Shutdown aux Etats-Unis: «Si la stratégie du blocage ne paye pas, les républicains plus modérés auront gagné»

Shutdown aux Etats-Unis: «Si la stratégie du blocage ne paye pas, les républicains plus modérés auront gagné»

INTERVIEW – Selon François Durpaire, le nouveau blocage budgétaire que connaissent les Etats-Unis est révélateur des divisions internes du parti républicain…

Ce mardi, pour la première fois depuis dix-sept ans, l’Etat fédéral américain a de nouveau été mis au chômage technique, faute d’accord sur le budget au Congrès. Pour François Durpaire, maître de conférences à l’université de Cergy, même si ce blocage est habituel dans l’histoire politique américaine, il est révélateur des divisions internes du parti républicain, les élus du Tea Party mettant dans la balance d’un accord la mise au rencard d’Obamacare, la loi sur la couverture santé, qu’ils voient comme une socialisation de la médecine.

Comment les Américains jugent-ils le blocage budgétaire?

Ils sont agacés de cette situation, mais pas étonnés. Le shutdown, c’est habituel dans l’histoire américaine: depuis 1981, il y en a eu dix. Statistiquement, ils ne durent pas. Le plus long a duré 28 jours, en 1995-1996. Pour l’heure, les Américains ont un avis partagé sur les responsabilités car c’est le début du bras de fer.

D’autant plus qu’il n’y a donc pas vraiment d’impact sur leur vie quotidienne, puisque c’est le budget fédéral qui est bloqué. Que les ministères de l’Education ou de la Justice soient au chômage technique n’impacte pas les écoliers ou les justiciables, puisque ces thèmes sont gérés au niveau de chaque Etat.

Qui va céder?

C’est toute la question. Les politiciens arrivent normalement à trouver un accord: en 1996, Bill Clinton l’avait emporté. Mais, aujourd’hui, le Tea Party suit toujours sa stratégie d’opposition systématique, à l’intérieur du camp républicain, ils sont une trentaine à l’origine des deux amendements qui ont amené ce blocage.

Il est aussi difficile pour Barack Obama de céder: sa réforme de la santé est l’héritage de son premier mandat, et il ne veut pas rater ses deux mandats. Il vaut mieux un second mandat bloqué plutôt qu’un premier détricoté. D’autant plus que son mandat commencera en novembre 2014, après les élections de mi-mandat («midterms»).

Justement, les électeurs pourraient-ils sanctionner les Républicains lors des midterms?

Le parti républicain connaît une crise d’identité. Il y a une division profonde, qui date des midterms de 2010 et de la poussée du Tea Party, entre deux traditions de la droite américaine: l’une plus modérée et l’autre qui se démarque en étant dans l’opposition très tranchée face aux démocrates. Cette division ne sert pas le parti, et l’un des deux camps va devoir céder.

Les prochains midterms vont donner une indication sur qui l’emporte. Si la stratégie du blocage du système ne paye pas et est même sanctionnée par les électeurs, on peut penser que l’aile modérée aura gagné, et qu’en 2016, un candidat républicain plus modéré sera désigné pour la présidentielle.

D’autant que le Tea Party va pouvoir continuer de rester dans l’intransigeance…

En effet, un autre blocage est à venir: le 17 octobre au plus tard, Barack Obama aura besoin que le Congrès relève le plafond de la dette afin que le pays puisse continuer d’emprunter, et le Tea Party risque de bloquer à nouveau le vote, toujours en demandant que le président renonce à l’Obamacare. Cela serait plus problématique, car cela signifierait que les Etats-Unis sont en cessation de paiement. Un problème pour le plus gros emprunteur au monde, qui pourrait avoir des répercussions économiques non seulement sur l’économie américaine, mais aussi sur l’économie mondiale.