Retour sur les émeutes des 2 et 3 janvier : des «barons de l’importation» pointés du doigt

Retour sur les émeutes des 2 et 3 janvier : des «barons de l’importation» pointés du doigt

Si la rumeur sur la grève générale avait été maîtrisée par nos experts, les contestations du 2 janvier, à Béjaïa notamment, n’auraient pas eu lieu.

C’est ainsi que le président de l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCAA), Hadj-Tahar Boulenouar, a amorcé son intervention, hier, au Forum du quotidien El Mihwar.

Ce dernier refuse de qualifier les événements du 2 janvier de «grève». «Il n’y pas eu de grève générale. Mais une rumeur de grève dont l’impact a été immédiat et a viré en contestations. A cause de cette rumeur, les commerçants du Sud, notamment, ont triplé leurs approvisionnements, tandis que la demande sur les produits de consommation non périssables a augmenté de 30%», assure-t-il. Il affirme que les commerçants ne sont pas derrière cette rumeur. Il n’a jamais été question pour eux, soutient-il, d’observer un mouvement de grève. «Les commerçants étaient les premiers étonnés par l’annonce de cette grève. Et c’est grâce à eux, à la mobilisation de leurs représentants, que cette grève n’a pas eu lieu», souligne-t-il en certifiant qu’aucun commerçant n’a pris part à cette grève. D’après lui, les commerçants qui ont fermé boutique le 2 janvier, l’ont fait par crainte des contestataires et non pour prendre part à cette grève. Cette action de fermeture d’ailleurs, signale-t-il, leur a fait perdre plus de 30 milliards de centimes en termes de manque à gagner.

Il rappellera qu’en parallèle à l’annonce du mouvement de grève nationale, une rumeur circulait sur une éventuelle hausse de 30% des prix des produits de consommation. «Une rumeur pour motiver la grève, d’une part. Mais aussi, pour préparer les consommateurs à une éventuelle hausse des prix, d’autre part. Ainsi, quand un producteur augmente ses prix de 10 ou de 15%, le consommateur l’acceptera plus facilement», explique-t-il. Se référant, par ailleurs, aux «confidences» faites par des importateurs, le président de l’ANCAA fait savoir que certains barons de l’importation espéraient obliger les pouvoirs publics à renoncer aux licences d’importation. «Cette grève serait utilisée comme moyen de pression afin d’obliger l’Etat à négocier avec ces importateurs. Leur revendication principale serait de faire annuler les licences d’importation et inonder le marché», révèle-t-il, déplorant que les associations locales n’aient pas tenté d’éclairer les citoyens et les prévenir contre les tentatives de manipulation. Un avis que partage l’avocat, Me Amer Rekhila. Pour lui, tant que la fracture entre le gouvernement et les citoyens subsiste, le pays ne sera pas à l’abri de chocs comme celui du 2 janvier.

La loi de finances 2017 et le manque de communication

«Les pouvoirs publics ont des difficultés à communiquer avec les citoyens. Et ces derniers n’agissent pas de façon réfléchie tant qu’ils ne font pas partie de partis politiques ou d’associations. Après ce qui s’est passé le 2 janvier, la logique aurait été de mettre en place un programme de communication pour éviter ce genre de situation», pense-t-il. Une situation qui a pris au dépourvu les pouvoirs publics, d’après l’économiste, Kamel Rezig. «Ceux qui ont confectionné la loi de finances 2017 n’ont pas fait complètement leur travail. Ils ont établi de nouvelles mesures mais sans penser à attirer l’attention du gouvernement sur l’impact que pourraient engendrer ces mesures. Il fallait accompagner les nouvelles directives par des simulations sur l’impact de la LF 2017 et s’y préparer. Les pouvoirs publics sont en partie responsables des événements du 2 janvier. Car ils ont également un rôle prévisionnel», estime-t-il. Il est fort possible, selon lui, que la LF 2017 ait motivé ces contestations. Même s’il y a eu complot et des mains externes, toujours selon lui, ces derniers n’auraient pu intervenir s’il n’y avait pas eu de failles. «L’absence de simulation sur l’impact de la LF 2017 est une faille. Le manque de communication est une autre faille. Pourquoi augmenter la TVA de 02% et non pas de 1%, par exemple ? Aucune explication n’a été fournie à ce propos. Et contrairement à ce qu’on pense, la nouvelle TVA affecte le pouvoir d’achat des petites bourses de façon particulière. N’oublions pas qu’il y a hausse des impôts et pas de hausse de salaires», observe-t-il.

Il indique que le problème de la petite monnaie est une conséquence aussi à la hausse des prix, de plus 2% enregistrée depuis le 1er janvier. Pour contourner les soucis engendrés par le manque de la petite monnaie, des producteurs ainsi que des commerçants, constate-t-il, fixent une hausse du prix de 5 dinars, par exemple, au lieu de 2 dinars. «Sauf que ces 3 dinars en plus ne sont pas déclarés.

Ce qui signifie que 2 dinars vont au Trésor et 3 dinars dans leurs caisses. En conséquence, la nouvelle TVA profite plus aux commerçants et aux opérateurs qu’au Trésor public», soulève-t-il en appelant les pouvoirs publics à se pencher sur cette problématique.

Il estime également que la hausse des prix par les importateurs et producteurs de produits de consommation, tels le café, est injustifiée. Pour pratiquer librement les prix dans l’économie de marché, explique-t-il, la facturation et la déclaration d’impôt sont obligatoires. «Or, ces deux conditions ne sont pas respectées. Par conséquent, il n’y pas de «prix libres» qui tiennent», assure-t-il.