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Il est venu Ă Alger en l’espace de 24h pour prĂ©senter le film «Frères ennemis» de David Oellhofen. Manuel et Driss ont grandi comme deux frères insĂ©parables dans la mĂŞme citĂ©, mais aujourd’hui tout les oppose. Manuel est Ă la tĂŞte d’un trafic de drogue, alors que Driss est devenu flic. Quand celui-ci est promu aux Stups, son retour bouleverse les Ă©quilibres et met Manuel en danger. Le film est rĂ©alisĂ© camĂ©ra Ă l’Ă©paule d’oĂą la tension nerveuse qui Ă©mane de l’image. Aux cĂ´tĂ©s de Driss Ă savoir RĂ©da Kateb, nous retrouvons Ahmed BenaĂŻssa dans la peau du chef mafioso de la bande de trafiquants de drogue, «Frères Ennemis» a Ă©tĂ© projetĂ© mercredi soir dans le cadre du Fica, Ă la salle Ibn Zeydoun. Nous avons interrogĂ© pour vous ce CamĂ©lĂ©on de RĂ©da Kateb qui n’a cessĂ© de nous surprendre dans ses nombreux films… Celui qui avait explosĂ© dans Un prophète (2009) de Jacques Audiard avait commencĂ© au théâtre, et pour cause! Il est le fils de Malek-Eddine Kateb, homme de théâtre et acteur algĂ©rien Ă©migrĂ© en France. AgĂ© seulement de 15 ans, Reda joue au théâtre une adaptation de Moha le fou, Moha le sage, Ă©crit par Tahar Ben Jelloun, mis en scène par son père. Au lycĂ©e Romain Rolland Ă Ivry-sur-Seine, il participe Ă la classe de théâtre, oĂą il rencontre Kery James.
En 2003, RĂ©da Kateb met en scène «le Poète encerclé», une oeuvre de son grand-oncle Kateb Yacine. Apres le théâtre et les petits boulots, c’est le cinĂ©ma qui s’ouvre Ă lui. Depuis, il a promis de ne rien lâcher en se donnant la libertĂ© de jouer les films de ses rĂŞves…
L’Expression: Après votre venue, il y a quelques annĂ©es pour la prĂ©sentation du film Loin des hommes vous ĂŞtes aujourd’hui Ă Alger pour prĂ©senter le long mĂ©trage fiction Frères ennemis de David Oelhoffen. Cela fait quoi d’ĂŞtre Ă nouveau ici?
Reda Kateb: Cela me fait très plaisir d’ĂŞtre ici, pour rencontrer Ă nouveau le public d’Alger autour de ce film-lĂ , et Ă©changer avec lui autour du film…
Pourriez-vous nous parler de ce film en quelques mots?
C’est un film qui se passe en banlieue parisienne et je joue le rĂ´le d’un flic des stups, un jeune issu d’un quartier populaire qui est devenu donc flic des stups et qui va ĂŞtre confrontĂ© Ă son passĂ©, Ă des amis d’enfance qui, eux, sont des trafiquants de drogue. Le film parle finalement de comment ça se passe quant on essaye de s’affranchir de son milieu d’origine, de changer de case dans la sociĂ©tĂ©. Quel est le prix Ă payer pour ça?
Une question qui n’a rien Ă voir et puis on revient au cinĂ©ma. Au regard de ce film et des confrontations sociales qui se tiennent dans les banlieues, la pauvretĂ© etc. on ne peut occulter ce qui se passe actuellement en France, que pensez-vous du mouvement des Gilets jaunes?
C’est compliquĂ© d’y rĂ©pondre. Il y a un grand mĂ©contentement depuis longtemps en France. Après, il faut savoir ce qu’il y a derrière ça, quelles sont les propositions derrière, c’est une autre histoire. Il y a beaucoup de rĂ©cupĂ©rations politiques.
Mais vous comprenez ces gens?
Je comprends que les gens disent qu’ils en ont marre. Mais en mĂŞme temps qu’est-ce qu’il y a derrière le Gilet jaune je ne sais pas. Je ne saurai pas analyser la chose. Je lis, j’Ă©coute, j’entends des analystes plus compĂ©tents que moi en la matière, j’ai l’impression que tout le monde est perdu. Personne ne comprend ça. La seule chose que je comprends est que des gens expriment leur mĂ©contentement… Le dĂ©clencheur de cela a Ă©tĂ© le prix du diesel pour la voiture. Moi je trouve qu’il y a des enjeux civilisationnels en France qui auraient Ă©tĂ© plus grands et qui auraient mĂ©ritĂ© que tout le monde bouge comme par exemple l’accueil des rĂ©fugiĂ©s. Finalement c’est assez symptomatique d’un monde dans lequel on se bat pour son propre confort. On se met ensemble pour plus de confort. Je trouve que ça fait du bien de voyager aussi dans plein de pays pour voir qu’en France on a aussi des chances de rĂ©ussir, on a aussi un bon système d’Ă©ducation, un bon système de santĂ©, enfin plein de choses dont on devrait se sentir chanceux. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas mettre des limites politiques pour ne pas qu’on nous prenne pour des cons…
Revenons à votre film. Comment vous-vous êtes préparé à endosser votre rôle de flic?
