ALGER – L’année qui s’achève aura été marquée sur le plan politique par l’émergence de plusieurs initiatives convergentes de par leur appel à la préservation de la stabilité et de l’unité nationale, et divergentes de par les raisons idéologiques, l’appréhension de la situation politique et la vision future de l’Algérie après 2019.
Dans ce sens, le parti du Front de libération nationale (FLN) a mobilisé toutes ses bases militantes et s’est fait rallié la majorité des « forces nationales vives »(organisations et des représentants de la société civile) pour le succès de son initiative politique, dévoilée en avril dernier, à travers « l’appel au président de la République à poursuivre son oeuvre à la tête du pays en reconnaissance des précieuses réalisations et acquis enregistrés sous sa conduite éclairée ».
Recueillant l’adhésion « escomptée », cette initiative s’est transformée en « Front populaire solide » pour la sauvegarde de l’Algérie, auquel avait appelé le chef de l’Etat dans son message à l’occasion de la célébration de la Journée nationale du Moudjahid. Mais, le point de départ de cette initiative a été l’appel de 700.000 militants du FLN « partant des réalisations accomplies par l’Algérie depuis l’investiture du président de la République en 1999 et répertoriées au niveau de 48 comités de wilaya et lors des 10 rencontres régionales ».
Pour le parti, « la préservation des acquis et réalisations, principalement l’unité du peuple algérien, la paix et la stabilité et la vulgarisation de la vision du président de la République de l’avenir de l’Algérie à travers le programme de développement 2020-2030, constituent l’objectif suprême » de cette initiative. Dès son annonce, l’initiative a vu l’adhésion de 6 organisations estudiantines qui ont lancé, de leur côté, la Coordination « Jil Bouteflika », s’ensuivent alors plusieurs rencontres de concertation avec différentes formations politiques, au nombre de 26, partageant avec le FLN la même vision.
Parallèlement, le parti a pu mobiliser à ses côtés, les plus importantes organisations nationales, à leur tête les organisations patronales et l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), qui a affirmé, par le truchement de son Secrétaire général, « son appui absolu et son soutien inconditionnel » au président Bouteflika afin de poursuivre son œuvre de développement et de réforme ».
Dans le même contexte, l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA) a fait état de son adhésion « absolue » pour la concrétisation de l’appel du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à la constitution d’un « Front populaire solide », le qualifiant de « projet national à placer au-dessus de tous les partis politiques et organisations nationales ». Dans le prolongement de l’Initiative FLN, 15 partis, et à leur tête l’Alliance nationale républicaine ANR, ont lancé une initiative politique dénommée « La continuité pour la stabilité et la réforme » en soutien au programme du président de la République, et qui s’inscrit dans le cadre des préparatifs à une rencontre regroupant les partis en faveur de la Continuité.
Ces partis, représentant « plus d’un million et demi de voix électorales », ont engagé une campagne nationale en direction des masses populaires et bases militantes en vue d’expliquer « la plateforme » de la continuité et le projet du Front populaire solide Abondant dans le même sens, les quatre partis formant l’alliance présidentielle, en l’occurrence le FLN, le RND, TAJ (Tadjamoue Amal Al-Djazaïr ) et le MPA, ont décidé, en novembre passé, de conférer un caractère officiel à leur relation dans le cadre d’une alliance en soutien au président Bouteflika, en prévision de la Présidentielle de 2019.
A ce propos, ils ont convenu « d’un programme d’action progressif aux activités multiples » à mener tout au long des mois à venir dans le cadre d’un travail collectif fédérant toutes les forces. Cependant, le parti TAJ a fait le choix de présenter, seul, une autre initiative en appelant à une conférence nationale avec la participation de toutes les forces vives du pays, afin de parvenir à « un consensus national autour des questions et défis nationaux et internationaux intéressant l’Algérie ».
Fractionnement de l’opposition à travers des initiatives appelant au consensus
Face au dynamisme des partis dits « pro gouvernement », les formations politiques représentant « l’opposition » n’ont pas réussi à fédérer leurs efforts dans une seule et même démarche et leurs divergences et la différence de leurs objectifs ont apparu lors des nombreuses rencontres de concertation, tenues tout le long de l’année 2018.
