars, et ce, malgré une hausse de 41,16% des cours du brut entre le premier semestre 2017 et celui de 2018. Ces gains, non des moindres, grappillés sur les deux semestres de référence ont été perdus sur les huit dernières semaines ; les prix perdant plus de 30% de leur valeur depuis début octobre. L’aggravation du déficit de la balance des paiements accélérera la fonte des réserves de change qui se sont établies à 88,61 milliards de dollars à fin juin 2018. “En dessous de 70 dollars le baril, nos réserves de change s’épuiseront davantage. La question est celle de savoir à quelle vitesse ces devises vont fondre. Il est vrai que le solde négatif est programmé pour 2023, mais la baisse des prix du pétrole accélèrera l’épuisement des réserves”, souligne Omar Berkouk, économiste, contacté par Liberté. Selon lui, le cours du brut ne risque pas de revenir à ses niveaux d’avant cette rechute. “L’économie mondiale ralentit, il y a eu un krach larvé sur les marchés financiers, alors que l’Europe entre dans une période difficile de son existence. La guerre commerciale déclenchée par Donald Trump vient s’ajouter à ces facteurs favorisant la chute des cours pétroliers”, explique Omar Berkouk, soulignant que, face à cette nouvelle dégringolade des prix du brut, le pays sera moins résilient qu’en 2008. En effet, cette baisse, calculée à 40% pour le WTI et à 35% pour le Brent par rapport aux plus hauts atteints il y a deux mois et demi, vient rappeler à l’Algérie ses vulnérabilités face aux chocs externes. Le dernier en date, s’est soldé par une détérioration des positions financières internes et externes ; le solde du FRR s’affiche négatif après avoir cumulé environ 8 000 milliards de dinars, dont 4 408,5 milliards de dinars ont été consommés durant ces quatre dernières années, alors que le pays a perdu plus de 105 milliards de dollars sur ses réserves de change depuis le second semestre de 2014. Au plan interne, cette nouvelle chute des cours affectera les bases de la fiscalité pétrolière, à moins d’une action d’ajustement par la dévaluation monétaire. “Les recettes intérieures pour le compte du Trésor vont baisser également, alors que la fiscalité ordinaire devrait être affectée négativement du fait que les cadences de dépenses vont diminuer progressivement. L’État n’aura de choix que de recourir davantage à la planche à billets pour compenser les recettes manquantes, car moins de fiscalité pétrolière directe et d’autres fiscalités ordinaires indirectes signifie plus de recours à d’autres instruments de financement, à l’image du financement non conventionnel”, estime Souhil Meddah, analyste financier, contacté par Liberté. En attendant la remise sur rails tant espérée des réformes budgétaires et économiques abandonnées en 2017, le pays se résigne à calculer ses pertes et à guetter la moindre éclaircie à l’horizon du marché pétrolier.
Ali Titouche