Comment avez-vous travaillé ce personnage?
Je l’ai travaillĂ© sous diffĂ©rents angles. D’abord sous le regard du rĂ©alisateur. Après j’ai rencontrĂ© des policiers, j’ai passĂ© du temps avec eux, vu des gens qui travaillent dans la brigade des stups, avec des gens qui ont le mĂŞme statut que mon personnage dans le film. J’ai travaillĂ© avec un armurier sur les armes. J’ai fait diffĂ©rentes choses qui m’aident comme Ă chaque fois pour prĂ©parer mon rĂ´le..
Un mot sur votre fabuleux rĂ´le Django Reinhardt…
C’est un rĂ´le extraordinaire. C’est très rare de pouvoir jouer un personnage comme ça. C’est aussi un hĂ©ros de la communautĂ© tzigane, manouche en France, qui n’avait pas Ă©tĂ© mis Ă l’honneur Ă traverse un film jusque-lĂ . Il y avait Ă la fois un enjeu artistique et puis une forme de travail mĂ©moriel Ă faire pour le peuple tzigane. Et après pour se plonger dans la musique pendant plus d’une annĂ©e, un an et demi environ c’est une chance merveilleuse!
Vous avez de la chance de jouer aujourd’hui dans des films internationaux avec des comĂ©diens aussi internationaux. On se rappelle de votre participation dans le film Lost River de Rayan Gosling..
Effectivement, j’ai de la chance de pouvoir travailler avec des gens dans diffĂ©rents pays. Apres, je n’ai pas que de la chance je travaille beaucoup. C’est une libertĂ© artistique que je me donne qui fait que j’attire des gens qui sont cohĂ©rents avec ce que moi j’ai Ă proposer.
Vous vous appelez RĂ©da Kateb Ă consonance arabe, mais votre rĂ©putation vous a prĂ©cĂ©dĂ© aujourd’hui puisque vous n’interprĂ©tez pas que le rĂ´le de l’Arabe de service, mais vous avez un long CV derrière vous…
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? El hamdoulah (rire). J’essaye de me donner Ă moi le choix et du coup certains choix viennent Ă moi. Cela va dans les deux sens. Ce sont tous les projets que j’accepte. Chaque film que je fais est un film qui me fait rĂŞver. LĂ , je viens de tourner avec Eric Toledano et Olivier Nakache et qui avaient rĂ©alisĂ© Intouchable, Le sens de la fĂŞte etc. C’est un film qui se passe dans le monde de l’autisme oĂą on a tournĂ© avec de vrais enfants autistes. Des gens d’associations qui s’occupent de cas lourds d’autistes. C’est un film dans lequel je joue avec Vincent Cassel et des jeunes comĂ©diens et d’autres non comĂ©diens. C’est le dernier tournage qui m’a fait rĂŞver. Je l’ai fini il y a une semaine.
Quel conseil donneriez-vous Ă quelqu’un qui veut se lancer dans ce mĂ©tier?
Je lui conseillerai de s’accorder d’abord plus Ă lui-mĂŞme la libertĂ© qu’il voudrait qu’on lui donne. Si, lui, il se donne la libertĂ© de faire quelque chose avec sincĂ©ritĂ©, si rĂ©ellement l’art pour lequel est fait c’est ça, parce que ce n’est pas Ă©vident, parfois, il faut que ça plaise aux gens ce qu’on fait et bien, il ne faut pas trop Ă©couter les voix qui peuvent les dĂ©courager et de foncer. Ca peut marcher peut ĂŞtre…
C’est quoi vos projets?
J’ai un projet de film avec un rĂ©alisateur argentin sur quelqu’un qui a Ă©tĂ© jugĂ© en Cour d’assise dans les annĂ©es 1980, qui a pris en otage le tribunal. C’est un film de prise d’otages que je devrais tourner dans l’annĂ©e et puis un film avec Mathias Malzieu, c’est le chanteur français du groupe Dyonisos. C’est un film qui s’appelle Une sirène Ă Paris oĂą je joue le rĂ´le d’un chanteur qui rĂ©cupère une sirène Ă©chouĂ©e au bord de la seine et qui va la ramener dans sa baignoire pour lui donner du poisson panĂ©…