l’aspect financier revêt une importance capitale, surtout en ces temps de stress budgétaire induit par la chute des prix du pétrole.
La reconfiguration de l’Etat, notamment dans ses démembrement locaux, fait débat depuis plusieurs années. Et si certains ont proposé la multiplication des communes et la création de nouvelles wilayas et de wilayas déléguées pour rapprocher l’administration du citoyen, le Rassemblement pour la culture et la démocratie a, lui, fait des propositions révolutionnaires. En effet, dans le cadre de son projet portant refondation de l’Etat, sa restructuration et la modernisation de sa gestion, il a préconisé une réforme profonde de l’organisation administrative en passant notamment par la dissolution des daïras.
«Il s’agit de dissoudre les daïras, inutilement budgétivores en transférant leur personnel et les budgets correspondants au profit des communes qui sont dépourvues d’employés qualifiés. Tous les élus locaux savent que ces entités au nombre de 548, sont le palier par excellence qui empêche toute intercommunalité au profit d’un contrôle policier de l’action des élus. Il s’agit également de restituer aux communes le contrôle de la conception et de la réalisation de tous les projets à caractère local quel que soit leur montant», écrit le président du RCD qui estime qu’il est temps de rendre progressivement aux communes la maîtrise des services communautaires (eau, assainissement, collecte et gestion des déchets) tout en plaidant pour la conception d’entités territoriales homogènes regroupant un certain nombre de wilayas pour définir des espaces de programmation viables.
Cette mesure, pour révolutionnaire qu’elle puisse paraître, ne procède en fait que d’une réforme plus ou moins courageuse qui permette une gestion plus intelligente, efficace et efficiente du territoire et des administrations locales. Dans l’esprit de ses auteurs, elle vise principalement à accompagner un développement local homogène et souple au niveau de toutes les régions du pays à travers une exploitation efficiente des potentialités de chacune d’entre elles. Interrogé sur la pertinence de cette proposition, Ferhat Aït Ali, expert financier, estime qu’elle est «très positive».
«La proposition faite par le RCD de supprimer les daïras est très positive. Elle mettra fin, si elle venait à être appliquée, aux pouvoirs discrétionnaires et stérilisants des walis», dit-il en précisant, en outre, que «dans la pratique, les daïras ont cessé d’exister, pour le citoyen», et qu’ «elles ne jouent plus qu’un rôle d’obstruction et de blocage des projets et délibérations, ce qui dédouane les walis de certains actes qu’ils délèguent aux chefs de daïras, tout en permettant à ceux-ci de surfer sur le flou des prérogatives et des décisions». Mais, en plus de cette dimension politique de la dissolution des daïras qui se veut une entreprise de «débureaucratisation» de la gestion des collectivités locales, il y a l’aspect financier qui revêt une importance capitale, surtout en ces temps de stress budgétaire induit par la chute des prix du pétrole.
Il s’agit en effet d’effectuer des réajustements profonds afin de réorienter les budgets des daïras de sorte qu’ils soient plus utiles. «La suppression des daïras va permettre de faire l’économie de plus de 540 budgets de daïras, soit environ 10 milliards de dinars, ce qui n’est pas peu. Les fonds des daïras iront au fonds commun des collectivités locales qui feront l’équilibre de répartition», a expliqué Ferhat Aït Ali qui estime qu’ «avec ou sans daïras, les communes doivent être assez libres de créer l’investissement qui génère leurs revenus».
S’agissant de la faisabilité de la chose, tout particulièrement dans les conditions qui prévalent actuellement sur la scène politique, économique et sociale du pays, Aït Ali considère que le gouvernement peut aller dans ce sens sous la pression de la crise. Il faut en effet rappeler que, depuis quelques années, le débat sur la décentralisation, la régionalisation ou la fédéralisation de l’Etat se structure de mieux en mieux et des mouvements politiques, des clubs de réflexion, etc., dont une telle perspective constitue la raison d’être, se mettent en place. Le dernier en date, c’est le Rassemblement pour la Kabylie qui se veut un mouvement légaliste qui entend agir dans le cadre de la République algérienne pour aboutir à un Etat régionalisé. C’est dire que les conditions d’une réforme profonde de l’Etat sont dans une phase de maturité.