Relation Algéro-Française: Passion, malentendus et obstacles

Relation Algéro-Française: Passion, malentendus et obstacles

Les responsables des deux pays sont conscients, selon plusieurs sources, du poids de l’histoire en partage, mais également des potentialités de coopération qui ne sont pas encore assez explorées.

“La relation franco-algérienne a quelque chose d’unique ; nos sorts sont étroitement liés. Ça donne à l’Algérie un statut spécial.” Ces propos ne sont ni d’un “nostalgérique”, encore moins d’un potentiel investisseur, mais d’un ancien responsable français, aujourd’hui à la tête d’une fondation et qui s’emploie, depuis quelques années, dans ce qu’il y a lieu d’appeler la diplomatie parallèle, à renforcer la relation entre Alger et Paris, souvent grippée par le contentieux mémoriel.

Quelques jours avant la tenue de la cinquième réunion du Comité mixte économique algéro-français (Comefa), dont les travaux devaient commencer hier en début de soirée à Paris (réunion qui sera consacrée à l’évaluation de la coopération, à l’état d’avancement des projets de partenariat en cours et à dresser des perspectives de partenariat), ce responsable rencontré dans l’Hexagone a livré, au cours d’un échange à bâtons rompus avec un groupe de journalistes algériens, son point de vue sur le pays avec lequel il entretient des liens privilégiés.

Un point de vue qui se veut à la fois lucide et pragmatique, mais qui tranche singulièrement avec le jargon lisse, diplomatique. “C’est un pays vaste, difficile, compartimenté (…) mais il y a des atouts, un peuple endurant”, dit-il. “Votre pays n’est pas assez diversifié, ça doit venir des Algériens eux-mêmes (…) On a laissé beaucoup d’occasions entre l’Algérie et la France.” Et il n’ignore pas que, parfois, la question mémorielle est “instrumentalisée” pour des motifs politiques, autant en France qu’en Algérie. “Vous avez des lobbies de la mémoire qui font tourner la roue chez vous”, souligne notre interlocuteur. Reste qu’en dépit des vicissitudes que connaît la relation entre les deux pays, les responsables des deux pays sont conscients, selon plusieurs sources, du poids de l’histoire en partage, mais également des potentialités de coopération qui ne sont pas encore assez explorées.

“Des lobbies de la mémoire”

Si les deux pays “discutent de tout” et travaillent sur plusieurs chantiers, des “efforts restent à faire” et la relation n’a pas encore atteint une dimension à la mesure des ambitions des deux peuples.

En d’autres termes : des pierres d’achoppement existent encore. “Nous travaillons sur beaucoup de domaines : économique, sécuritaire et sur la mémoire (…) Tout n’avance pas, peut-être, au rythme souhaité, mais nous voulons une relation étroite”, soutient une source au fait du dossier de coopération entre les deux pays, rencontrée à Paris. “Il faut garder le cap et faire avancer la relation”, ajoute-t-il, elle qui considère que des déclarations, à l’image de celles tenues récemment par Bernard Bajolet sur le Président algérien, ne doivent en aucun cas impacter la dynamique des relations. Si cette source soutient que le geste envers la famille Audin contribue à apaiser davantage les mémoires et traduit l’attachement de la France à la question mémorielle, ce qui est de nature à “ouvrir des perspectives”, elle ne considère pas moins que la question de la “mobilité des personnes” peut être une source de malentendus. “Nous savons qu’il pourrait y avoir des malentendus, mais on s’inscrit dans le cadre de la mobilité légale, il faut continuer, mais lutter également contre l’immigration illégale. Il faut traiter la question de manière sérieuse et conformément au droit pour que le dossier ne fasse pas le lit des populismes”, souligne cette source. “Il y a un élément de la politique française qui nous préoccupe, c’est le retour des migrants en situation irrégulière : le taux est faible… Encore faut-il que les pays coopèrent. La France dispose d’un système juridique qu’elle espère exister ailleurs”, soutient une autre source spécialisée dans les questions migratoires.

À ses yeux, les deux pays peuvent coopérer davantage sur la question migratoire et, par ricochet, sur la question libyenne, un des foyers, source du fléau.

À Paris, on souhaite également que la coopération soit densifiée autour de la situation au Mali. Autre volet auquel Paris accorde une importance capitale dans ses relations avec l’Algérie : le volet économique, domaine où elle constitue le principal partenaire en dehors des hydrocarbures.

Climat des affaires, l’éternel frein

Dans ce contexte, si l’on se félicite de “quelques avancées”, l’on ne se cache pas, en privé, de critiquer le climat des affaires, particulièrement la “mouvance du cadre juridique”. Un investisseur a même été pris au dépourvu après la décision des autorités algériennes d’opérer un tour de vis aux importations. Il s’est retrouvé pris dans le piège de l’incapacité d’importer des produits dont il a besoin pour son projet… d’investissement ! “On a un dialogue avec les Algériens (…) Ils nous demandent d’être compréhensifs en nous expliquant les difficultés induites par la chute des prix du pétrole, mais il ne faut pas fragiliser les équilibres commerciaux”, estime notre source. Selon elle, le “dialogue doit être serein” et les autorités algériennes sont “conscientes” de certains aléas qui plombent le climat des affaires, comme la bureaucratie ou encore la corruption. “On doit faire des efforts pour avancer”, affirme cette source qui espère, par ailleurs, que le dossier “Peugeot soit débloqué au cours de la réunion de la Comefa”.

Un des partisans d’un meilleur renforcement de la coopération et grand connaisseur de l’Algérie, pour s’y être rendu plusieurs fois, soutient qu’“il faut changer de paradigme, de mode de coopération, faire des projets communs en associant les universités et mobiliser les territoires”. “On a énormément de choses à faire, par exemple améliorer l’image de l’Algérie en France”, dit-il. Et à ceux qui évoquent le départ massif de jeunes cadres algériens, sa recette est très simple : “Plus vous encouragez la logique du co-investissement, plus vous fixez vos jeunes.” “Mais le problème est que votre réglementation est mouvante”, déplore-t-il.

Karim kebir