Médecin généraliste de formation, Rym Wided Menaïfi, est venue dans l’univers de la mode par passion. A la faveur d’un prochain défilé qui se tiendra à la fin de l’année en cours à Alger, nous avons rencontré cette styliste émérite dans son espace commercial baptisé « Menouba » au Sacré-Cœur. Elle nous plonge dans sa perception du métier avant de nous fixer sur son expérience.
– A t-il été facile pour vous de basculer du domaine de la médecine à celui de la mode ?
Facile non, mais plutôt risqué. C’était une aventure. J’ai longuement réfléchi avant de me lancer dans la haute couture. Avant d’en faire mon métier définitif, je faisais de la couture uniquement pour moi et mon entourage. J’avais fini mes études de médecine et commencé à travailler dans l’industrie pharmaceutique pendant quatre ans. J’avais décidé de prendre le risque en me disant qu’au pire, si cela ne me plaisait pas, je reviendrais à mon ancien métier de médecin. Mais tout compte fait, aujourd’hui, la haute couture est mon métier. J’aime ce que je fais. J’ai d’ailleurs beaucoup de projets.
– Votre credo est de perpétuer le costume traditionnel sous toutes ses formes et ses découpes…
Je fais de la haute couture. Je m’inspire du traditionnel, je ne reproduis pas, je ne copie pas. J’essaye de m’inspirer du traditionnel en apportant des découpes modernes avec une touche personnelle traditionnelle. Je fais beaucoup de recherches. J’achète beaucoup d’ouvrages sur l’histoire de la mode et sur les costumes. Je ne me limite pas uniquement aux costumes. A titre d’exemple, un tapis ou encore une céramique peuvent m’inspirer. Tout ce qui a trait au patrimoine, je le prends en essayant d’en faire un costume.
– A l’instar du secteur artistique, la piraterie a affecté votre milieu. Comment vivez-vous ce phénomène ?
Ma première collection, réalisée en juillet 2008, a été certes déclarée auprès de l’Office national des droits d’auteurs (ONDA) : j’ai déposé les photos des ouvrages et ajouté une description des matières utilisées ainsi que les découpes. Cependant, il est utile de mentionner qu’en avril 2009, j’ai eu un problème. J’ai été informée par une de mes clientes qu’une couturière exposait mes propres modèles dans sa vitrine sur les hauteurs d’Alger. Je me suis déplacée pour constater les faits. J’ai été surprise de voir la copie conforme de l’un de mes modèles exposée dans sa vitrine. Pis encore, cette personne s’est appropriée le nom de l’une de mes tenues. Même mes cartes de visite ont été piratées. J’ai fait des cartes de visite très originales sous forme de carte postale. La personne en question a remplacé mon logo par ses coordonnées. Cela m’a fait très mal de découvrir ce type de procédé. Je suis d’abord parti la voir en me disant qu’elle pouvait ignorer la présence des droits d’auteurs. Elle n’a pas voulu reconnaître ses torts. Bien au contraire, elle a osé me dire sur un ton ironique que je me prenais pour Christain Lacroix. J’ai décidé de l’attaquer en justice. La procédure suit son cours. J’ai non seulement déboursé de l’argent, mais j’ai également perdu du temps. J’espère que j’aurai gain de cause et que les droits d’auteur existent vraiment en Algérie. Afin d’être protégée du piratage, il est impératif que chaque styliste déclare ses créations auprès de l’ONDA. Le public doit savoir qu’un styliste qui se respecte passe des nuits blanches pour réaliser un costume avec les broderies et ses accessoires.
– Quelle satisfaction tirez-vous aujourd’hui de votre métier ?
Le bilan est positif. J’ai fait beaucoup de choses en 2008. J’ai fait pas mal de défilés. J’ai participé à une émission de télévision. J’ai également participé à deux Salons de mariages à Paris. L’année 2008 a été des plus prolifiques. En 2009, je n’ai pas fait grand-chose. J’a préféré me consacrer aux commandes de la clientèle. En plus, j’ai changé d’adresse. Il est vrai que l’idéal est de faire deux collections par an. Mais en Algérie, ce n’est pas évident car il n’y a pas une industrie de la mode. Tout seul, on ne peut pas faire grand chose. Je pense qu’une collection est largement suffisante.
– Selon vous, le marché de la mode existe-t-il en Algérie ?
Le marché de la mode est inexistant en Algérie. Il faudrait d’abord créer une association de stylistes. Pourquoi ne pas initier une semaine de la mode algérienne ? Nous sommes confrontés à beaucoup de difficultés pour l’exercice de notre métier. A titre d’exemple, nous ne trouvons pas toujours sur le marché les fournitures voulues. En matière de tissus, il existe de beaux tissus importés, mais en fournitures (pierres et passementerie) ce n’est pas le cas.
– Des projets en perspective ?
Après le défilé de 2008, un défilé 2009 s’impose. Je travaille actuellement sur une nouvelle collection que je présenterai en fin d’année à Alger.
Par Nacima Chabani