Said Kahla, un ultra marathonien hors pair, méconnu des Algériens

Said Kahla, un ultra marathonien hors pair, méconnu des Algériens

Spécialiste en anesthésie-réanimation et médecine d’urgence, le Dr Said Kahla est certes considéré, à l’échelle internationale, comme un vétéran des courses -d’étapes, courses d’horaires et courses non stop- dénommées « ultra marathons » (1) qui se tiennent régulièrement à travers la planète. Il n’en demeure pas moins qu’actuellement c’est toujours l’un des meilleurs à travers le monde, voire le meilleur dans les courses de sa catégorie d’âge (il a 60 ans).

Originaire de la wilaya de Sétif où il a fait ses études primaires et secondaires ainsi que ses premières armes en athlétisme, Saïd réside actuellement en Allemagne où il exerce en qualité de chef de clinique dans un hôpital semi-privé. Outre l’exercice de cette responsabilité et de ses fonctions de membre élu du Conseil départemental de sa région de résidence, il prend part régulièrement aux plus célèbres ultra marathons qui se tiennent de par le monde, dont la « Transe-Gaule » en France, le « Horb-Berlin » en Allemagne, le « Sakura Michi » au Japon, la « Badwater » en Californie, épreuves qualifiées de mythiques par les spécialistes.

said kahla hoggar

Said Kahla et quelques coureurs au cours de l’  »ultra marathon du Hoggar »

A travers ses nombreuses participations à ces épreuves extrêmement dures (2), en l’occurrence celle de « Badwater » -dite ultra marathon de la vallée de la mort- en Californie avec ses 218 km (3), celle du « Hoggar » en Algérie avec ses 180 km, celle de « Sakura Michi » au Japon avec ses 250 km (4), celle du « Spartathlon » en Grèce avec ses 246 km (5) ou encore celle du Mont blanc en France avec ses 171 km et un dénivelé positif de 8500 mètres, celle de « Swiss Jura Marathon » de 350 km ; et aussi de par sa participation, en Tchéquie, à une course horaire en salle de 48h (6), juste pour la préparation des 48h de Surgères en France (7), on peut avancer sans coup férir que Saïd cumule de nombreux exploits.

said kahla grece

Au terme du Spartathlon de Grèce

En tout cas suffisamment d’exploits pour enthousiasmer les esprits les plus sceptiques et ce, rien qu’en citant les courses les plus prestigieuses et les plus célèbres auxquelles il participe régulièrement : la « Transe-Gaule » en France, course d’étapes de 1200 km en 18 jours ; la « Horb-Berlin » à travers l’Allemagne, également course d’étapes de 800 km qui débute à Horb, en Forêt noire, pour finir 13 jours plus tard à Berlin. A noter que cette dernière course, cataloguée parmi les plus prestigieuses au monde, a déjà vu la participation de Saïd en tant que seul ultra-marathonien algérien représentant le continent africain.

Aller au bout de l’effort, aller au bout de soi : c’est, en quelque sorte, le challenge que notre athlète hors pair s’est assigné. C’est aussi, diront d’aucuns, admettre qu’à force de cran, de détermination, de volonté et de courage, on est en mesure de repousser les limites, les barrières et les frontières de ce qui était considéré jusque là comme impossible à franchir. Et puis, il y a le sentiment d’avoir partagé ses souffrances avec les autres athlètes. Il faut savoir, à ce titre, que la famille de l’ultra marathon a son propre code basé sur le respect, quelque soit le classement en fin d’épreuve.

Le crédo de Saïd Kahla : courir et gagner pour l’emblème national

Eh bien, c’est ce pari fou que réalise chaque fois Saïd Kahla, surtout lorsqu’il s’en va disputer le très relevé Spartathlon en Grèce ; ou celui de la Trans-Gaule ; ou encore cette fameuse course non stop des Zibans (Biskra-Oued Djellal) qui se tient chaque année au mois d’avril, sur un parcours saharien de 100 km non stop. Epreuve qui, depuis peu, est devenue une compétition classique, rare en Afrique et dans le monde dit arabe, homologuée par les instances internationales.