Ainsi, les dirigeants du Mouvement de la société pour la paix (MSP) se sont attelés à la promotion et à la défense de leur initiative, « Consensus national », expliquant qu’elle repose sur « la réalisation d’un travail démocratique conjoint entre le pouvoir et l’opposition dans le respect des spécificités et de la diversité politiques et dans le cadre d’un Front national solide, loin des visions partisanes et des intérêts étroits ». Récemment, le MSP a opéré un changement fondamental dans son initiative en appelant, par la voix de son président, au report de la prochaine présidentielle » expliquant que c’est là « l’unique solution pour réunir les conditions nécessaires à la concrétisation du consensus national ».
Expliquant que ce report, « ne doit aucunement dépasser une année », le MSP estime qu’il doit « constituer un projet adopté par l’ensemble des institutions de l’Etat et prévoir des réformes réelles et sérieuses avec la possibilité de tenir une conférence nationale approuvée par toutes les parties ». Quelques mois auparavant, le même parti avait plaidé pour « un candidat consensuel à la présidentielle 2019, un chef de Gouvernement consensuel devant concrétiser la vision de l’Initiative et un gouvernement à large représentation réunissant la compétence, l’expérience et la symbolique politique ».
Au bénéfice de son initiative, le MSP avait avancé comme arguments qu’elle respectait les composants de l’identité nationale, les institutions de l’Etat, les échéances électorales et la diversité politique et intellectuelle et proposait des réformes économiques et politiques permettant de « surmonter les difficultés de l’heure ». Néanmoins, les partis formant la majorité parlementaire lui ont réservé un refus de principe.
le FLN, en raison de la terminologie utilisée par ses promoteurs comme « la transition démocratique et le rôle de l’Armée nationale populaire (ANP) dans la vie politique » alors que le RND a estimé que l’appel à un consensus politique la veille des échéances électorales était « un déni de la souveraineté nationale et populaire ». De même qu’elle a affronté le refus du plus vieux parti de l’opposition, le FFS, pour qui son « projet de reconstruction du consensus national » est « la seule alternative pour éviter au pays de sombrer dans une crise ».
Affirmant que son initiative s’inspirait de « la guerre de Libération nationale, de la Déclaration du 1er Novembre 54 et de la plateforme de la Soumam », le FFS défend sa vision « d’une Algérie unie, démocratique et sociale » et sa conviction que « le dialogue est la seule manière de régler les conflits et tous les problèmes ». Le FFS dit poursuivre le travail pour « la convergence des forces du changement et la mobilisation des Algériens à même de réunir les conditions qui permettent une dynamique politique pacifique, plurielle et organisée », afin de concrétiser le projet de « la deuxième République ».
Face à ces trois initiatives largement médiatisées, d’autres partis ont tenté, en vain, récemment d’attirer l’attention, à l’instar du Parti des travailleurs PT qui a lancé son initiative politique en vue de « trouver des solutions à la conjoncture socio-économique actuelle du pays », à travers « une pétition, sous forme de lettre adressée au président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lui demandant d’intervenir rapidement pour éviter de sombrer dans le chaos, vu la situation socio-économique actuelle du pays ».
Les militants et partisans du PT se sont attelés à « recueillir pas moins d’un million cinq cent mille (1,5 millions) signatures, dans le cadre de cette pétition, qui propose plusieurs solutions dont l’arrêt de la politique d’austérité, la prise en charge des aspirations des jeunes et la protection de la propriété collective de la Nation, notamment à travers l’interdiction de toute forme de privatisation et l’instauration de l’impôt sur la fortune (ISF) ».
De son côté, le mouvement El-Bina a tenté une initiative, dite « Consensus national » puis « L’Algérie pour tous », visant à « mettre en place une plateforme pour la moralisation de l’action politique et la réunion des acteurs de la scène politique dans le but de former de véritables blocs dotés d’une feuille de route claire en vue de protéger l’Algérie contre tous les dangers qui la guettent, tant de l’intérieur que de l’extérieur ». Le Mouvement prône également la protection du front interne, l’approfondissement du dialogue et la recherche de mécanismes politiques à même d’assurer son succès ».
L’effervescence politique qui a marqué l’année 2018 est un phénomène sain et naturel à la veille de l’échéance présidentielle d’avril 2019 et la multitude des initiatives, dont aucune n’a pu transcender sur les autres, a favorisé, en dépit de la divergence des objectifs et plans d’attaque, l’émergence d’un dialogue politique de « haut niveau » entre des formations politiques, habituées, à la veille de chaque rendez-vous électoral, aux altercations et querelles verbales pour défendre des projets politiques creux.