Révisionnisme et instrumentalisation politique : Passion anti-Algérienne

Révisionnisme et instrumentalisation politique : Passion anti-Algérienne

Des ultras ont manifesté hier, à Cannes, contre le film «Hors-la-loi» de Rachid Bouchareb. C’est le dernier avatar d’une passion anti-algérienne encore ancrée chez une partie du personnel politique français où les gens de l’UMP, de Nicholas Sarkozy et ceux du Front national de Le Pen se côtoient sans complexe.

L’ancien maire de Nice, Jacques Peyrat, présent dans la manifestation avec un béret vert de la Légion sur la tête, en est une synthèse caricaturale : il a été au Front national avant de passer à l’UMP, et la seule chose qui l’indigne est que l’on dise que 45.000 Algériens ont été massacrés le 8 mai 1945… Comme si 30.000 ou 15.000 tués – c’est un débat d’historiens et de chercheurs – en réduirait la gravité et l’horreur.

Le député des Alpes-Maritimes Lionnel Luca est outré que l’on présente les militaires français comme des SS, et la police comme la Gestapo… Il y a pourtant des faits établis, les militaires français soutenus par les milices ont massacré des populations civiles et sans armes…

Au-delà des instrumentalisations politiques de l’histoire qui interfèrent dans les relations bilatérales, ce qui choque le plus est cette persistance, chez une partie de la classe politique, à nier en quelque sorte l’humanité des «indigènes». Tuer 15.000 ou 30.000 ne serait pas grave et serait même «justifié»… par la défense des Européens.

Car, en définitive, ce qui est reproché à Bouchareb, qui n’a pas la prétention de faire oeuvre d’historien, est de ne pas avoir justifié les massacres. C’est tout. L’honneur de la France n’a pas été souillé par le massacre, mais par un film… qui sert de prétexte.

L’HONNEUR SAUVÉ PAR LES PORTEURS DE VALISE

Des courants français, foncièrement anti-algériens, c’est-à-dire qui n’ont pas admis la fin de l’Algérie française, surfent désormais sur un reflux du gaullisme et gagnent plus de terrain à droite et imposent un révisionnisme décomplexé de l’histoire. Les «porteurs de valise», ceux qui ont vraiment sauvé l’honneur de la France, sont traités d’assassins.

La loi du 23 février 2005 n’était pas accidentelle. Elle exprime bien le réveil d’une «droite hostile à l’Algérie qui empêche ce pays de reconnaître ses responsabilités», comme le note Harbi, au demeurant très critique sur la manière dont l’Etat «gère» l’histoire.

Cette droitisation des esprits en France s’étend aussi au transfuge présumé «socialiste» qu’est Bernard Kouchner qui, dans un raccourci douteux, pense que le départ de la génération de la révolution apaiserait les relations algérofrançaises. C’est en effet très mal placer le débat, du moins sur le chapitre de l’histoire.

Les relations entre l’Algérie et la France ne se résument plus à un simple contentieux sur le passé. Il y a du commerce, des affaires, des liens de personnes… L’expérience a montré que le contentieux sur l’histoire suit et accompagne l’état global des relations entre les deux pays.

Il a tendance à ne pas être trop mis en avant durant les lunes de miel et il prend un tour incandescent durant les périodes de crispations. Le projet de loi criminalisant le colonialisme est le modèle même du projet de pure réaction et non quelque chose de réfléchi.

Les excuses de l’Etat français sont-elles si importantes alors que l’écriture de l’histoire en Algérie reste, d’une manière ou d’autre, entravée ? Des personnalités nationales considèrent qu’il faut surtout faire le pari que le travail des historiens parviendra à établir les faits… y compris ceux de nos propres déchirements. Le gouvernement français, lui, s’apprête à lancer une Fondation pour la mémoire de la guerre en Algérie, des combats au Maroc et en Tunisie.

Il est à craindre, au vu des tentatives de réhabilitation du colonialisme, que la Fondation ne soit sous influence des ultras… Ceux qui ne supportent pas qu’un film de fiction évoque le 8 mai 45 des Algériens… Raison de plus pour faire confiance au patient travail des historiens.

M. Saâdoune