La tomate à 15 DA, la courgette et l’aubergine à 10 DA… Ces prix qui peuvent, de prime abord, paraître exagérément bas ou du moins anecdotiques, notamment en cette première semaine du Ramadhan, sont, bel et bien, réels.
Il suffit de se rendre à l’espace de vente en gros des fruits et légumes des Eucalyptus. Plus qu’un marché, il s’agit d’un véritable pôle économique. Une virée matinale faite hier, sur les lieux, renseigne de l’importance et l’envergure de cet endroit. A 10 heures, il y a déjà foule. Par groupes, des commerçants ainsi que d’autres acheteurs de circonstance, prennent d’assaut l’enceinte du marché. Les agents de sécurité, arborant un uniforme flambant neuf, s’enquièrent des moindres détails. Chacun à son poste, ils effectuent consciencieusement leur travail, celui de veiller à la sécurité des citoyens notamment en cette période de jeûne où les gens ont les nerfs à fleur de peau.
Le parking est plein à craquer. Entre 2.300 à 3.000 camions et voitures pénètrent quotidiennement le marché, nous dit-on. Enorme ! Sa capacité globale de 650 places. Les charretiers, dans un va- et-vient incessant, sont là depuis les premières lueurs du jour. Un «métier» saisonnier pour certains tandis que d’autres, l’«exercent» à longueur d’année. Comptent-ils y rester ? Que nenni, répond Oussama, dont le front est déjà sillonné par des rides «précoces» et les mains rugueuses, regrette son comportement de jeune écolier insouciant de quitter tôt les bancs de l’école et ne pas trouver d’autres perspectives que de transporter les marchandises.
Passé les consignes de sécurité, nous entrons de plain pied, parmi les étals. Boudjemaâ, originaire de Khenchela, nous sert de guide. «Il y a un peu du tout», dit-il d’emblée. Un constat qui est vite confirmé. Le premier carreau visité est celui des dattes. Plusieurs variétés sont présentées sur les étals. «C’est de la Deglet nour», explique Mohammed, grossiste. Le périmètre qu’il loue est à moitié vide. Motif ? A 11 heures, une partie des quantités proposée, est vite liquidée. Les prix sont alléchants, variant entre 150 et 480 DA. Il n’est point étonnant sachant que ce mandataire, à lui seul, vend, en moyenne et quotidiennement une tonne de ce fruit oblongue et comestible. Ce natif d’Alger, évoque un paradoxe, cette abondance à bas prix de fruits et légumes, semble expirer une fois en dehors de l’enceinte du marché. Selon ses dires, les détaillants sont derrière les flambées, parfois vertigineuses à chaque mois de Ramadhan. «On ne possède pas un pouvoir magique pour influer sur les prix des détaillants, qui se livrent souvent à des pratiques de hausse des tarifs relevant de l’inconscience, cédant à l’appât du gain facile». Ne voulant pas se perdre en regrets inutiles, il dit attendre juste que l’étau de la justice se resserre sur ces commerçants spéculateurs.
La réhabilitation du marché sera achevée avant l’Aid El Adha
Comme est constaté de visu, comparativement aux marchés du détail, la différence est de taille. D’un carreau à l’autre, les prix vous laissent pensif. L’ambiance est au labeur et la plupart des mandataires ont le front en sueur, néanmoins la fatigue ni le jeune, n’ont l’air d’avoir de l’effet sur eux. «Ventre affamé n’a point d’oreilles», s’amuse à dire un mandataire, jouant à la grille des mots croisés, expliquant qu’il faut que les mandataires gardent toutes leurs facultés pour effectuer les transactions.
Les acheteurs, eux, s’attellent à mettre leurs caisses et leurs cageots remplis de fruits et légumes dans les camions, tandis que d’autres chargés à ras bord de marchandises continuent à affluer de partout. «On achète en grandes quantités en venant ici, pour la simple raison que ce n’est pas partout que s’affichent des prix si abordables», indique Djamel, détaillant de Chéraga, apparemment des bonnes affaires qu’il fait ici. Il faut dire que les prix parlent d’eux-mêmes. L’oignon, très présent dans nos assiettes, est vendu seulement à 20 DA le kilo, tandis que la pomme de terre, fécule également prisé par les Algériens, ne dépasse pas les 25 DA.
Les mandataires s’activent avec plusieurs clients à la fois. Le nombre de «visiteurs» de ce marché de gros va crescendo au fil des minutes… Ça ne désemplit pas. Les carreaux restent bien achalandés. «On veut liquider tôt», relève un mandataire quinquagénaire. Infatigable, notre accompagnateur nous mène adroitement à travers les dédales des longues allées.
Une ambiance bon enfant y règne. A l’adresse des mandataires, il fait part de l’objet de notre visite. Au deuxième hangar, les prix sont identiques. Le kilo des haricots verts, varie entre 55 à 60 DA, celui de l’ail, fixé à 65 DA. Pour les fruits, les pastèques sont cédées à 25 DA le kilo, les bananes à 100 et le raisin à 160 DA.
