Adlène Badis
Demain vendredi, le mouvement populaire reprendra son activité devenue régulière, celle de battre le pavé, d’exprimer sa volonté de changement et de voir partir les symboles de l’ancien système. Ce second vendredi de Ramadhan devrait, à l’évidence, voir un engouement tout aussi important que vendredi passé, voire davantage.
Il faut dire que la semaine dernière, premier vendredi de Ramadhan, la participation massive des Algériens aux marches à travers le territoire national en a surpris plus d’un. Alors que certains ont tablé sur les effets décourageants du jeûne et d’un soleil de plomb pour un début d’essoufflement, c’est bien le contraire qui s’est produit. A Alger, comme partout dans le pays, le vendredi a pris une valeur de confirmation de la paisible détermination des Algériens à « libérer leur pays du système ». Les slogans, les chants et les pancartes arborées chaque vendredi sont autant de mots d’ordre formulant une vie politique en grand chamboulement.
Les noms de Abdelkader Bensalah l’actuel chef de l’Etat par intérim et celui du Chef du gouvernement Nourredine Bedoui font toujours l’objet d’un rejet franc et massif. Le chef d’état-major Gaïd Salah est également fustigé et accusé de faire dans la manigance pour « sauvegarder le même système politique ». En parallèle, il reste visible que les différentes affaires liées à la corruption et la mauvaise gestion ne semblent pas avoir un effet perceptible sur le mouvement de contestation. L’immense majorité de la population comprend parfaitement l’exigence d’une transition, accompagnée d’une remise à plat des conditions légales et matérielles préalables à une vraie expression de la volonté du peuple par les urnes. L’assiduité avec laquelle les Algériens sortent s’exprimer chaque vendredi révèle une véritable détermination de ce mouvement à imposer une donne inévitable.
Dans le même sens, les étudiants sont sortis mardi imposant un tempo bien cadencé avec ce grand mouvement de bouleversement politique, appelé Hirak.
Un mouvement qui a prouvé sa force et sa détermination mais qui traîne irrémédiablement une tare, celle de ne pas pouvoir encore se doter de représentants qui puissent parler en son nom.
Rythmée par les affaires de justice
La semaine écoulée aura été particulièrement rythmée par les affaires de justice. La vie politique nationale a pris une allure singulière. Elle est complètement occupée par l’actualité quotidienne liée aux péripéties judiciaires de certains responsables politiques de l’avant-22 février, mais aussi des personnalités du monde des affaires et des militaires. Jusqu’à occulter complètement la crise politique et institutionnelle principale en attente, toujours, d’une solution urgente.
Le chef d’état-major Gaïd Salah n’a pas fait de discours durant la semaine écoulée. C’est la première fois pratiquement, depuis le début de la crise.
Les interventions du premier responsable de l’institution militaire étaient attendues notamment chaque mardi lors de ses sorties sur le terrain. Ces visites dans les différentes régions militaires du pays étaient des occasions de passer des messages que les observateurs s’empresseront de décrypter. Suivie souvent par des textes, le lendemain, afin d’atténuer des discours jugés trop sévères. Demain vendredi, la parole sera de nouveau au Hirak. La crise politique est toujours dans l’impasse. Il reste aujourd’hui évident que l’option de l’élection présidentielle du 4 juillet, pour rester dans un cadre strict de la Constitution actuelle, est engagée. Il n’apparaît en tout cas aucun signe probable qui démontre que le pouvoir pense à une alternative à l’impasse du 4 juillet.
A part un silence, qui confirme l’embarras des autorités sur une opération électorale visiblement vouée à l’échec, il n’apparaît pas l’ombre d’un plan B qui serait préparé. Ce qui ne fait que multiplier les inquiétudes. Les Algériens vivent désormais dans l’angoisse concernant l’avenir du pays, entré viscéralement dans une période d’indécisions et de flou total. Entre la population qui refuse catégoriquement le choix du
4 juillet dans les conditions actuelles et ceux qui estiment qu’il n’y a pas d’autre issue, sans mettre en péril l’ordre institutionnel, voire la sécurité du pays, subsiste un dialogue de sourd. Jusqu’à quand ?