Tour à tour, l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alertent sur la pollution de l’air et les effets sur la santé des changements climatiques.
Le rapport de l’OCDE, rendu public le 9 juin dernier (oecd.org/fr/…), sanctionne une étude de l’Organisation sur “les conséquences économiques de la pollution de l’air extérieur dans les prochaines décennies”. Les résultats sont alarmants : “sans politiques et mesures énergiques, la pollution de l’air pourrait, chaque année, être responsable du décès prématuré de 6 à 9 millions de personnes d’ici à 2060”. Elle coûtera un point du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit 2 600 milliards de dollars, principalement en conséquences “des jours de congé de maladie, des frais médicaux supplémentaires et de la baisse des rendements agricoles”.
Au cours des cinquante prochaines années, avec l’augmentation du niveau de vie attendu et une demande croissante en énergie, les émissions de la plupart des polluants seront à la hausse. “Les émissions d’oxydes d’azote et d’ammoniac, qui contribuent à la formation des PM 2,5 (particules d’un diamètre inférieur à 2,5 microns, les plus dangereuses) à travers des réactions chimiques dans l’atmosphère, pourraient quasiment doubler”, écrivent les rédacteurs du rapport.
Pour sa part, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a organisé, les 7 et 8 juillet, à Paris, la 2e Conférence mondiale sur le thème climat et santé. Ce rendez-vous est dominé par la thématique de l’intégration de la santé dans les politiques d’atténuation du changement climatique. Les effets de la pollution de l’air, de l’eau et des sols, les sécheresses et les inondations sont directement ou indirectement responsables du décès d’au moins 12,6 millions de personnes chaque année. “Ce sont près d’un quart des décès survenant dans le monde que nous pourrions éviter si l’on atténuait et évitait ces risques environnementaux”, indique Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement de l’OMS. L’organisation onusienne évalue aujourd’hui à 3,7 millions les décès imputables uniquement à l’air extérieur. Cette surmortalité due à la mauvaise qualité de l’air pourrait ainsi doubler, si ce n’est tripler. En 2012, la pollution de l’air a été responsable d’un décès sur huit au niveau mondial, plus que le tabagisme. D’un autre côté, l’OMS chiffre à 250 000 le nombre annuel de décès supplémentaires que le réchauffement climatique pourrait entraîner à compter de 2030 du fait de canicules plus fréquentes, de maladies à transmission vectorielle (dont le paludisme) ou de malnutrition.
Impacts économiques
Selon l’OCDE, les dépenses de santé dans le monde pourraient alors s’élever à 176 milliards de dollars en 2060 contre 21 milliards de dollars en 2015. Les pays les plus impactés par une baisse de leur PIB seront la Chine (-2,6%), la Russie (-1,6%), les pays de l’Europe de l’Est non-membres de l’OCDE (-2,7%). “L’économie de l’Inde (-1%) sera moins lourdement touchée que celle de la Chine, ayant une population beaucoup plus jeune”. Environ 50% du coût de la pollution de l’air dans les pays de l’OCDE est à mettre au compte du transport routier.
En Algérie
Dans notre pays, les études sur la pollution de l’air extérieur, comme ceux induits par les autres pollutions et impacts du réchauffement climatique sont rares et parcellaires. Nassima Oucher de la Division bioénergie et environnement du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), fait remarquer, dans une étude intitulée “Pollution de l’air par les aérosols particulaires et les métaux lourds qui leur sont associés sur un site de proximité à Alger”, que “l’Algérie présente la particularité d’être un pays qui n’est pas fortement motorisé, mais qui présente une pollution particulaire plus importante que dans les pays développés où le trafic routier est bien plus intense. L’ampleur de cette pollution résulte sans doute de la mauvaise combustion d’un parc automobile qui n’est pas fortement diéselisé, mais âgé, mal entretenu…”.
À propos des coûts, une autre étude datant de 2006, pilotée par International journal of tuberculosis and lung diseases, 2006 (IJTLD), porte sur l’Impact sanitaire de la pollution de l’air par les PM10 dans une ville du sud (pays du Sud) : le cas d’Alger. On apprend que la capitale a une densité de 3000 habitants/km2 et que le taux de motorisation y est de 200 véhicules pour 1000 habitants, avec un âge moyen de 9 ans pour les véhicules légers et de 14 ans pour les véhicules lourds. À propos du taux de motorisation dans le pays, la Banque Mondiale donne le chiffre de 76 véhicules particuliers pour 1000 habitants (2010) alors qu’Oxford Business Group (OBG) avance 130 véhicules pour 1000 habitants pour 2016.
L’IJTLD estime qu’aujourd’hui en Algérie, chaque année, 10 à 12 millions d’habitants consultent pour des épisodes aigus de maladies respiratoires. Leurs coûts directs sont estimés à 15 millions USD/an, soit 0,04% du PIB (2006).
Les rédacteurs écrivent qu’“on peut supposer qu’un certain nombre de ces épisodes sont directement en relation avec l’exposition à la pollution atmosphérique”.
Enfin, la conférence de l’OMS a pris la décision de lancer une coalition pour le climat et la santé, une plate-forme chargée de veiller à la prise en compte des enjeux de santé dans les politiques de lutte contre le changement climatique.
De même, à la CoP22 au Maroc en novembre prochain, “deux événements spécifiques seront organisés : l’un sur la façon d’intégrer la santé dans les politiques d’atténuation et d’adaptation, l’autre sur la participation des finances climatiques aux coûts des impacts sanitaires du changement climatique”, a déclaré Hakima El-Haite, la ministre marocaine de l’Environnement.
Pour Maria Neira, il s’agit “d’influencer les choix faits en matière énergétique, dans le domaine agricole, des transports, de la construction, de la gestion des déchets.”