Réconciliation entre Erdogan et Poutine

Réconciliation entre Erdogan et Poutine

Le temps de la réconciliation entre la Turquie et la Russie est arrivé, ou presque. Après des mois de froid diplomatique entre les deux pays, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est envolé pour Saint-Petersburg, l’ancienne capitale impériale russe, pour rencontrer ce mardi 9 août son homologue russe Vladimir Poutine.

Il s’agit de la première visite à l’étranger du président turc depuis le putsch avorté du 15 juillet dernier. Il s’agit également de la première rencontre entre les deux hommes depuis la destruction d’un bombardier russe par des avions de combat turcs en novembre 2015, qui a fait basculer les relations entre Ankara et Moscou dans une escalade sans précédent, durant laquelle de nombreux commentateurs ont même envisagé une confrontation militaire entre les deux pays.

Erdogan se cherche des alliés :

Le président turc, qui dit avoir été abandonné par ses alliés occidentaux après le coup d’État manqué, s’est tourné vers la Russie, saluant le soutien sans ambiguïté de Vladimir Poutine après les événements et le qualifiant « d’ami ».

« Je pense que cette visite va ouvrir une nouvelle page dans les relations russo-turques en matière de coopération militaire, économique et culturelle… Le président Poutine a exprimé son soutien et sa solidarité après la tentative du putsch et je tiens à le remercier pour sa position », a déclaré le président Erdogan dans une interview accordée à l’agence d’information russe TASS.

Bien avant, le président Erdogan avait adressé une lettre d’excuse au président russe pour la destruction de l’avion de combat russe Su-24 dans laquelle il assurait que « la Russie est, pour la Turquie, un ami et un partenaire stratégique ».

Ce changement de position intervient dans un contexte où les relations entre Ankara et les pays européens ainsi que les États Unis connaissent une cassure, même si du côté turc on tente d’assurer qu’un rapprochement avec la Russie ne signifie pas un éloignement de ses partenaires occidentaux. Ces derniers, qui ont eu une position mitigée après la tentative de putsch, ont également critiqué le grand ménage effectué par le président Erdogan dans les différentes institutions de l’État turc.

Les conséquences d’une sanction économique :

En outre, sur le plan économique, les mesures de rétorsion prises par Moscou à l’encontre d’Ankara ont eu un impact négatif sur l’économie turque : blocage des importations de fruits et légumes de Turquie, interdiction aux agences de voyages d’organiser des séjours vers la Turquie, le gel de la construction d’une centrale nucléaire en Turquie.

En effet, les exportations turques vers la Russie (deuxième importateur de produits turcs) ont chuté de 60,5% durant le premier semestre 2016 par rapport à la même période en 2015, selon la chaîne d’information Sky News Arabia.

De plus, la Russie est un grand pourvoyeur de touristes : 18,6% des touristes, soit 3,29 millions de russes ont passé leurs vacances en Turquie en 2014, d’après le quotidien Kommersant. Les restrictions imposées sur les voyages se font lourdement ressentir, avec une baisse de plus de moitié du nombre de voyageurs russes.

En termes d’investissements directs étrangers, la Turquie captait en 2014 jusqu’à 5,3 milliards d’investissements russes, contre 759 millions de dollars dans le sens inverse. Les échanges commerciaux entre les deux pays s’élevaient à 31,1 milliards de dollars en 2014, selon les chiffres des Douanes russes. Mais sur le premier semestre 2015, les échanges ont connu une baisse sensible de 21,6%, indique Kommersant.

La question syrienne ou le point de discorde :

S’agissant de la Syrie, où la bataille fait rage en ce moment pour le contrôle de la ville d’Alep, les déclarations se veulent moins virulentes que les mois précédents. À ce titre, le président Erdogan a qualifié le rôle de la Russie de « crucial » pour instaurer la paix dans ce pays, ravagé par la guerre civile depuis plus de quatre ans. Le dirigeant turc a même affirmé que toute solution en Syrie est « impossible sans la Russie », rapportent les médias russes.

Dans les faits, les positions des deux pays sont toujours diamétralement opposées. Si la Russie est considérée comme un grand allié du régime de Bachar al-Assad, la Turquie insiste sur le départ de ce dernier, ce à quoi Poutine s’oppose farouchement. Assistera-t-on à un adoucissement de la position turque en la matière ? Une question pour l’instant éludée.

La Russie en position de force :

Même si Moscou a accepté rapidement la main tendue d’Erdogan, du côté des médias russes, l’on estime qu’il s’agit d’une humiliation pour le président turc. Insistant sur les excuses officielles, les autorités russes semblent désormais prendre plaisir à voir Erdogan leur faire la cour.

Dans le même temps, le président russe a donné des instructions pour lever les interdictions de voyage vers la Turquie. En revanche, il a exigé qu’une délégation russe aille évaluer, en Turquie même, les mesures de sécurité mises en place dans les aéroports, suite à l’attentat d’Istanbul, note le quotidien Kommersant. Les officiels russes sont arrivés en Turquie le 4 août dernier, signale la même source.

Pour le reste, la levée des sanctions, décidée par le président Poutine, sera graduelle tandis que les échanges commerciaux, ainsi que les voyages touristiques ne retrouveront leur niveau d’avant-crise qu’en 2017, prévient le ministre russe des Transports, Maksim Yurevich Sokolov.

Le réchauffement diplomatique entre les deux pays devrait, cependant, relancer les projets stratégiques communs, notamment la centrale nucléaire d’Akkuyu et le gazoduc TurkStream qui doit acheminer du gaz russe vers la Turquie via la mer noire.