Les exportateurs français de céréales semblent inquiets de perdre le marché algérien. “Avec l’enlisement de la crise du régime politique sous la pression de la rue, les contraintes budgétaires de plus en plus fortes faisant craindre une modification des politiques d’importation du pays, et depuis début juillet, la suspension de Mohamed Belabdi, numéro un de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), pour des allégations de corruption, on peut s’inquiéter de l’avenir des relations entre la France et l’Algérie pour le commerce de céréales”, écrit le groupe bancaire Crédit Agricole dans le dernier numéro de sa publication, Prisme, consacrée à l’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire.
Dans son commentaire, le groupe bancaire français relève que le blé tendre est un enjeu majeur pour l’Algérie, en tant que 3e importateur mondial. “La consommation de céréales est très importante et entre dans la stratégie gouvernementale de maintien de la paix sociale”, souligne le Crédit Agricole. Grâce aux rapports historiques et privilégiés avec l’Algérie, “la France se fait fort d’approvisionner ce marché au point que les blés français ont même représenté plus de 80% des importations algériennes sur la campagne 2018-2019 à des conditions particulières ‘déconnectées’ du marché”, affirme le groupe bancaire français.
“Mais un certain nombre de signaux forts laisse à penser que cette dépendance à la France pourrait voler en éclats”, indique le Crédit Agricole. Ce dernier rappelle que le 16 juin dernier le gouvernement algérien a décidé de la mise en place, auprès du ministre des Finances et associant les ministres du Commerce, de l’Industrie et de l’Agriculture en personne, d’un comité de veille, de régulation, de contrôle et d’évaluation de la céréaliculture.
Chargé de concevoir une approche claire, à court et moyen termes, en matière de rationalisation de la gestion et de l’importation des céréales, ce comité aura à effectuer un audit global concernant le respect des obligations juridiques par l’ensemble des opérateurs activant officiellement dans le domaine.
“L’objectif est clairement de réduire la facture d’importation”, signale le groupe bancaire français. “Outre la volonté de produire sur place plus de blé tendre, on peut comprendre aussi que l’Algérie analyse avec précision les échantillons de blé russe livrés pendant la campagne 2018-2019 pour vérifier le respect des exigences sanitaires”, ajoute-t-il. Le Crédit Agricole constate que l’OAIC “ne cache pas son souhait de diversifier davantage ses fournisseurs, d’autant que le prix du blé russe est nettement plus compétitif que celui du blé français”.
Pour le groupe bancaire français, “cela serait cohérent avec le principe de rationalisation souhaité depuis peu”. Mais l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays actuellement et les suspensions d’hommes à des postes-clés depuis longtemps “ne vont-elles pas freiner et retarder les prises de décision dans bon nombre de domaines ?” s’interroge le Crédit Agricole.
Meziane RABHI