Avec une pluviométrie quasi nulle, le sud de l’Algérie, représentant quelque 70% de la superficie totale du pays, est exclusivement alimenté en eau à partir de réserves souterraines sous formes de nappes qui servent à la fois l’irrigation agricole, l’industrie ou l’alimentation des populations locales en AEP.
Cependant, jamais les potentialités hydriques des profondeurs du Sahara algérien n’ont fait objet d’autant de débats et de divergences de vues que depuis la décision prise par le gouvernement en faveur de l’exploration du gaz non conventionnel dans le pays. Entre partisans et opposants du gaz de schiste, les avis sont radicalement opposés quant aux risques qu’encourent les eaux souterraines du sud du pays. L’éclairage primordial qu’il importe d’apporter d’emblée est de relever deux étages hydriques qui prédominent dans ces régions, selon les différentes recherches menées par les instituts spécialisés en études hydrauliques, géologiques ou en sciences de la terre.
La première est la nappe phréatique localisée à une profondeur proche de la surface, soit à moins de 100 mètres généralement et se recharge avec les eaux superficielles, pluviales ou usées. Néanmoins, cette nappe est d’une moindre utilité en raison de son fort taux de salinité. Les eaux provenant de la nappe phréatique sont même déconseillées en agriculture compte tenu des sels qu’elles drainent à la surface en anéantissant la fertilité des terres.
La seconde réserve, la plus importante, est la nappe albienne ou l’aquifère du Sahara septentrional. Selon Fabienne Lemarchand, Docteur en sciences de la terre et ayant mené durant sa carrière de multiples études sur les potentialités du sous-sol africain, cette réserve « s’étend sur plus d’un million de km² sous l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Elle recèle environ 31 000 milliards de m3 (mètres cubes) d’eau.
À titre de comparaison, la nappe souterraine de l’Albien, qui occupe environ 100 000 km² sous le Bassin de Paris, n’en renferme que 425 milliards de m3 ». Aussi importantes soient-elle, leur exploitation effrénée et non maîtrisée de ces réserves semble inquiéter davantage les chercheurs et spécialistes en la matière. Car, comme le confirme cette spécialiste du Sahara, « exploitée depuis plus d’un siècle, la nappe albienne du sud du Maghreb est à l’origine du développement urbain et agricole de la région, en particulier des villes de l’Atlas saharien ».
Mais, à présent, c’est le rythme accéléré du processus de développement de ces régions qui présente une menace avérée pour la pérennité de l’aquifère, compte tenu de la profondeur des forages qui y sont réalisés, dépassant les 1000 mètres. « Ces forages, explique-t-elle, se sont multipliés au cours des 30 dernières années. On en compte près de 10 000. Chaque année, plus de 2,5 milliards de m3 d’eau sont ainsi ponctionnés, contre seulement 600 millions de m3 en 1970 ». Les eaux y sont extraites au fur et à mesure, en fonction des besoins exprimés en la matière, pour alimenter les villes en eau potable, les périmètres d’irrigation (agriculture) et aussi répondre aux besoins croissants de l’industrie. Du coup, la question de la durée de vie de cet aquifère se pose avec une acuité croissante à mesure que la demande augmente.
Et, en contrepartie, la recharge de la nappe par les eaux de pluie et de ruissellement demeure incertaine. Avec le développement proche de l’exploitation du gaz de schiste, le risque se pose doublement sur la nappe albienne, selon les chercheurs en question. D’un côté, il y a l’accélération de l’épuisement de ces réserves, eu égard aux besoins importants en eaux qu’exige le processus d’extraction de ce type d’énergie, mais aussi le risque de pollution qu’entraîneraient les rejets en produits chimique, issus de la fracturation hydraulique utilisée dans ce type d’activité.
Mourad Allal (L’Éco n°107 / du 1er au 15 mars 2015)