Dans cet entretien, cette auteure-compositrice et interprète, originaire de la ville de Annaba, revient sur sa rencontre avec ce groupe, qui lui a permis de sillonner le monde et d’exercer sa passion : la musique. Elle nous parle également de ses textes chantés dans plusieurs langues, notamment l’arabe et l’arménien. Elle évoque entre autres ses premiers pas dans le théâtre.
Liberté : L’aventure “Sherazade et Lavionrose” a débuté en 2014 à Annaba, et depuis le groupe a sillonné le monde (France, Dubaï, Pakistan…). Comment est née cette formation ?
Sherazade : Cette formation est née lors d’une rencontre avec Lavionrose grâce à M. Patrick Garaud, ancien directeur de l’Institut français de Annaba (IFA). Il a programmé ce groupe pour une tournée en Algérie en 2014, et en ces temps-là j’étais bibliothécaire à l’IFA, et en parallèle je vivais pleinement ma passion, qui est la musique, dans ce même institut qui offrait beaucoup de possibilités aux jeunes artistes de la région. Lors de cette rencontre, mon chant (lyric), ainsi que mes titres écrits en plusieurs langues ont plu au groupe. Pour ma part, j’ai été impressionnée par leur expérience musicale à travers le monde et leurs échanges dans ce domaine. Suite à cette rencontre, j’ai été embarquée à bord de cet avion pour une tournée en Algérie qui a fait beaucoup d’effet au public.
Après cette expérience, les musiciens m’ont contactée pour les rejoindre en France, afin d’intégrer la formation en tant que chanteuse de Lavionrose. Nous avons réalisé des tournées dans plusieurs pays ; après une grande aventure au Moyen-Orient et au Pakistan, nous nous produirons en février en Inde, et pour le mois de mars, nous ferons escale en Turquie, à Dubaï, à Abu Dhabi, au Koweït et enfin en Ukraine et en Russie.
Vos compositions sont décrites comme “un style musical tissé de nouvelles textures sonores tantôt urbaines électriques, tantôt savoureuses mystiques…”
Notre style musical est un mélange de cultures qui me reflète. Dans mes textes, on retrouve le russe, l’arabe, l’arménien, l’azéri, le français et l’anglais. Musicalement, le groupe m’apporte une touche occidentale comme le jazz, le blues, le rock, la musique classique… Vocalement, j’explore les chants lyrics, orientaux et celtiques, en gros c’est de la musique du monde.
Vous avez expliqué que vous chantiez dans plusieurs langues. Est-ce dans le but de briser “réellement” toutes les frontières ?
Dostoïevski, un de mes écrivains préférés, a dit un jour : “L’art sauvera le monde.” Pour ma part, la musique est un moyen de briser les frontières entre les peuples, ainsi que les tabous. Écrire en plusieurs langues est une façon pour moi de communiquer avec différents peuples et de transmettre également des messages à l’humanité. À travers mes titres j’évoque divers sujets, notamment la condition de la femme, le viol, le harcèlement, l’avortement, l’amour… D’ailleurs, je ne m’arrête pas à ces langues, j’étudie en ce moment l’hébreu, une langue magnifique dans laquelle j’aimerais chanter. Je pense qu’un mélange d’arabe et d’hébreu serait parfait pour dire qu’on passe à côté de belles choses.
Vous chantez sur la femme, la mère… Peut-on vous décrire comme une féministe ?
Défendre la femme ne fait pas de moi une féministe, je suis plutôt féminine jusqu’au bout des ongles. Je ne suis pas contre les féministes, mais je trouve que la femme complète l’homme et vice-versa. Chacun a un rôle à jouer, et défendre la femme pour moi, c’est une question de liberté, d’égalité et de respect mutuel aussi. Certains sont choqués par mes propos en France, néanmoins je reste sur mes positions : je pense qu’on peut être juste une femme et défendre la femme, pas besoin d’être féministe.
Outre la musique, vous venez de faire vos premiers pas au théâtre…
J’ai été recrutée par Kheireddine Lardjam, un metteur en scène d’origine algérienne qui vit et travaille en France depuis 20 ans. Il a cru en moi, alors que je n’avais jamais joué dans une pièce. Je me suis retrouvée embarquée dans Page en construction, une œuvre écrite par Fabrice Melquiot et montée par Kheireddine Lardjam.
Au début, je devais intervenir en tant que chanteuse, mais finalement j’ai obtenu un rôle. Nous avons joué sur des scènes nationales, à l’instar de la scène nationale de Dijon, Mulhouse, Le Creusot, Mâcon, Saint-Étienne, Paris. Nous avons également participé au grand Festival d’Avignon, où on s’est produit durant un mois. L’aventure continue, nous jouerons bientôt à Montpellier et dans d’autres villes. Kheireddine Lardjam n’a pas été déçu par mes prestations et a décidé de me donner le rôle de Cyprienne dans Mille francs de récompense de Victor Hugo, dont la création se déroulera en décembre 2017 à Vitry-sur-Seine (France).