Saadani : les non-dits d’un discours

Saadani : les non-dits d’un discours

Quatre mois après son effacement de la scène politique, soit depuis sa sortie en Mai depuis Tébessa d’où il avait épinglé le patron de Cévital, le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani est revenu sous les feux de la rampe à la faveur de sa sortie mercredi devant les mouhafadhs et les ministres de son parti.

Comme on pouvait s’y attendre et comme il l’avait promis au lendemain de la sortie du groupe des « 14 », composé d’anciens moudjahidines qui réclamaient son éviction de la tête du parti, Amar Saâdani n’a pas dérogé à la règle : il a fustigé avec une rare violence l’ex patron des services de renseignement qu’il désigne comme le « chef de file » des officiers de l’armée française. Selon le secrétaire général du FLN, l’initiative du groupe des « 19 » conduite, entre autres, par l’ex sénatrice Zohra Drif et Louisa Hanoune demandant une audience au président Bouteflika ou encore celle de « 14 », en juillet dernier, contestant sa présence à la tête du parti portent la griffe d’une même personne : l’ex général-major Toufik. «Il y a un seul qui se proclame comme Dieu qui est derrière ceux qui veulent parler au nom d’une catégorie (…) c’est lui le rédacteur et c’est lui qui publie », a accusé Saâdani avant d’ajouter : « Je dis au groupe des 14, parmi vous se trouvent ceux qui ont demandé en 1988 de mettre le FLN au musée. Ya eu un coup d’Etat contre le FLN. Vous l’avez demandé du temps de Chadli, de Boudiaf, de Kafi, de Zeroual et aujourd’hui vous voulez le demander à un Moudjahid de le faire. Avec tous mes respects aux moudjahidines, seuls les militants du FLN sont fondés à parler sur le parti. Si vous êtes des avocats pour défendre votre ami, payez-lui des avocats ».

Il faut dire que Saadani a focalisé pour l’essentiel son discours sur l’ancien patron du renseignement qu’il accuse d’avoir « enrôlé » le trublion Rachid Nekkaz pour perturber l’élection présidentielle de 2014 et d’avoir fomenté les troubles à Ghardaia, mais aussi à Ouargla, Touggourt et In Salah. Curieusement, Saadani ne cite pas les événements qui ont secoué la Kabylie. Probablement destiné à ses détracteurs mais à ceux qui prêtent encore quelques capacités de nuisance à l’ancien général major, Amar Saâdani se veut formel : « Ecoutez bien : je dis que les officiers sur lesquels la France a misé, qui sont venus durant les années 90 et ont fait le coup d’Etat au FLN, ont exécuté leur politique, semé la fitna, affamé des algériens, envoyé des cadres en prison, détruit des entreprises et effrayé les gens, sont tombés ». En filigrane, il cible tous les officiers désignés sous le vocable de « janviéristes » dont l’ex ministre de la défense Khaled Nezzar. Si l’on ne peut valablement déconnecter cette sortie tonitruante du contexte préélectoral, il reste que cette fixation de Saadani sur Toufik suscite quelques interrogations.

Amar Saadani redoute-t-il quelque coup fourré lui qui semble tenir la maison FLN d’une main de fer et qui dissimule difficilement ses ambitions présidentielles ? Sent-il que ses jours sont comptés à la tête du parti, habitué aux coups-d’Etat ? Cherche-t-il à se forger une image d’homme d’Etat en maintenant ce bras de fer avec celui que beaucoup redoutait jusque-là ? « Si les gens n’ont pas peur de dire ces vérités, la direction actuelle du FLN le dit et a le courage de le dire », martelait-il. Ou alors Saadani est-il chargé de faire de la diversion dans cette période trouble au plan politique que la cure d’austérité économique risque de corser davantage ? A moins de chercher aussi à faire réagir l’ex général qui se complait dans un silence assourdissant, attitude qu’il a toujours adopté et qui lui a permis de se construire une image de mythe, Amar Saadani, en accusant aussi Belkhadem d’être un agent de la France, risque de connaître un retour de manivelle dans les prochaines semaines.

Car politiquement, aux yeux de ceux-là même qui le protégeraient, cette accusation, s’il s’avérait vraie, suggérerait que Belkhadem, pour avoir été nommé président de l’assemblée, puis ministre des affaires étrangères et chef du gouvernement, a bénéficié de la « complaisance », y compris de la…présidence, ce qui paraît invraisemblable. C’est dire que la violence de ses propos traduit une lutte féroce au sommet, en ce moment, en perspective des arrangements pour la succession. Ce n’est pas sans raison que Saadani promet « une victoire » et « le musée pour ceux qui demandent de mettre le parti au musée », méprise l’opposition qu’il invite à descendre sur le terrain et loue la presse, comme pour solliciter son appui afin de satisfaire ses ambitions cachées, mais que des vents contraires semblent contrarier. Du moins pour l’heure.