‘écrivain Salem Zenia et le producteur-réalisateur Samir Aït Belkacem sont lauréats du Prix Ostana pour l’écriture en langue maternelle et en cinéma en Italie.
Les deux créateurs kabyles seront les premiers lauréats du prix octroyé par la Chambre doc, une association culturelle qui travaille en étroite collaboration avec l’Union des Communes de la Région du Piémont italien et la ville de Turin. Un de ses principaux objectifs est la promotion et la diffusion des langues occitanes et franco-provençales mais aussi, au plan international, l’octroi du Prix Ostana qui récompense depuis de nombreuses années les créateurs en langues maternelles.
Salem Zenia, auteur d’expression kabyle.
Salem Zenia et Samir Aït Belkacem sont les premiers représentants de la culture amazighe et donc Nord-Africains à accéder à cette distinction. Ce Prix a déjà été décerné plusieurs fois à des auteurs de différentes langues minoritaires ou minorisées de différents continents. Nous citerons à titre d’exemple des auteurs qui écrivent dans diverses langues italiennes (Frioulan; slovène, le ladino, le sarde..), ou d’autres pays européens comme le galicien, le basque, le catalan, le sámi (Finlande), le maltais ou encore l’hébreu ou le kurde au Proche Orient, en passant par le tibétain en Asie, le Cheyenne à Oklahoma, aux États-Unis ou le yoruba, jusqu’à présent, seule langue africaine représentée dans ce festival culturel.
La IXème édition du Prix Ostana de 2017 a choisi les créateurs et représentants des langues suivantes:
– Langue maternelle Kabyle
Salem Zenia (Prix spécial, littérature) et Samir Ait Belkacem (Prix Cinéma) pour son excellent travail de doublage en langue kabyle.
Cette année seront récompensés d’autres représentants des cultures et langues maternelles suivantes :
– Langue maternelle Innu à Joséphine Bacon (Prix international – Canada)
– Langue maternelle Occitan à Roland Pecout (Prix langue occitane – France) et Mans de Bresh (Prix Composition musicale – France)
– Langue maternelle Nynorsk à Erling Nodvedt (Prix Giovani – Norvège)
– Langue maternelle Galloise à Gwyn Tynbwlch (Prix Traduction – Angleterre) et enfin de
– différentes langues minoritaires linguístiques italiennes à Francesco Severini (Prix National – Italie).
Les cérémonies de remise des Prix se dérouleront du 1er au 4 juin 2017 à Ostana dans le Piémont italien (Région de Turin).
Les quatre jours de cette rencontre focaliseront sur la culture kabyle avec différentes activités dont des débats avec les lauréats de cette édition. Une conférence inaugurale de la section « langue maternelle kabyle » sera présentée sous le titre : « Les nouvelles productions culturelles en langue kabyle : du local au global. L’inscription des créateurs kabyles dans l’universalité ».
Les journées commenceront par un colloque international organisé par le RoleMED (Réseau d’Observation des Langues Émergentes de la Méditerranée) avec le thème suivant : « Processus de standardisation des langues émergentes. Situation actuelle et perspective ».
La distinction de créateurs kabyles dans ce cadre européen est importante à plus d’un titre. Il constitue en premier lieu une reconnaissance internationale pour une langue et culture minorisée et couronne un travail d’arrache-pied que réalisent depuis des années des créateurs isolés, méconnus et sans aucun type de reconnaissance dans leur pays d’origine. Plus qu’un encouragement, c’est une brise rafraichissante qui met sur orbite européenne et internationale la Kabylie et ses créateurs. C’est surtout un hommage à une langue maternelle millénaire qui refuse de mourir sous les coups de boutoir des uns et des autres. Cette langue que beaucoup avaient donnée pour moribonde, plie, certes, mais résiste. Elle ne veut ni disparaître ni se fondre dans d’autres moules. Une lutte qui, par ailleurs, demeure toujours d’actualité malgré l’officialisation. En effet, un climat de répression – qui rappelle des époques que l’on pensait révolues – s’abat ces derniers temps sur la scène culturelle kabyle. Tracasseries, chicaneries et stratagèmes de toute sorte constituent la panoplie de moyens dont abusent les autorités pour gêner les activités des Cafés littéraires par exemple et qui culminent avec l’interdiction d’un certain nombre de conférences, malgré des autorisations en bonne et due forme des administrations locales.
Salem Zenia et Samir Belkacem ne sont que les dignes représentants d’autres jeunes ou moins jeunes créateurs qui ont eu le courage de produire, souvent dans les conditions les plus démunies, dans une langue qui a souffert le mépris et le déni. Une persistance et une l’abnégation qui finira par lui redonner sa propre voix ; la mettre sur sa propre voie.
Encore faut-il, cependant, que les locuteurs kabyles eux-mêmes suivent le mouvement et s’intéressent davantage à cette production dans la langue propre. Consommer les produits kabyles dans le sens large du mot ; lire des ouvrages dans cette langue, aider dans la traduction ou dans l’élaboration d’outils linguistiques est un facteur essentiel pour la survie du kabyle. Une langue est tributaire de ce que ses propres usagers veulent bien en faire.
Aujourd’hui, néanmoins, les signes commencent à changer : la création en langue kabyle sort enfin de sa léthargie et peut désormais, malgré tous les blocages, se décliner dans toutes les facettes de la culture : la littérature, le théâtre, le cinéma ou la musique. Elle investit même un champ énormément porteur et d’avenir comme l’internet.
Abrid yenǧer! Le timon ferme, Bon vent!