Les managers du secteur public sont pris entre le marteau de l’obligation de rentabilité et l’enclume de la pénalisation de l’acte de gestion.
Le nouveau système de rémunération des cadres dirigeants du secteur public ne semble pas faire l’unanimité au sein du gouvernement. Si l’on croit certaines sources, l’étude de la nouvelle grille des salaires destinée à cette catégorie de gestionnaires, en vue de sa validation par le CPE, a été reportée à une date ultérieure.
À quel niveau se situerait le point de discorde si désaccord il y a ? Selon ces mêmes sources, la nouvelle grille salariale des managers publics repose sur un indice de 20 000 DA et permet ainsi aux patrons des grandes entreprises publiques de recevoir en brut 6 à 10 fois cet indice, c’est-à-dire entre 120 000 et 200 000 DA mensuellement. Quant aux P-DG des entreprises de moindre importance, leurs salaires seraient forcément moins attrayants.
En attendant d’en savoir plus sur le contenu du nouveau système de rémunération des managers publics, relevons que la réalité salariale des patrons des entreprises publiques peine encore à se concilier avec l’obligation de résultats et la dépénalisation de l’acte de gestion. Aujourd’hui, en l’absence d’un véritable “marché des dirigeants” et d’une politique salariale nationale adaptée aux normes internationales en la matière, nous assistons d’une part, au creusement du fossé entre le salaire mensuel d’un P-DG et le salaire mensuel moyen d’un employé qui, d’après l’Office national des statistiques (ONS), s’élève à 29 400 DA dans le secteur public contre 41 200 DA dans le privé, sur fond de toile le clanisme ou le régionalisme ; et de l’autre, à d’importantes disparités dans les rémunérations des chefs d’entreprise, pour peu que ces derniers soient à la tête de grands groupes, comme Sonatrach, Sonelgaz et Air Algérie, ou dirigent des entreprises de taille plus modeste. Cela en rappelant que les uns comme les autres n’ont pas les mains libres pour concevoir et piloter leur propre entreprise, encore moins pour peser sur les décisions relatives aux augmentations de salaires, souvent privées de la connexion salaire-productivité.
Ces défaillances semblent apparemment interpeller l’équipe gouvernementale, puisque le 1er août dernier, le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, en visite dans une unité de l’entreprise Hydro-technique, située à Rouiba (Alger), a mis sur le tapis la question de la corrélation entre les performances de l’entreprise et le salaire du patron. Il a déclaré que l’Exécutif plaide en faveur d’un retour “à la norme internationale” pour que les cadres dirigeants du secteur public puissent “négocier leurs salaires avec le conseil d’administration”, à la condition toutefois d’adosser ce traitement à un contrat de performance. Avant lui, le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, Chérif Rahmani, avait annoncé que le dossier de la dépénalisation de l’acte de gestion “apportera une réponse dans les prochaines semaines aux attentes de l’ensemble des entreprises algériennes”, sans fournir des détails sur le contenu de ces nouvelles mesures.
Mais ses propos renvoient à ceux tenus, en septembre 2011, par Ahmed Ouyahia, alors Premier ministre. À l’issue des travaux de la tripartite gouvernement-patronat-UGTA, ce dernier déclarait, au sujet de la dépénalisation de l’acte de gestion, que l’État ne veut pas faire du mal à ses cadres, par la révision de la législation relative à l’acte de gestion. À une question du président de l’Union des entrepreneurs publics (Unep) demandant de “rendre réelle et effective la dépénalisation de l’acte de gestion”, il avait expliqué que la dépénalisation de l’acte de gestion “a été faite”, mais “comme pour le salaire, il faut toujours plus”.
Dernièrement, le ministre des Finances, Karim Djoudi, s’est également exprimé sur le sujet, sur les ondes de la Radio nationale. Il a indiqué qu’un texte relatif à la dépénalisation de l’acte de gestion est en cours de finalisation, non sans insister sur le fait que cette question profitera à l’ensemble des secteurs. M. Djoudi a, en outre, signalé que l’objectif est de trouver “le point d’équilibre entre le fait de permettre au gestionnaire d’avoir la flexibilité nécessaire en termes de gestion, tout en prémunissant contre les risques de fraude”.