Le grand défi, dans la plupart de ces courses, consiste à courir 6h, 12h, 24h ou 48 h non stop. Et ce défi, notre ultra marathonien se permet de le relever non seulement grâce à ses qualités exceptionnelles d’athlète de très haut niveau et à sa bonne préparation physique et psychologique mais aussi, comme il nous l’a affirmé, grâce à son attachement à son pays natal : l’Algérie, qu’il porte en toute circonstance et en tout lieu dans ses jambes, dans son cœur, dans sa tète.

said kahla californie

Said Kahla au cours de la  »Bad Water » dans le désert californien en 2005

La douleur, les maux, les crampes, le manque de repos et forcément de sommeil, la fatigue, les ampoules aux pieds, ne peuvent l’arrêter. Tels les illustres Mastanabal (8) et Jugurtha, respectivement fils et petit fils de Massinissa, rien ne lui résiste. A Sparte (9) par exemple, Saïd a toujours couru uniquement pour l’Algérie, rien que pour l’Algérie. Eh oui, d’aucuns l’ont même vu brandir avec grâce et fierté l’emblème national de notre pays et ce, aussi bien à l’appel des…concurrents (!) qu’à l’issue de cette course infernale de 246 km.

En définitive, son très honorable classement final le situe parmi les plus grands performers mondiaux de tous les temps et le meilleur performer africain dans la spécialité. Et parce que Said Kahla est un homme d’exception, il faut savoir que c’est aussi un grand artiste plasticien et un photographe de talent.

Nous avons ainsi eu l’occasion, à travers un entretien avec notre champion, de revenir sur son profil hors du commun : celui d’un compatriote dont on peut dire à juste titre que c’est là un valeureux modèle pour la jeunesse algérienne (Lire encadré portant entretien avec Said Kahla). Pour peu, bien sur, que les pouvoirs publics y trouvent ne serait-ce que l’opportunité de l’inviter à venir donner des conférences sur la relation sport-santé et particulièrement sur sa riche expérience d’ultra marathonien. Et aussi, car c’est son vœu le plus cher, celle de l’inviter à initier en Algérie des stages de formation d’ultra marathoniens algériens qui deviendraient, pourquoi pas, de futurs champions dans cette spécialité. Tout comme Said Kahla en personne, qui l’est déjà depuis bien longtemps.

Notes:

(1) Tout ce qui dépasse la course olympique du marathon, qui est de 42,195 km, entre dans les catégories des courses de l’ultra-marathon.

(2) Actuellement Saïd est membre de l’Association des ultra marathoniens Allemands (DUV) qui, avec ses 1800 adhérents, représente la plus grande organisation mondiale d’ultra marathoniens.

(3) Cette course se passe en plein désert de Californie, avec des températures de 57° le jour et 40° la nuit. « Nous avons pris le départ à 95 et j’ai terminé 13ème » (dixit Saïd K.).

(4) Avec 100 coureurs au départ et 70 à l’arrivée, c’est une course qui traverse le Japon sur 250 km et qu’il faut terminer en moins de 36 h.

(5) Cette course, probablement la plus dure au monde selon Saïd, part d’Athènes pour rejoindre Sparte après avoir traversé la moitié de la Grèce. Sur 300 athlètes d’élite invités, à peine une centaine finissent la course chaque année.

(6) Ses obligations professionnelles ne lui permettant pas de faire 150 km d’entraînement par semaine comme la plupart des participants de Surgères, Saïd avait opté, lors de sa préparation à la course en question, pour un 48h en République Tchèque au mois de Mars. Cette course se déroule en salle, dans un pavillon de la Foire de Brno, sur une piste bétonnée circulaire de 250 m. Saïd n’a pu réaliser que 290 km en 48 h. « Pour être pris au sérieux, il aurait fallu aligner un 3 comme premier chiffre. Mais cela ne m’a pas trop dérangé vu que je me trouvais en phase de préparation ».

(7) Course qui malheureusement n’existe plus aujourd’hui, faute de moyens financiers

(8) Le fils de Massinissa est sans doute notre premier champion olympique avant la lettre ayant remporté, dans l’Antiquité, une course hippique – la plus prestigieuse- aux jeux d’Athènes, dénommés « Panathénées ». Son exploit s’est produit entre 168 et 163 avant notre ère.

(9) La ville du roi Léonidas et des fameux Spartiates.