Moscou – Un tribunal de Mourmansk (nord-ouest de la Russie) a ordonné jeudi la mise en détention pour deux mois d’un premier membre de l’équipage de Greenpeace, un photographe accusé de «piraterie» avec 29 autres militants de l’organisation écologiste.
«Détention pour deux mois, jusqu’au 24 novembre. Denis Siniakov est arrêté», a indiqué Greenpeace sur Twitter, faisant référence à ce photographe ayant travaillé dans le passé au bureau de Moscou de l’AFP. L’information a été confirmée par l’agence russe Interfax.
Selon cette agence de presse, M. Siniakov a insisté lors de sa comparution sur le fait qu’il avait seulement photographié l’action de Greenpeace et de fait pas pris part aux événements. Mais le tribunal a justifié sa décision en expliquant que ce photographe, travaillant régulièrement pour Greenpeace, se rendait souvent à l’étranger et risquait de quitter la Russie.
Trente militants de Greenpeace, accusés de «piraterie», un crime passible de 15 ans de prison, comparaissaient jeudi devant un tribunal russe après une action contre une plateforme pétrolière du géant Gazprom en Arctique.
L’audience a débuté vers 07H00 GMT au tribunal Leninski de Mourmansk, où les militants, issus de 18 pays dont les Etats-Unis, la France, la Suisse, la Finlande, la Grande-Bretagne, la Pologne et la Russie, ont été emmenés à terre après le remorquage de leur brise-glace, l’Arctic Sunrise, par les forces de sécurité russes.
Les militants ont été conduits au tribunal en menottes, selon des retransmissions en direct sur internet.
Jeudi matin, le Comité d’enquête russe avait prévenu dans un communiqué qu’il allait demander à ce que tous les militants soient maintenus en détention.
Selon Greenpeace, les enquêteurs ont fait une telle demande car ils estiment que les militants pourraient fuir la Russie, s’ils étaient relâchés, ou poursuivre leurs «activités criminelles».
Demande des Pays-Bas de libérer l’équipage
L’affaire, qui implique de nombreux ressortissants étrangers, pourrait par ailleurs tourner à l’affrontement diplomatique.
Invoquant le droit maritime, les Pays-Bas ont déjà demandé aux autorités russes de libérer l’équipage.
Le gouvernement néerlandais envisage même d’engager une «procédure légale (contre l’arrestation de l’équipage) y compris devant le Tribunal international de l’ONU pour le droit de la Mer», a annoncé mercredi le chef de la diplomatie néerlandaise Frans Timmermans.
Les membres de l’équipage de l’Arctic Sunrise, composé de quatre Russes et 26 personnes d’autres nationalités, ont été placés mercredi dans des centres de détention provisoire de Mourmansk et de la région, après avoir tenté la semaine dernière d’escalader une plateforme de Gazprom en Arctique pour mener une action de protestation contre ses projets d’exploitation pétrolière.
Le navire de Greenpeace qui bat pavillon néerlandais avait été pris d’assaut manu militari jeudi dernier par un commando héliporté des garde-frontières russes, puis remorqué jusqu’à la rade de Mourmansk et mis au mouillage.
Le Comité d’enquête russe a indiqué mardi avoir ouvert à leur encontre une enquête pour «piraterie en groupe organisé», ce qui les rend passibles de 15 ans de détention.
Depuis, tous les militants ont été interrogés par les autorités russes, en présence d’un avocat et parfois d’un diplomate de leur pays, ont indiqué Aaron Gray-Block, porte-parole de Greenpeace, et les enquêteurs.
S’exprimant pour la première fois sur cette affaire, le président russe, Vladimir Poutine, a reconnu mercredi que les militants n’étaient pas des «pirates» mais il s’en est pris aux méthodes de Greenpeace.
«Ces gens ont enfreint le droit international», a déclaré M. Poutine au cours d’un forum sur l’Arctique à Salekhard (Grand Nord).
«Nos forces de l’ordre, nos garde-côtes ne savaient pas qui tentait de s’emparer de la plateforme sous couvert de l’organisation Greenpeace», a-t-il ajouté.
Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International, qui a qualifié les accusations de piraterie d’«absurdes», s’est dit très sceptique sur le fait que les garde-côtes n’aient pas su que l’opération était réalisée par Greenpeace.
«Ils nous ont suivis pendant près de 24 heures avant le début de la protestation. Nous avons une longue histoire de militantisme pacifique en Russie et sommes bien connus des autorités», a-t-il souligné dans un communiqué.