Les mesures prises depuis peu par l’actuel gouvernement traduisent cette parfaite légèreté avec laquelle sont gérées les affaires économiques du pays.
Le gouvernement, fraîchement installé pour gérer les affaires courantes, semble ne pas vouloir chômer, s’ingéniant à trouver des solutions susceptibles d’endiguer la fonte accélérée des réserves de changes. Un dossier visiblement trop sérieux pour un gouvernement éphémère. Plafonnement de la valeur des importations des kits SKD-CKD par-ci, rationalisation des approvisionnements en céréales et en poudre de lait par-là, le dernier gouvernement de Bouteflika veut faire croire qu’il a trouvé la recette magique capable de faire baisser les importations, réduire le déficit de la balance des paiements et contenir, par là même, l’évolution négative du solde des réserves de changes.
Sauf que les précédents gouvernements ont fait un léger mieux sans que cela se soit traduit par des résultats probants. Des licences d’importation nées à la mi-2015 sous le gouvernement Sellal à l’arsenal juridique concocté par Ouyahia et mis en application dès janvier 2018, en passant par la généralisation du dispositif des licences par le gouvernement Tebboune, les mesures sont légion, les enjeux majeurs, mais les économies réalisées se comptent en millions de dollars seulement. Contre l’amateurisme et le populisme de l’actuel gouvernement, le prochain Exécutif héritera d’une véritable bombe à retardement, dont le compte à rebours a été déjà enclenché par l’inaction et la passivité des précédents gouvernements. Les mesures prises depuis peu par l’actuel gouvernement traduisent cette parfaite légèreté avec laquelle sont gérées les affaires économiques du pays.
Plus techniquement, il est peu probable que ces décisions puissent avoir un impact significatif sur la balance des paiements, car, au-delà des “mesurettes” touchant essentiellement l’alimentaire et l’automobile, la balance des services n’a pas été ciblée par les nouvelles restrictions à l’importation. Elle présente annuellement un déficit de l’ordre de 10 milliards de dollars en moyenne, lequel impacte directement l’évolution des réserves de changes. Ces nouvelles restrictions concernent uniquement les biens de consommation alimentaire (céréales et poudre de lait) et des consommables non alimentaires (véhicules). Or, ces groupes de produits ne représentent qu’environ un tiers des importations. De ce fait, les deux tiers restants, à savoir les biens intermédiaires/intrants et biens d’équipement, qui font l’essentiel de la facture d’importation, n’ont pas été la cible desdites mesures.
Cette nouvelle façon de faire, qui n’est pas très différente de la politique protectionniste des précédents gouvernements, ne changera rien à la situation actuelle et ne contribuera point à la réduction du déficit de la balance des paiements. Quant à la question de l’envolée de la facture d’importation des collections CKD-SKD, les précédents Exécutifs se sont, certes, fait rouler dans la farine, étant donné que la filière est devenue la solution idoine pour faire sortir les devises au moyen de la surfacturation, mais le retour annoncé à l’importation des véhicules de moins de trois ans d’âge est une mesure pour le moins populiste et dénuée de tout fondement économique et budgétaire. Dans tous les cas, le temps presse et l’heure n’est pas aux mesures populistes et conjoncturelles. L’acte qui s’annonce le plus compliqué à l’avenir est de vouloir tenter de redresser le bateau sans avoir la légitimité populaire pour le faire. D’où la nécessité d’une solution politique consensuelle à l’impasse actuelle afin de doter les prochains gouvernants de la légitimité nécessaire à mener les réformes structurelles et ambitieuses exigées par la crise.
Ali Titouche