Des députés français à l’Assemblée nationale ont rouvert, mercredi dernier, le débat concernant la restitution par la France des crânes de résistants algériens de la colonisation française, conservés au Musée de l’Homme de Paris.
En effet, plusieurs députés français, à leur tête Martens Carlos Bilongo, député du Val-d’Oise à l’Assemblée nationale, ont présenté une proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des crânes algériens. « Des restes humains collectés au 19e siècle en Algérie sont entrés au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Il apparaît qu’une partie de ces crânes appartiennent à des Algériens ayant combattu la colonisation française », ont-ils indiqué dans leur exposé des motifs.
Auprès de l’Assemblée nationale française, ces députés ont rappelé le fait qu’ « en 2017, le Président français de la République avait pris l’engagement de restituer ces restes humains algériens à la République d’Algérie, notant que les autorités algériennes avaient aussi adressé au Gouvernement français une demande officielle de restitution au cours de la même année ».
Toutefois, ont-ils noté, « le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères avait opposé, en 2018, deux obstacles à cette restitution ». À savoir, « l’intégration de ces restes humains aux collections publiques nationales, relèvent ainsi de la domanialité publique ». Mais aussi, « la subordination de cette restitution à l’identification de l’intégralité des crânes concernés ».
D’ailleurs, ils ont fait état d’un total « de 45 restes humains considérés algériens et datant du 19e siècle », dont « 37 ayant fait l’objet des travaux du comité d’experts algériens et français », notant que « 26 d’entre eux jugés comme restituables ». « Dès le 3 juillet 2020, 24 de ces crânes ont fait l’objet d’un dépôt par la France à la République d’Algérie pour une période de cinq (5) ans en dehors de tout cadre légal », ont-ils encore dévoilé soulignant que « deux autres crânes attendent d’être restitués ».
« Ces crânes illustrent une pratique relevant de la profanation de cadavres et de la barbarie »
Dans leur exposé des motifs, les députés ont indiqué que « la loi proposée visait à permettre la restitution immédiate des crânes actuellement conservés au MNHN ainsi que la conversion du dépôt réalisé le 3 juillet 2020 en une restitution pure et simple ».
D’ailleurs, ils n’ont pas manqué de citer « la « Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie » du 27 août 2022 qui annonce la création d’une commission conjointe d’historiens français et algériens chargée de travailler notamment sur la question des restes mortuaires des résistants algériens ».
« Ces crânes ne sont en effet que la manifestation d’une pratique relevant de la profanation de cadavre et de la barbarie pure et simple, abrités par des arguments pseudo‑scientifiques d’un autre temps, dont le seul but était d’assurer la destruction et l’humiliation totale d’un adversaire vaincu », ont-ils dénoncé pour appuyer leur cause.
En outre, ils n’ont pas manqué de remettre en question la détention de ces restes mortuaires et leur exhibition comme des pièces culturelles qui témoignent d’une pratique ignoble. Rajoutant qu’il est important « de rétablir la dignité des personnes dont la dépouille a fait l’objet de dégradation », et ce, « sans délai ou exigence procédurale relevant d’une manœuvre dilatoire aussi grossière qu’indécente ».
Que prévoient les articles de la loi proposée ?
Estimant que « le retour définitif de ces crânes sur leur terre d’origine présentera le mérite d’offrir une sépulture décente à ces personnes », les députés signataires ont affirmé que « la restitution totale se justifie donc au regard du principe de dignité humaine, de l’éthique et s’inscrirait dans un processus de reconnaissance par la France de pratiques regrettables vis-à-vis de ses anciennes colonies, dans une démarche d’apaisement ».
En outre, il convient de noter que ladite loi compte trois (3) articles. « À compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi et par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L. 451‑5 du code du patrimoine, les treize crânes algériens conservés dans les collections nationales placées sous la garde du musée du Muséum national d’histoire naturelle – Musée de l’homme, cessent de faire partie de ces collections », stipule le premier article de la loi proposée.
Dans un second lieu, le deuxième article de la loi affirme que « l’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un mois au plus pour remettre ces œuvres à la République algérienne démocratique et populaire ».
Enfin, le dernier article proposé admet le fait que « la restitution définitive à l’Algérie des vingt-quatre crânes ayant fait l’objet d’un dépôt à la République algérienne démocratique et populaire en juillet 2020 ».
Il convient de noter que le communiqué officiel de l’Assemblée nationale français a indiqué que cette proposition de loi est « renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement ».