Les Algériens ont réagi de manière très vive et surtout très critique aux évènements qui secouent le Soudan où l’autorité militaire a fait déjà près d’une centaine de morts en ouvrant le feu sur des manifestants pacifiques.
Lundi 3 juin. Les Algériens, d’ordinaire rivés sur les débats devant déterminer la date de l’Aïd fixant la fin du jeûne, ont l’attention détournée par des nouvelles en provenance de Khartoum. De très mauvaises nouvelles, car ici la révolution qui bat son plein depuis décembre dernier vient d’être «massacrée» par les chefs militaires au pouvoir depuis le renversement de Omar El Béchir en poste depuis 1989.
L’analogie entre la situation algérienne et soudanaise avait alors fait rêver les Algériens titillés aussi, il faut le dire, par des images de manifestants brandissant le drapeau algérien comme pour les encourager à faire de même.
En janvier, le post d’un universitaire soudanais mettait fin à l’ambiguïté en appelant ses frères de cette «grande Algérie» à réagir face à l’humiliation, celle du cinquième mandat que projetait Abdelaziz Bouteflika. Peut-on parler d’impact réel ? De contagion ? De sursaut ? Le déclenchement de la révolution du sourire n’a toutefois pas tardé, accueilli avec grande joie par les Soudanais qui n’ont pas hésité une nouvelle fois à brandir l’emblème vert, blanc, rouge durant leurs manifestations. Depuis, les deux peuples semblent avoir continué à garder un œil sur l’évolution des évènements. La similitude des deux révolutions ne passe d’ailleurs pas inaperçue auprès de la presse internationale.
L’Express rapporte ainsi que des meneurs soudanais ont avoué avoir été «revigorés par la démission de Abdelaziz Bouteflika à Alger» et vouloir, par conséquent, transformer l’action du mouvement soudanais en sit-in devant le siège de l’armée à Khartoum afin d’exiger le transfert immédiat du pouvoir à une autorité civile. Ce 3 juin, les soldats ont reçu cependant l’ordre de réprimer, de tirer sur les manifestants. Un terrible massacre s’ensuivit. Consternés, les Algériens suivent avec une réelle compassion les évènements se précipiter. De nombreuses vidéos circulent sur les réseaux sociaux. Elles sont partagées, commentées. On y voit les militaires poursuivre les manifestants, déloger brutalement femmes et enfants des tentes dressées devant l’institution militaire, des cadavres criblés de balles sont étendus à terre, des hommes fuient les tirs…
L’autorité militaire soudanaise venait de rompre son engagement à assurer une transition pacifique optant pour la méthode forte pour organiser une élection présidentielle rejetée par la population. Bouleversés, les Algériens semblent se projeter dans le drame soudanais. Des condamnations, critiques et réactions parfois violentes circulent sur Facebook.
Des internautes diffusent la photo de Abd El Fettah Burhan tachées de sang. Ce général qui préside le Conseil militaire de transition mis en place depuis la destitution de Omar El Béchir. Le jour de l’Aïd, un internaute écrit : «Au Soudan, l’armée tire sur son peuple, ils avaient promis d’accompagner le peuple et dialoguer avec lui.»
D’autres messages du même genre circulent à profusion : «Ma compassion aux Soudanais. Honte à une armée qui tire sur son peuple au lieu de le protéger.»
Les nouvelles en provenance de Khartoum sont publiées en temps réel : hier, le bilan des victimes était de 101 morts. Certains internautes n’hésitent pas à faire part de leurs craintes d’assister à des «dérapages ailleurs», ils sont vite réconfortés par des messages conciliants.
Le cœur des Algériens vibre avec celui des Soudanais. Hier El-Moudjahid, organe gouvernemental, a consacré une partie de sa page Monde au drame…
A. C.