Le premier a dû batailler dur durant plus d’un an pour asseoir sa suprématie face à une adversité qui ne lui a pas laissé le temps de respirer.
Le second se retrouve sans efforts dans son poste de chef du RND, qu’il a quitté il y a à peine deux ans. Saâdani et Ouyahia vont former le duo qui va dominer le paysage politique durant de longues années encore. Ils ont un même point commun, celui de la traversée du désert. Ouyahia a dû attendre deux ans pour revenir dans les bonnes grâces. Saâdani aussi.
Déchu de son poste de président de l’APN, il s’est éclipsé durant trois bonnes années avant de revenir subitement audevant de la scène en prenant en main les destinées du FLN après l’éviction de Belkhadem. Tous les deux aspirent à un destin national.
Ouyahia depuis longtemps ; Saâdani depuis peu. Le premier part avec un avantage certain sur le second. Il possède en effet une longue expérience dans la gestion des affaires puisqu’il a été plusieurs fois Premier ministre. Le second n’a qu’une expérience limitée, celle de président de l’APN. Les deux personnalités sont fort différentes.
Ahmed Ouyahia est un grand technocrate bien affiché alors que Saâdani est un politique pragmatique. L’un a réussi un parcours parfait (l’ENA) quand le second a privilégié le terrain politique du militantisme aux plus hautes responsabilités. Incontestablement, Ahmed Ouyahia a le vent en poupe. Ambitieux, même s’il ne l’avoue pas encore, il vise plus haut, et ce même s’il n’entend pas forcément se couper de sa base militante. De l’avis de tous, c’est un battant, voire un rouleau compresseur. Il n’est pas le plus novice.
Ce proche collaborateur de Zeroual au début des années 1990 y a tenu le rôle de spécialiste des questions économiques. Ce qui est naturel pour un énarque. Il est évident qu’il attend son heure. Et l’ancien Premier ministre sera bien présent en 2019. Ouyahia doit avoir le sentiment de vivre le destin de ces hommes politiques qui sont restés à mi-chemin du sommet de la montagne.
On le dit parfois agacé de ne plus être entièrement au centre du jeu. Mais Ouyahia a le temps devant lui. A ce jour, ses deux ambitions majeures passent par sa réélection au RND, qui ne saurait tarder, et par la volonté de devenir le futur président de la République.
A son opposé, Saâdani est un fonceur, qui possède un sens du contact très élevé. Il manque cependant de rondeur et de diplomatie. C’est quelqu’un qui tranche dans le paysage politique et qui n’hésite pas à trancher dans le vif. L’homme est calme, le discours est toujours pondéré mais l’esprit va vite.
Ils seraient alors rassurés d’avoir chacun un parti à ses ordres et une opposition émiettée. Plus loin dans le temps, Amar Saâdani, l’ancien président de l’Assemblée populaire nationale qui a participé à la mise aux pieds à l’étrier au président Bouteflika, n’a jamais réussi à devenir chef d’Etat.
Donc, le destin d’un homme politique n’est pas toujours présidentiel. Pour l’instant, ils demeurent toujours au service de leur parrain. Leurs partis respectifs vont sceller une alliance stratégique pour contrer d’abord l’opposition qui sort de plus en plus les dents, et enfin pour faire bloc autour du président Bouteflika jusqu’à la fin de son mandat, qui s’achève en 2019. Chacun a aujourd’hui un rôle précis. Ouyahia gère les affaires du cabinet présidentiel et s’entraîne à la plus haute charge du pays.
Aujourd’hui, il est le lieutenant historique, de confiance, celui qui gère les dossiers sensibles. Tandis que Saâdani sert de paravent au locataire d’El-Mouradia. Il est le « fils politique » qui fait l’interface avec les amis et les relations du président Bouteflika. On le surnomme avec un certain humour le « Lion », à cause des rugissements qui effraient ses adversaires. Mais les destins d’Ouyahia et de Saâdani vont se croiser en 2019. Là, ils s’affronteront dans un duel épique.