Sombre épisode de la Révolution tirant quasiment à sa fin où l’option de négociations avec les autorités coloniales était, pour ses initiateurs, inéluctable, sauf qu’il s’était trouvé des voix qui l’avaient contestée. Pis encore, ils ont été traités de traîtres, au mieux de fomenter un coup d’État. Mahsas avait bien traité Abane Ramdane d’interlocuteur valable des Français appuyant ainsi les détracteurs de Si Salah qui avaient entrepris la même démarche.
Ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Si Salah ou l’affaire de l’Élysée, était, hier, au centre d’un débat à la Bibliothèque nationale. Avec la participation de la Fondation de la Wilaya IV historique, le symposium a réuni des moudjahidine et des historiens chercheurs afin de rétablir les faits dans leur contexte historique et mettre fin, le cas échéant, au procès d’intention dont ces responsables ont été victimes.
Acte de bravoure ou simple trahison ? Telle était la question lancinante à laquelle les invités du symposium ont voulu répondre. Parmi les conviés, les organisateurs ont pris soin de cerner la problématique dans son volet, à la fois historique, avec les témoignages d’acteurs et de proches, du volet écriture d’histoire, mais aussi celui relatif à la méthodologie pour mieux s’imprégner du sujet et livrer la version la plus juste. Youcef Khatib, dit colonel Si Hassan, Lakhdar Bouragaâ, commandant de l’ALN y étaient invités et chacun a livré sa version des faits devant des enseignants et des historiens.
Le premier à avoir pris la parole est le fils du colonel Si Salah, Rabah Zammoum, auteur du livre Si Salah, mystère et vérités. Une rencontre déterminante pour l’indépendance. Dans son intervention, Rabah Zammoum a estimé que la rencontre entre les trois cadres de la Wilaya IV historique et le général Charles De Gaulle, alors président de la République française le 10 juin 1960, “était un événement majeur qui a déclenché tout un processus qui a suivi la rencontre”. Il a ajouté que lors des discussions entre les deux parties, De Gaulle a annoncé qu’il prendra langue avec le GPRA à propos de probables négociations pour mettre fin à la guerre.
“Face à cette réplique de De Gaulle, les membres de la délégation menée par Si Salah ont répondu à De Gaulle que s’il prend attache avec le GPRA, il n’entendra plus parler d’eux”, a-t-il déclaré, précisant que “c’est justement là où se situe l’objectif de cette rencontre qui n’est autre que la fin de la guerre et l’indépendance de l’Algérie”. “Dix jours après la rencontre avec De Gaulle, le GPRA informe qu’une délégation menée par Ferhat Abbas est allée rencontrer des officiels français”, a-t-il encore rappelé.
Ce fait historique, peu traité, ne peut rester indéfiniment caché, d’où le nécessaire examen des réalités historiques, seules à même d’éclaircir les zones d’ombre qui persistent encore dans cet épisode de la guerre de libération. Cette rencontre et cette initiative étaient-elles une remise en cause du CCE et du GPRA ? Sont-elles un coup d’état contre la délégation extérieure ? Autant de questions auxquelles des réponses doivent être apportées, car des différents points de vue donnés sur cette affaire, c’est l’épineuse situation des maquis de l’intérieur, dépourvus de moyens, à la fois logistiques, militaires et politiques qui auraient poussé les maquisards à rechercher une issue à la guerre, mais sans omettre le principe cardinal de leur révolte, à savoir l’indépendance nationale.
“Si Salah a refusé de rester à l’extérieur et a préféré reprendre le chemin du maquis dès son retour du Maroc en 1957”, ont témoigné des responsables et membres de la Wilaya IV historique. Lakhdar Bouragâa a rappelé que cette rencontre qui “n’est pas venue du néant”, estimant que des contacts ont été entrepris par le biais d’un magistrat de Médéa, Mzighi, ou Tolba Abdelatif, du commandant Ali Khodja, a été pour beaucoup dans l’initiative de cette prise de contacts.
Niant tout objectif visant à nuire à la Révolution, il a souligné l’importance de cette rencontre qui donnera un coup d’accélérateur aux négociations. Youcef Khatib, dans un témoignage écrit a souligné, pour sa part, que cette initiative ne peut, en aucun cas, être considérée comme une traîtrise, du fait que le combat des moudjahidine s’est poursuivi dans la Wilaya IV jusqu’au cessez-le-feu.
Mohamed Mouloudj