Plus d’une centaine d’anesthésistes, en grève illimitée depuis le 7 juin dernier, ont organisé hier au centre hospitalo-universitaire Frantz Fanon de Blida, un sit-in de contestation en guise de solidarité avec leur confrère Djamel Yahia, licencié «arbitrairement».
Exigeant le départ du directeur des ressources humaines et la révision de cette décision «démesurée», les contestataires ont campé toute la matinée devant l’administration de l’établissement jusqu’à ce qu’une délégation de quatre personnes soit reçue par le directeur de l’établissement, Mabrouk Boumediène. Interrogé par le Temps d’Algérie, M. Mekkid, porte-parole du collectif, a fait savoir que les négociations n’ont pas été fructueuses, car «le directeur a voulu marchander avec nous».
Et d’ajouter : «Il nous a carrément proposé de geler le mouvement de grève pour lever la sanction contre notre collègue, chose que nous avons refusée.» Il a ajouté que la corporation compte se mobiliser jusqu’à la levée de la «sanction» de l’anesthésiste, victime d’un «abus de pouvoir» et d’un «règlement de compte».
Selon les manifestants cette personne a servi de bouc-émissaire afin de les décourager et casser le mouvement de protestation. M. Mekkid a affirmé que l’anesthésiste n’a commis aucune faute justifiant une telle «sanction de troisième degré». Plus explicite, il a indiqué que leur confrère est accusé de non assistance à personne en danger, alors qu’il a assuré sa mission convenablement.
M. Yahia nous a indiqué de son côté qu’un rapport l’accablant a été rédigé par son chef de service, alors qu’il était au bloc opératoire en train de secourir un malade, évacué en urgence de Chlef. Ce rapport a été décidé, selon lui, car il a exigé la présence au bloc d’un médecin réanimateur qui était de service.
Qualifiant la démarche du chef de service d’«injuste» par M. Yahia qui n’a pas manqué de relever le comportement insolent de son responsable envers le personnel, il a en outre affirmé que son refus était justifié par le fait que le malade était dans un état grave et son intervention nécessitait la présence du médecin réanimateur, comme en témoigne le rapport du médecin réanimateur ayant assisté l’intervention.
M. Yahia a fait la genèse de cet incident, en expliquant que son chef de service voulait l’obliger à endormir le malade sans la présence du médecin spécialiste, qui était dans une pièce à côté. Voulant connaître la raison, le chef de service a voulu imposer sa loi en l’obligeant à assumer la responsabilité.
Chose qu’il a rejeté. M. Yahia, selon ses déclarations, a préféré faire appel au médecin spécialiste et anesthésier le malade en toute tranquillité.
Il a affirmé que l’opération chirurgicale s’était très bien déroulée et qu’il a assisté le malade âgé de 14 ans, de 2 heures du matin à 15h, heure de son réveil.
Il a été transféré, par la suite, au service de pédiatrie. M. Yahia a souligné que la convocation administrative lui est parvenue après avoir assuré le service de garde. Le chef de service a, selon lui, rectifié son erreur verbalement, mais n’a pas voulu établir un rapport écrit. Suspendu d’abord de sa fonction,
M. Yahia a été présenté le 19 juillet devant la commission de discipline, qui a délibéré en sa défaveur. Le même interlocuteur s’interroge sur cette injustice dont il est victime. «Le malade a été évacué d’abord de Chlef vers Blida en raison de l’absence de médecin réanimateur», a-t-il dit en ajoutant «pourquoi je suis sanctionné sévèrement, alors que le médecin en question était présent sur place ?»
M. Mabrouk Boumediène nous a précisé pour sa part, que la décision est conforme à l’instruction ministérielle n°1027, parvenue à l’administration le 20 juin 2011, où il est précisé de sanctionner les grévistes. Il a affirmé que depuis le début des mouvements de protestation,
il a essayé de sensibiliser la corporation, mais en vain. «Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai appliqué que les sanctions de premier et deuxième degré, c’est-à-dire les retenues sur salaire», a-t-il dit, ajoutant que la décision de licenciement est intervenue après plusieurs rapports du chef de service. Ce dernier a qualifié l’anesthésiste en question d’«inhumain», car «il a refusé une urgence vitale».
M. Boumediène a affirmé que depuis le début de la grève, des centaines de reports d’interventions chirurgicales ont été enregistrées, «portant préjudice aux malades». Nous avons essayé, a-t-il dit, de gérer cette perturbation, mais depuis la grève illimitée, les choses se sont corsées, exigeant la prise des mesures administratives disciplinaires, à savoir les ponctions sur salaire.
Les retenues sur salaire vont de 10 à 20 jours, a-t-il affirmé, suivant le degré des perturbations enregistrées dans chaque service.
A rappeler que la grève illimitée des anesthésistes a été entamée après plusieurs débrayages cycliques observés durant le mois de mai. Ils revendiquent une couverture juridique, une formation approfondie et un statut particulier. M. Mekkid a tenu à affirmer, en fin de journée, que des sit-in quotidiens seront observés jusqu’à faire valoir leurs droits.
Samira Azzegag