Rencontre à la librairie point-virgule: La femme entre les orages du vécu et la sérénité du Tassili

Rencontre à la librairie point-virgule: La femme entre les orages du vécu et la sérénité du Tassili

Les auteures Hedia Bensahli et Ginette Aumassip étaient samedi les invitées de la librairie Point-Virgule pour parler de leurs ouvrages Orages (éditions Frantz-Fanon) et Mémoire des pierres (éditions Anep).

Entre un citoyen qui lit et une population qui bouillonne, il fait bon sentir l’odeur du livre et écouter la culture bouillonner de plus belle en ces temps qui palpitent à plus d’un son, surtout lorsque celle qui s’occupe de faire mijoter la marmite culturelle est une Femme, et doublement quand elles sont deux. Deux “Djamilates” comme les nommera si bien un fervent lecteur et habitué de la librairie Point-Virgule de Chéraga (Alger) pour souligner le rôle important qu’a joué la Femme algérienne pendant la Révolution, rôle que beaucoup d’hommes ont tendance à oublier ou à dénigrer aujourd’hui.

Mais le thème du jour n’était pas celui-là, bien que tenu par deux femmes dont le sujet et le domaine pouvaient sembler différents, mais qui cependant ont trouvé d’eux-mêmes leur dénominateur commun car, non seulement écrits par une auteur(e) donc femme, mais aussi liés par  une continuité et une complémentarité dans le propos tenu par l’une, conforté par l’autre. Il a été question pour ce rendez-vous du 23 février de faire parler la lauréate du prix Yamina Mechakra 2019, Hedia Bensahli, de son premier roman Orages publié aux éditions Frantz-Fanon, qui en a accroché plus d’un, tant son ton était libre, cinglant et sans détours.

Il y est question de cette petite fille de 3 ans, à la période postindépendance, où toutes les libertés sont permises et pourtant… On veut lui interdire de laisser sa chaussette glisser en éventail pour les besoins d’une photo… Mais elle dit non ! Et on la suivra tout au long du roman jusque vers ses 50 ans, en passant par ses 18, ses 20, ses 40 ans… Et les différentes résolutions qu’elle prendra pour disposer de son corps, de son hymen, de sa virginité, de sa vie comme elle l’entend tout en provoquant des orages qui vont éclater tout au long de ses résolutions. Non, elle ne laissera pas cette société malade lui dicter sa conduite, ni lui faire subir ce qu’ont subi les autres femmes du roman. D’autres tranches de vie que le lecteur découvrira au fur et à mesure de sa lecture et qui le poussera à la réflexion et au questionnement.

Même à la remise en question de certains acquis, habitudes ou même “coutumes” néfastes, dans le couple, la famille et la société tout entière qui faussent toute une vie et qui poussent les individus de sexes opposés à se regarder en ennemis, à agir en antagonistes, au lieu d’aller vers le dialogue et la construction de la nation en commun, chose que la seconde invitée au débat, en l’occurrence Madame Ginette Aumassip (auteure de Mémoire des pierres aux éditions Anep) – docteur en lettres, directrice de recherche honoraire du CNRS, préhistorienne, spécialiste du monde maghrébin et saharien – a tenu à préciser.

Dans son domaine, nous dira-t-elle, elle a toujours été bien entourée et aidée tout au long de son parcours professionnel par des hommes “charmants” ; et ils existent sûrement ces hommes ; ils ont même existé à l’époque de ces peintures rupestres dont le Tassili algérien regorge tant, mais hélas très peu connues, et encore trop peu étudiées. La femme y est souvent représentée, et on y lit une belle et significative représentativité d’une force familiale nouée par ces mains qui se touchent en présence d’enfants ; une manière de dire que ces populations qui nous ont précédés ne sont pas forcément ces “rustres barbares” comme on a tendance à vouloir nous faire croire.

Un autre thème crucial et une question capitale que celle relative à la sauvegarde de ce patrimoine rupestre si riche de l’Algérie, qui nécessite des pages et des pages pour débattre. Et d’autres sujets cruciaux ont été abordés comme celui de l’école, de l’éducation, de la famille, du respect de la différence, de l’histoire, de la construction de la nation par la culture et le savoir.

Samira Bendris-Oulebsir