Les nouveaux groupes sont-ils tenus à l’obligation de résultat ?
Les interrogations entourant la mise en place effective de la nouvelle stratégie industrielle sont définitivement levées à la faveur de l’installation des quatre groupes industriels, et pas des moindres, sur les neuf déjà programmés par le département de Hamid Temmar.
Resté à l’état embryonnaire, des mois durant, certains experts ne cachaient pas leur doute quant à l’aboutissement de ce projet, placé pourtant parmi les priorités du secteur. La création de ces groupes obéit à une volonté de l’Etat de booster l’industrie qui n’arrive toujours pas à se mettre sur rail tant le retard à rattraper est criant.
Les pouvoirs sont, encore une fois, venus en aide à des entreprises à la fois grandes par leur taille et importantes au regard du secteur d’activité. Entre matériaux de construction, industrie mécanique et bâtiment, la première impression qui se dégage est que cette répartition obéit à des besoins conjoncturels qui pourraient bien relancer la machine de production.
S’il est vrai que tout redéploiement dans la sphère économique repose sur le nerf de la guerre, à savoir les moyens financiers, il est tout aussi important et primordial que ces nouveaux-nés soient aptes à répondre aux objectifs que les pouvoirs publics définissent au préalable.
L’argent à lui seul ne saurait constituer l’unique solution à une problématique que tant de programmes de mise à niveau, synonyme d’apports en fonds de l’Etat, n’ont pas réussi à résoudre. Les craintes de voir les mêmes effets produire les mêmes résultats sont légitimes, au vu des sommes colossales qui seront injectés.
Le choix des secteurs
Sur les neuf groupes industriels, quatre ont vu le jour la semaine dernière. Cela signifie que la stratégie industrielle est mise en branle comme le souhaitait le ministre du secteur qui n’a pas échappé à des critiques quant à la fiabilité d’une telle démarche.
D’aucuns estiment, en effet, que l’Etat qui met une nouvelle fois la main à la poche, est le signe du retour à une économie dirigée alors que parallèlement les règles du libéralisme sont en vigueur.
Ce qui est, évidemment, loin d’être l’avis des concepteurs de cette stratégie qui leur opposent une thèse selon laquelle l’Etat ne peut se désengager de ces secteurs pourvoyeurs de richesses, de postes d’emploi et tout aussi indispensables au fonctionnement de la machine industrielle.
Devant les membres de la commission des affaires économiques, du développement, du commerce et de planification de l’APN, Hamid Temmar a dévoilé les noms des entreprises publiques transformées en groupes industriels, une première étape avant le parachèvement de tout le processus.
Ainsi, le Gica (Groupe industriel des ciments d’Algérie) a été installé en novembre dernier et a bénéficié d’un crédit à long terme de 64 milliards de dinars du Fonds national d’investissement (FNI) et de 116 milliards de dinars de la part de l’Etat.
Le groupe de médicaments Saidal a obtenu, quant à lui, un crédit de 16 milliards de dinars du FNI pour le financement de son plan de développement et d’investissement. La troisième société est la SNTA, qui dispose de plus de 47 milliards de dinars de liquidités, dont six milliards de dinars consacrés au plan de développement. Le Conseil national des participations de l’Etat (CPE) a validé également le plan d’investissement du groupe de BTP Cosider.
D’un montant de 31,5 milliards de dinars, ce plan sera financé à hauteur de 25,7 milliards de dinars par le FNI qui a accordé un crédit à Cosider, selon Temmar. Pour ce qui est de la SNVI, un fleuron de l’industrie mécanique , et même si elle ne fait pas encore partie du premier lot, les responsables de la société s’accrochent à leur plan de développement proposé au Conseil des participations de l’Etat (CPE) d’un montant de 76 milliards de dinars dont 64 milliards pour l’effacement des dettes.
Pourquoi un tel choix ?
Pour ce qui est de Gica, il est clair que le gouvernement entend mettre le paquet pour tenter d’en finir avec la crise du ciment dont personne ne peut prédire l’épilogue. Doter ce secteur de moyens financiers conséquents et d’une nouvelle organisation, s’inscrit en droite ligne des objectifs à réaliser à court terme comme l’augmentation de la production du ciment pour garantir les besoins locaux estimés à plus de 21 millions de tonnes.
La spéculation, qui n’est finit pas de faire parler d’elle, pourrait ainsi s’estomper, c’est en tout cas la solution préconisée par les pouvoirs publics en attendant de voir son efficacité sur le terrain. Dans le secteur du BTPH qui connait une certaine dynamique, il faut reconnaitre que l’Algérie ne dispose pas de groupes à la dimension des grands projets inscrits dans le programme quinquennal.
Le recours aux entreprises étrangères est la seule solution qui se présente pour mener à terme ces chantiers. La vision du gouvernement a changé dans ce domaine et l’encouragement des entreprises nationales est devenu une priorité.
Cosider aura ainsi la possibilité de s’affirmer davantage d’autant que la part des entreprises nationales, comme promis par Amar Ghoul dans le programme quinquennal, sera importante. C’est dire que le groupe se prépare déjà pour de grandes réalisations dans les prochains mois grâce à son plan d’investissement, telle l’autoroute des Hauts- Plateaux ou encore le nouveau million de logements.
Au centre des préoccupations, figure également la production pharmaceutique d’autant que le gouvernement s’est dit déterminé à substituer les importations par une production nationale de médicaments génériques. Saidal qui faisait face à une rude concurrence se repositionne grâce aux investissements qu’il a engagés. Dans ce registre, il y a lieu de signaler le lancement de la production de l’insuline, mais la société a eu du mal à engranger les résultats du retour sur investissement.
La dernière mesure du gouvernement, consistant à interdire l’importation de l’insuline, est plus que salutaire pour Saidal qui était contraint de prospecter des marchés en Afrique pour écouler sa production.
Un contrat objectif s’impose
Ces dizaines de milliards alloués par l’Etat, via le Fonds d’investissement sous forme de crédits à long terme, est à la fois une bouffée d’oxygène pour ces entreprises qui entament leur restructuration, mais les met aussi devant une obligation de résultat. Le premier responsable du secteur de l’industrie ne dit pas clairement si ces futurs groupes sont tenus par cette disposition.
Mais dans ce genre d’opération qui engage l’argent public un «contrat objectif» s’impose pour réussir la création de véritables champions économiques. Sans cela, la mission pourrait prendre le chemin des précédentes opérations de mise à niveau, notamment dans les années 90 ou des sommes non négligeables ont été injectés sans que le résultat ne suive.
Il est certes, prématuré de juger l’efficacité d’une telle démarche, dictée, il faut le dire, par la conjoncture économique mondiale ou le rôle de l’Etat est redevenu prépondérant. Toutefois, le management ou encore une nouvelle politique économique plus offensive, notamment vers l’extérieur, sont autant de paramètres à prendre en compte pour espérer un retour sur investissement.
R. E. H.