Les syndicats proposent un référendum sur un salaire minimum pour les 9 % de salariés qui gagnent moins de 3 240 euros.
Droite et patronat sont contre.Considérant que la Suisse offre des salaires parmi les plus élevés du monde, la gauche et les syndicats, par le biais d’une « initiative populaire » (un référendum), proposent d’instaurer un revenu minimal à 4 000 francs suisses (3 240 euros). Théoriquement, ce vote ne devrait pas bouleverser l’économie florissante de ce petit pays. Actuellement, seuls 9 % des salariés perçoivent un revenu inférieur, soit autour de 330 000 personnes.
Selon les dernières statistiques, qui remontent à 2010, le salaire médian helvétique atteint 4 845 euros ! Et certains cantons montent la barre beaucoup plus haut. Il y a peu, lors d’un conflit entre l’État de Genève et ses fonctionnaires, l’administration révélait que le salaire moyen atteignait l’équivalent de 7 275 euros par mois. Et ce n’était pas la rémunération d’un chef de service, mais celle d’un employé lambda. Dans ces conditions, certains enseignants savoyards préfèrent abandonner leurs classes pour conduire un bus ou distribuer du courrier dans la cité de Calvin.
Les femmes les plus concernées
Certes, tout est beaucoup plus cher dans la Confédération, à commencer par le logement, l’alimentation, les soins médicaux. Mais, dans l’ensemble, les Suisses vivent très correctement, d’autant que le chômage tourne autour de 3 %. Selon l’Union syndicale suisse (USS), les bas salaires concernent majoritairement les femmes travaillant dans l’agriculture, le personnel de service, le commerce de détail.
Alors que cette « votation », prévue le 18 mai prochain, semblait pouvoir passer comme une lettre à la poste, les milieux patronaux et la droite se sont lancés dans une violente campagne pour dénoncer « le salaire minimum le plus élevé du monde [qui] nuirait à notre succès ». Jean-François Rime, président de l’Union suisse des arts et métiers (Usam) et député de l’Union démocratique du centre, le parti le plus à droite de l’échiquier politique, assure même que certains secteurs vont disparaître et que beaucoup de postes seront supprimés.
Risque de délocalisation en Franche-Comté
Et surtout, Johann Schneider-Ammann, ministre de l’Économie (libéral-radical) et ancien entrepreneur, s’oppose violemment à cette « initiative ». Dans une interview accordée à La Tribune de Genève, il n’hésite pas à déclarer que dans l’horlogerie, « qui travaille beaucoup avec les frontaliers, si on détériore nos conditions-cadres, on prend le risque que des entreprises délocalisent en Franche-Comté ».
Évoquant le canton italophone du Tessin, le ministre affirme que « fixer un salaire minimum augmenterait l’attrait pour les frontaliers, avec une pression encore plus grande sur les résidents ». Mais la plus grande charge, le Bernois Johann Schneider-Amman la réserve à l’Hexagone. « La Suisse se trouverait avec des conditions-cadres comparables à celles de la France, un pays corseté, centralisé et où tout est axé sur les salaires minimaux. » Pour une partie de la Confédération, notamment la Suisse alémanique, toute comparaison avec la France est forcément mortelle. Un premier sondage donnerait le smic helvétique perdant.