La campagne électorale pour le compte des élections législatives du 12 juin 2021 a pris fin hier mardi 8 juin. Une campagne marquée par des déclarations aussi insolites que controversées des candidats indépendants et des chefs de partis.
À défaut de programmes politiques dignes et de propositions qui aspirent à la hauteur des attentes des potentiels électeurs, les acteurs de la campagne électorale n’ont fait que multiplier les dérapages et les sorties insolites. Il faut dire que l’absence de plusieurs partis, qui ont décidé de s’écarter de la course, a empiré la situation.
Si l’on parle de dérapage, on pense inéluctablement au leader du mouvement El Bina, dont le dernier remonte au début de la semaine en cours. Encore une fois, Abdelkader Bengrina n’a pas manqué l’occasion de se jeter sur la Kabylie et la langue amazighe, pourtant consacrée dans la constitution comme langue nationale et officielle.
Fustiger une région pour gagner l’estime des autres, le pari Bengrina
En qualifiant ainsi cette langue autochtone « de chose », Bengrina voulait sans doute la minimiser en appuyant davantage son discours haineux envers elle. « Le jour où “une chose (Tamazight) » parmi les revendications de cette région (la Kabylie) a été satisfaite et introduite dans la Constitution, un des membres de la 3issaba (Ouyahia) et de ceux qui se trouvent aujourd’hui en détention a eu une discussion avec moi et je lui ai dit qu’en réalité vous êtes en train de négocier entre vous », a-t-il déclaré presque solennellement.
Dans la même lancée, l’intervenant a carrément accusé la région de la Kabylie d’avoir nui à la gestion du pays en évoquant, encore une fois, l’esprit de la dechra (village), visiblement ancré dans son discours. « La gestion de l’État avec l’esprit de la dechra a beaucoup nui, ces deux dernières décennies, à l’édification d’un État juste et égalitaire ».
Des graves dérapages aux sorties ridicules
Des graves dérapages des uns aux sorties ridicules des autres, la campagne électorale a livré un paysage désolant de la réalité politique en course vers l’hémicycle d’une institution souveraine censée représenter les aspirations du peuple. En parlant du ridicule, l’on pense sans doute aux « fraises fraiches sélectionnées » de Belhadi Aissa.
Lors d’un rassemblement populaire tenu le mardi 25 mai, dans le cadre de la campagne électorale des élections législatives du 12 juin, le SG du Front de la bonne gouvernance (FBG), Belhadi Aissa, a osé comparer « les belles femmes candidates » de son parti à de la fraise fraiche. Une dérive qui a provoqué une vague d’indignation et de dénonciations sur les réseaux sociaux.
Négociation et amnistie pour les oligarques incarcérés
L’autre point à retenir de la campagne électorale, l’appel de certains chefs de partis à négocier avec les hommes d’affaires emprisonnés. Le président du Front El Moustakbal Abdelaziz Belaid a carrément appelé à négocier avec les oligarques de l’ère Bouteflika dans l’espoir, dit-il, de récupérer l’argent détourné.
Évoquant ainsi une « intelligence moderne » forgée par « un raisonnement avant tout économique, et ensuite politique », pour une « réconciliation économique et politique », Belaid s’est dit, dans une conférence de presse, qu’il « pour négocier et récupérer l’argent pour le pays ».
Une campagne « lamentable »
D’un point de vue plausible et purement politique, les observateurs les plus émérites s’accordent sur une chose ; c’est une campagne des plus déplorables. C’est ce qu’a avancé, par exemple, le politologue Mansour Kedidir, interrogé par le quotidien Liberté. Pour lui, « cette campagne est déplorable ».
Évoquant « un discours vide et fantaisiste », le politologue estime que « cette joute électorale montre le niveau lamentable du débat politique. En vérité, elle dépasse les précédentes campagnes par la vacuité des prestations des candidats et la frilosité de l’ambiance ».
L’intervenant n’a pas manqué de souligner « une duperie électorale » médiatisée sur « grâce aux réseaux sociaux et à quelques chaînes de télévision privées ».
Le plus grave de tout ça, c’est que cette campagne justement critiquée nous donne déjà une perception assez claire de peu d’estime qu’accordera le citoyen à la prochaine assemblée. Pour l’interlocuteur, tout cela donnera naissance à « un désenchantement qui affectera la perception du citoyen à l’égard des assemblées élues et les institutions de l’État ».