Mise à rude épreuve par un marché instable, l’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) tente d’y asseoir une discipline qui engagerait l’ensemble des pays producteurs, parmi lesquels ceux qui ne se trouvent pas engagés dans l’accord de réduction en cours, à l’exemple notamment des Etats-Unis qui pompent des volumes constamment en hausse.
Dans l’objectif de réduire de l’offre qui dépasse actuellement largement une demande réduite par les perspectives d’une croissance économique rendue morose par les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, l’Opep a appelé hier à une « responsabilité partagée » de tous les pays producteurs de pétrole de sorte à atteindre la stabilité du marché.
L’appel a été lancé alors que les prévisions de croissance de la demande mondiale d’or noir pour 2019 et 2020 ont été de nouveau révisées à la baisse par l’organisation pétrolière. Dans son rapport mensuel publié hier, l’Opep table sur une demande de 1,02 million de barils par jour pour l’année en cours (-0,08 mbj par rapport à la précédente estimation), et sur 1,08 mbj pour 2020 (-0,06 mbj).
« Compte tenu des prévisions pour la croissance économique mondiale, la croissance de la demande de pétrole est attendue à environ 1 mbj en 2019 et 2020.
Toutefois, elle devrait être dépassée par la forte croissance de l’offre non Opep », souligne l’Organisation, en référence aux Etats-Unis dont la production, sans compter de pétrole de schiste, pénalise la démarche de l’Opep et ses partenaires, même si l’organisation a revu à la baisse sa prévision pour ce pays l’an prochain. Cela souligne la responsabilité partagée de tous les pays producteurs pour soutenir la stabilité du marché pétrolier afin d’éviter une volatilité indésirable et une rechute potentielle dans un marché déséquilibré», estime l’organisation dont la production a été augmentée en août dernier, atteignant 29,741 mbj, soit 136 000 bpj de plus.
L’appel de l’Opep intervient à la veille de la 16e réunion du Comité ministériel conjoint de suivi de l’accord Opep non-Opep (JMMC), qui se tient aujourd’hui à Abou Dhabi. C’est pourquoi, les ministres du secteur représentant les pays engagés dans cet accord ne devraient pas se limiter à la seule mission d’évaluer ce taux de suivi, qui a atteint 103% en août dernier, mais, bien plus que cela, et iront probablement vers une évaluation globale du marché dans sa situation actuelle, celle-ci nécessitant des manœuvres supplémentaires pour venir à bout de l’instabilité qui caractérise le marché depuis de nombreuses semaines, faisant souvent évoluer le baril de brut au-dessous des 60 dollars, bien en deçà des seuils qui garantiraient aux pays producteurs l’équilibre financier visé par la réduction opérée, soit 1,2 million de barils par jour dont 800 000 bpj pour l’Opep et 400 000 bpj pour ses partenaires.
Le ministère algérien de l’Energie avait d’ailleurs indiqué que la réunion du JMMC «sera consacrée à l’analyse de la situation du marché pétrolier international et de ses perspectives à court et moyen terme ».
C’est à quoi s’attelle l’Arabie saoudite, chef de file de l’Opep qui co-préside le JMMC avec la Russie. Son tout nouveau ministre de l’Energie, le prince Abdel Aziz ben Salmane, a clairement laissé entendre que son pays, qui assure le tiers de la production de l’organisation, maintiendra inchangée sa politique de production et se montre même favorable à de nouvelles coupes afin d’absorber le trop-plein de la production américaine.
« Les bases de notre politique pétrolière sont définies d’avance, et elles ne vont pas changer », a-t-il déclaré dimanche dernier, juste après sa nomination par son père, le roi Salmane. De son côté, l’Irak a déclaré que la réunion d’aujourd’hui porterait entre autres sur la nécessité ou non de réduire davantage les pompages, alors que le ministre émirati de l’Energie et de l’Industrie Souheil al-Mazrouei s’était montré moins enclin à aller vers de nouvelles réductions. Reconnaissant « les effets sur le marché pétrolier » de la guerre commerciale sino-américaine, il a néanmoins déclaré qu’il ne suggérerait des coupes (de la production) à chaque fois qu’il y a un problème de tensions commerciales, ajoutant que l’Opep+ ferait « le nécessaire » pour rééquilibrer le marché.
Les prix en dents de scie
Après une clôture à la baisse, la veille, les cours du pétrole reprenaient, hier, leur évolution à la hausse en cours d’échanges européens. Dans la matinée, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en novembre s’échangeait à 63,14 dollars à Londres, en hausse de 1,22% par rapport à la clôture de mardi. A New York, le baril américain de WTI pour livraison en octobre valait 58,20 dollars, 1,39% de plus que la veille. Cette évolution à la hausse s’opérait alors que le marché était en attente de la publication, plus tard dans la journée, de données sur les réserves américaines de brut. La semaine dernière, ces mêmes stocks avaient baissé de 7,2 millions de barils, soit « beaucoup plus que ce à quoi le marché s’attendait », relève l’analyste Stephen Brennock, analyste. Mardi, le pétrole avait subitement chuté au cours d’une journée, auparavant plutôt marquée par les hausses, entraîné par l’annonce de Donald Trump du limogeage de son conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, partisan d’une ligne dure vis-à-vis de l’Iran.