Information passée presque inaperçue en Algérie, le décret présidentiel paru dans le journal officiel du 24 mai 2023 fait couler beaucoup d’encre dans la presse internationale, notamment dans les médias arabes et français.
Ce décret du 24 mai a pour objet, comme l’indique le texte du JO : « de modifier et de compléter certaines dispositions du décret no 86-45 du 11 mars 1986 déterminant les circonstances et les conditions d’interprétation, intégrale ou partielle, de l’hymne national [algérien] (…) lors des cérémonies officielles ».
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Alors pourquoi un article, a priori anodin, suscite-t-il tant de réactions ? En effet, ce décret du président Tebboune consacre la réintroduction dans l’hymne national algérien d’un couplet qui cite nommément la France et qui, depuis 1986, a été mis en stand-by… pour des raisons politiques.
Le couplet en question est le 3e des cinq strophes que contient l’hymne national : « يا فرنسا قد مضى وقت العتاب » (Ô, France, le temps des palabres est révolu).
Que dit le 3e couplet de l’hymne national algérien ?
L’hymne national algérien, communément appelé Qasaman (Nous jurons), a été composé par le poète Moufdi Zakariya en 1955, alors qu’il était incarcéré dans les geôles de la France coloniale. Le compositeur égyptien Mohamed Fawzi se chargera d’écrire l’iconique partition musicale de Qasaman. En 1983, au lendemain de l’indépendance, les autotriés adoptent Qasaman comme hymne national officiel de l’État algérien.
Le poème originel de Moufdi Zakariya contient 5 strophes, dont la 3e s’adresse directement à la France en la nommant. Elle commence ainsi « يا فرنسا قد مضى وقت العتاب » (Ô, France, le temps des palabres est révolu). Ensuite le poète dit à la France coloniale qu’il lui faut désormais rendre des comptes :
« Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin ! ».
Pourquoi le 3e couplet de Qassaman fait-il hérisser les poils aux médias français ?
Or, ce 3e couplet qui s’en prend directement à l’ex-colonisateur n’a jamais été au goût des autorités françaises. Le polémique enfla en 1978, après la mort de Houari Boumediene. En 1986, les autorités des deux pays trouvent un « compris ».
On décida alors de réserver l’hymne intégral aux congrès du FLN et à la cérémonie d’investiture du président de la République. Le troisième couplet disparaissait ainsi de la vie publique. En 2007, on enfonce encore un peu plus le clou. Le couplet polémique est retiré des manuels scolaires en Algérie.
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On comprend alors mieux pourquoi ce décret de mai 2023 soulève autant de réactions en France. Celui-ci stipule, en effet, de jouer l’hymne intégral au protocole de toutes les cérémonies officielles en présence du président de la République, mais aussi lors des « visites officielles des chefs d’État ».
Ainsi, un président français qui se rendrait en Algérie sera contraint d’écouter un chœur algérien entonner ce couplet qui dit à la France que « le temps des palabres est révolu » et qui l’invite « à rendre des comptes ». Tout un symbole.
Quelques commentaires de la presse française et internationale
Comme nous l’avons mentionné dans le début de l’article, ce décret du président Tebboune a suscité moult réactions dans les médias français et internationaux.
Si la presse de l’hexagone feint l’étonnement, parfois l’indignation, et s’interroge sur la pertinence d’une telle décision, les médias arabes lui accordent un accueil plutôt favorable. Voici une sélection de titres avec lesquels des médias d’horizons différents ont choisi d’aborder la question du troisième couplet de l’hymne national algérien.
1. Le journal français, Le point
2. La chaîne française, TV5 Monde
1. Le média qatarien, Aljazeera
4. La télévision publique turque, TRT World