Un parcours prodigieux et une oeuvre féconde pour la sauvegarde et le rayonnement de la musique classique algérienne.
Il s’en est allé avec une révérence de discrétion dans la dignité et le courage d’une âpre lutte contre une fulgurante maladie qui l’a surpris dans la quiétude de sa 89e année, le 15 novembre 2015 dont la coïncidence temporelle correspond au mois qui l’a vu naître un certain 2 novembre 1926 à la Casbah d’Alger, creuset de ses souvenirs d’enfance ancrés à jamais en sa mémoire.
Son oeuvre immense, qui relève d’une anthologie encyclopédique, témoignera de l’abnégation, de la persévérance et de l’ardeur du professeur Sid Ahmed Serri pour la valorisation, la promotion, la sauvegarde et la pérennisation d’un patrimoine séculaire, d’une richesse incommensurable, legs inouï des aïeux, qui était la passion de sa raison d’être pour le transmettre aux générations montantes.
Une grande école de formation
Pédagogue émérite d’une musique savante qu’est la musique andalouse, il a consacré toute une vie pour assurer la formation de générations entières de musiciens et d’interprètes devenus plus tard des célébrités de référence de la «çanâa».
Ce dense et prodigieux parcours nous transpose dans l’univers des souvenirs pour la remémoration des inoubliables soirées quotidiennes des premiers Ramadhan de l’Algérie indépendante en 1964, au siège de l’Association El Djazaïria El Mossilia, à la rue Mogador, actuellement rue Harichet où avec les monuments Dahmane Benachour, Abdelkrim Dali, Mohamed Kheznadji, Cheikh Sadek Lebdjaoui, le regretté Sid Ahmed Serri subjuguait les mélomanes nombreux, fins connaisseurs et «exégètes» de la nouba.
Une fidélité de mémoire et de reconnaissance
A ce propos nous évoquerons la fidélité de mémoire, à travers la reconnaissance et la gratitude, témoignée sa vie durant à l’égard d’une cime artistique de légende, Abderrazak Fakhardji qu’il citait affectivement sous le vocable de tendresse «mon grand maître» et d’ajouter: «Qui m’a façonné dans l’univers de la musique classique andalouse.» C’est ainsi qu’il a tenu à célébrer l’anniversaire de son Centenaire en réunissant quelques proches amis sur la tombe de Abderrazak Fakhardji au cimetière d’El Kettar le 6 Juin 2011 où nous étions à ses côtés pour accomplir un acte de mémoire pour lequel il tenait tant.
En cela, le souvenir impérissable de l’icône que fut Sid Ahmed Serri ressurgit en cet instant pour rappeler certaines grandes figures du patrimoine musical qu’il ne cessait de nous évoquer lors de nos rencontres à son domicile avec Hamid Tahri le journaliste et auteur de ses Mémoires, d’abord ses aînés et amis de la Casbah natale, Hadj M’rizek, Kaddour Bachtobdji qui le fascinaient par leur virtuosité exceptionnelle et les sommités de l’art musical andalou, Mohamed Ben Ali Sfindja, Mohamed Bentefahi et tant d’autres qui constituaient des repères dans la trajectoire d’apothéose qui fut la sienne. Enfin, sympathisant proche de notre association, le professeur Sid Ahmed Serri répondait spontanément et avec enthousiasme à nos invitations au cours desquelles nous avions partagé des moments chaleureux incrustés dans le palmarès de la pensée. Comme l’a sublimement immortalisé l’immense poète Kateb Yacine à l’endroit des grands hommes «Mourir ainsi c’est vivre». Une citation qui, en la circonstance illustre la laborieuse et noble mission accomplie par le regretté Sid Ahmed Serri à travers le legs transmis aux générations futures d’une oeuvre magistrale de la çanâa, un trésor inestimable de culture algérienne et de poésie séculaire de flamboyance. Celle du salvateur enregistrement des noubas maintenant transcrites, gravées et sauvegardées en testament pour la jeunesse héritière d’un précieux patrimoine à promouvoir et à pérenniser.
Rencontre d’adieu
Dans la cruelle épreuve de la maladie qu’il surmontait dans une tranquillité d’âme et de foi, nous lui avons rendu visite (l’auteur de ces lignes) quelques semaines avant sa mort avec les membres de l’Association Rabah Haouchine, Djamel Soufi en compagnie de notre doyen Mohamed Damerdji âgé de 80ans.
En dépit d’un état de fatigue très perceptible, le professeur Sid Ahmed Serri toujours élégant, perspicace, égal à lui-même, accueillant et courtois s’est longuement entretenu avec nous, calme, serein dans l’expression de ses souhaits maintes fois renouvelés pour l’épanouissement de la culture et de ses valeurs d’algérianité.
A la famille Serri affligée par sa disparition, à son honorable épouse et à ses filles, l’ensemble des membres de l’Association des amis de la Rampe Louni Arezki, Casbah, et ses nombreux sympathisants tiennent à réitérer leur compassion et leurs condoléances attristées en un témoignage de soutien et de sympathie appuyés.
Que Dieu le Tout-Puissant l’accueille en la mansuétude de Sa Rahma au Royaume de son Vaste Paradis.
A Dieu nous appartenons, et à Lui nous retournons.
(*) Président de l’Association des Amis de la Rampe LOUNI Arezki Casbah