Il a suffi d’une petite heure et l’affaire est pliée. La session du comité central du FLN n’a duré, effectivement, qu’une quinzaine de minutes. Inclus le plébiscite de Amar Saïdani secrétaire général.
Boumehdi rouvre la session avec un bureau recomposé avec Leïla Tayeb, l’aînée, et Zahali, le plus jeune du CC. Dans la salle et les couloirs, des discussions vont bon train. On distribue, comme un trophée, la décision de la chambre administrative du tribunal de Bir-Mourad-Raïs qui annula le verdict du Conseil d’État qui annula l’autorisation de la wilaya pour la tenue de la réunion.
Celui qui annonça sa candidature au poste de SG par un communiqué s’est rétracté. Saïd Bouhedja se justifie et évoque son incapacité à assumer une aussi lourde responsabilité. Si Affif est indécis. Il dit attendre de voir si les jeux ne sont pas faits pour se présenter.
Dans toute l’agitation de la salle, Tayeb Louh reste impassible, le visage sans trait, en retrait, scrutant les mouvements comme un superviseur. Deux ministres du bureau politique manquent à l’appel. Benaïssa et Benhamadi assistent à la séance sans Harraoubia qui a fait juste un tour.
Malgré la certitude qui se lisait sur le visage des partisans de Saïdani, le doute a plané sur la salle. La décision du tribunal prêtait à plusieurs interprétations. Beaucoup de membres du CC n’ont pas caché leur étonnement sur le fait qu’une chambre administrative annule une décision du Conseil d’État, la plus haute juridiction dont les verdicts sont sans appel. On attend alors la surprise. Le camp adverse préparait la riposte et allait saisir encore une fois le Conseil d’État. Doute et suspense accompagnent les folles rumeurs autour de ce qui pourrait arriver. Un membre du CC se désole de l’absence de “l’esprit de la Soummam dans cette rencontre”. “C’est la première fois où je ressens cela”, dit-il, tout en affichant sa neutralité dans le conflit du parti. Ils étaient nombreux à adopter cette position pour éviter de paraître comme une caution à Saïdani. Pourtant par leur présence — ils étaient 258, selon Boumehdi —, ils renforcent le camp de l’ancien président de l’APN.
Lorsque Saïdani arrive, il est ovationné. Certains s’empressent d’aller le saluer, se jeter dans ses bars au milieu des youyous.
Boumehdi peut alors commencer. Il annonce la “poursuite” des travaux de la 6e session tenue le 31 janvier qui a vu la destitution de Belkhadem. La composition du bureau et le point à l’ordre du jour : l’élection du secrétaire général. Il donne les noms de la commission de candidatures qui sera présidée par Moussa Benhamadi. Et s’ouvre le bal des candidatures. Une seule candidature… par procuration. C’est Madani Houd, sénateur, qui “dépose” celle de Amar Saïdani. Mustapha Mazouzi, presque en sanglots, annonce publiquement son retrait de la course pour préserver l’unité du parti.
Le président de séance attend d’autres candidats. Aucun ! Tel un commissaire-priseur, il demande trois fois s’il y a encore des candidats avant de clôturer la liste. Sans coup de martinet. Et dans ce cas, comme stipulé dans les articles 17 du règlement intérieur et des statuts du parti, le vote se fera à main levée. Et c’est vite expédié. Applaudissements dans une salle qui lui est déjà acquise.
Le grand absent est évidemment Abdelaziz Belkhadem qui a préféré envoyer une procuration tout comme 12 autres membres du CC.
Il est alors invité à prendre la parole avant la clôture de la session. Saïdani a regretté qu’il n’ait pas de concurrents pour être élu par les urnes. Il a mis l’accent sur la conjoncture difficile et le contexte dangereux qui fait peser la menace y compris sur l’Algérie. Raison pour laquelle le pays a besoin du FLN qui est majoritaire. C’est une lourde responsabilité entre les mains du parti qui a besoin de son unité. Il a également invité “ses frères” à être avec lui dans cette mission. Il a appelé également à la réconciliation et invité les militants et les cadres à s’éloigner des invectives. Fin de l’acte sous les flashs des appareils photo et des projecteurs des caméras.
Boumehdi annonce alors la fin des travaux pour la journée. Quinze minutes ont suffi pour “plier l’affaire”. Un record, reconnaît un membre du CC qui indique n’avoir jamais vu de sa vie de militant une session aussi courte.
Devant les journalistes, Boumehdi a réitéré sa position quant à la légalité de cette réunion. Toutes les conditions sont satisfaites, a-t-il déclaré, en rappelant la décision du tribunal de Bir-Mourad-Raïs. Il a trouvé également l’argument dans le quorum atteint. De son côté, Mazouzi a réfuté qu’on lui ait demandé de se retirer et d’expliquer que, par son retrait, il contribue à la stabilité du parti en évitant les divisions. Le député de Tébessa, Djemaï, qui a soutenu Saïdani, n’a pas manqué d’afficher sa joie de cette victoire. Il affirme que cela va stabiliser le parti et contribuera à la stabilité du pays. Amar Saïdani est l’homme qu’il faut dans cette situation. Même le chef du groupe parlementaire qui s’est opposé à Belayat a eu droit à son mot. L’intronisation de Saïdani, c’est aussi sa propre victoire et il est sûr que le nouveau SG lui renverra l’ascenseur. Il est content que “l’injustice qu’il a subie” sera réparée.
Et comme tous les autres, c’est le parti qui en sort vainqueur avec des rangs serrés. Comme si l’élection de Saïdani allait signer la fin de la crise.
Bien entouré, le nouvel élu s’en va et promet de donner le soir même la composition du nouveau bureau politique qui sera soumis évidemment à l’approbation du comité central.