Une aubaine pour les petites et moyennes bourses qui peuvent ainsi remplir leur couffin pendant ce mois béni. «Avec les commerçants détaillants, on revient souvent bredouilles», fustige ammi Hacène, un Belouizdadi, apparemment habitué du marché.
Au cadran de la montre il est presque midi. En dehors de ce périmètre de 6 hectares, où les fruits et légumes s’assemblent en parfaite alchimie, on s’arrête, admiratifs, devant ces rotations de camions pour le ramassage des détritus, qui, selon les agents, sont effectués à raison de trois fois par jour. Par rapport aux années précédentes, au cours desquelles le marché et la décharge publique d’Oued Smar qui le jouxte, dégageaient des odeurs de miasme irrespirables, le changement est palpable et l’organisation de ce système de ramassage, de même que la présence des agents de sécurité qui veillent au grain font que les lieux ne sont plus insalubres Doté de 80 carreaux, le marché a été construit en 1994.
Il alimente le centre et les wilayas limitrophes. Un droit d’accès est exigé. Son montant est fixé à 100 DA.
Cependant, loin d’être satisfait par l’état des lieux, le directeur de l’établissement public de gestions des marchés de gros des fruits et légumes, Mounir Ayad que nous avons rencontré à l’issue de notre visite, nous expliquera que cet espace de vente fera l’objet, très prochainement, d’une importante rénovation. Pour lui, c’est promis : le marché aura un nouveau visage et un mode de gestion plus moderne.
Fouad Irnatene
Mounir Ayad, DG de l’établissement public de gestion des marchés de gros des fruits et légumes :
« 800 tonnes de fruits et légumes ont transité en 5 jours au marché des Eucalyptus »
Activité intense que connaît le marché de gros des fruits et légumes des Eucalyptus en ce début de Ramadhan, loyers impayés par les mandataires et défis qui se profilent à l’horizon… Mounir Ayad, directeur général de l’EMGWA en parle. A cœur ouvert…
On imagine que la forte affluence que subit le marché pendant le Ramadhan n’est pas facile à gérer…
En fait, le marché est d’une superficie de 6 hectares. Il est composé de trois hangars où travaillent 80 mandataires avec un registre de commerce.
Il a été créé en 1994 et il est devenu fonctionnel en moins d’un an. Pour son bon fonctionnement, cet espace dispose de 65 agents de sécurité qui font un travail à la fois extraordinaire et méticuleux, aux fins de sécuriser l’établissement, les agriculteurs, les mandataires et le citoyen en général.
Durant les cinq premiers jours du mois sacré de Ramadhan, 800 tonnes de fruits et légumes ont transité par le marché. Cet approvisionnement en quantités importantes a fait que les prix sont restés stables, notamment pour les fruits. Une légère hausse a été constatée pour les légumes, laquelle trouve son explication dans la loi de l’offre et la demande.
Qu’en est-il des loyers impayés par les mandataires ?
Il s’agit là d’un dossier très lourd et sensible constituant l’une de mes préoccupations majeures depuis mon installation, fin 2010, en ma qualité de directeur général de l’EMGWA. Pour ce faire, 10 conseils d’administrations ont été tenus afin de régler le problème crucial des créances de mandataires qui, parfois dépassent les 7 milliards de centimes. Deux étapes ont marqué ce dossier. L’une s’étale de 1999 à 2008 tandis que la seconde va de 2009 à ce jour.
Des négociations ont été menées. Ce travail assidu nous a permis d’arriver à une solution définitive qui consiste à transférer le dossier à la Justice. Pour la première tranche, la loi est appliquée et on a eu gain de cause.
Des délais de 15 jours leur ont été accordés. Des deux solutions, l’une : soit ils paient, soit on récupère le fonds. La seconde tranche est en cours.
Notre intention est de clore, définitivement, le dossier des mandataires au plus tard début 2014, afin de pouvoir honorer, par la suite, nos engagements futurs.
Le problème ne date pas d’aujourd’hui. Comment en est-on arrivé là ?
Les choses doivent être dites en toute franchise. Pendant de longues années, la gestion a fait défaut, ce qui a conduit au cumul de plusieurs erreurs non sans conséquences.
Quelles sont vos priorités actuellement ?
Sur instructions du wali d’Alger, le marché de gros des Eucalyptus sera modernisé. Pour les travaux de réhabilitation, il faut relever que des commissions de marché ont été faites. Un appel d’offres est lancé qui paraîtra, dans la presse, d’ici quelques jours, avant de lancer le projet. La modernisation sera axée sur l’habillage, l’éclairage moderne, un système de ramassage performant… plusieurs tâches seront prévues dans le projet. »