Située entre Skikda et Jijel Oued Z’hor : un paradis abandonné par les uns… courtisé par les autres

Située entre Skikda et Jijel Oued Z’hor : un paradis abandonné par les uns… courtisé par les autres

Les décideurs ont agi contre l’histoire et la nature car, paradoxalement, la plage et la sablière se trouvent à 5 kilomètres du chef-lieu de la commune de Oued Z’hor et à 30 kilomètres de la commune d’El-Milia.

Oued Z’hor est une commune dans la daïra d’Ouled Attia, située à l’extrême ouest des limites administratives avec la wilaya de Jijel. Là-bas, la population vit une situation unique en son genre. Celui qui avait planifié le découpage administratif avait certainement agi insidieusement pour priver une région de ses richesses et en faire profiter une autre. Ces richesses sont, incontestablement, l’enchanteresse plage et la sablière. On les appelle la plage et la sablière de Oued Z’hor, mais seulement d’appellation, car administrativement, ces deux sites relèvent de la commune d’El-Milia, dans la wilaya de Jijel.

Les décideurs ont agi contre l’histoire et la nature car, paradoxalement, la plage et la sablière se trouvent à 5 kilomètres du chef-lieu de la commune de Oued Z’hor et à 30 kilomètres de la commune d’El-Milia. Abandonnée par la commune d’El-Milia et courtisée par celle de Oued Z’hor, cette région est un véritable no man’s land. Ce havre de paix et de villégiatures en goulot d’étranglement surtout pour les habitants de Oued Z’hor et de la bourgade des Ouled Djaballah. Pourtant, la plage est longue d’environ 6 kilomètres, mais pas un seul centimètre n’a été cédé aux habitants de Oued Z’hor. Le cas de la plage Larbi-Ben-M’hidi, partagée entre les deux communes de Skikda et Filfila, aurait dû inspirer les décideurs pour en faire profiter tout le monde.

L’un des habitants nous résumera ce qu’il qualifie d’injustice : “Nous avons la vache et ce sont eux qui profitent du lait.” Un autre rajoutera qu’ils subissent aussi des nuisances sonores et une pollution de l’atmosphère nuit et jour, vu que les camions de gros tonnages fréquentant la sablière défilent sans arrêt et leurs vibrations causent aussi des dommages aux habitations prenant pour exemple une maison fissurée par ce qu’ils appellent les va-et-vient incessants des camions. Même la route, le CW 132, réhabilitée récemment est déjà dégradée, mais ce qui attire l’attention et contrairement à toutes les communes de la wilaya même celles voisines de Oued Z’hor, c’est l’absence totale de ralentisseurs de l’entrée de cette commune  jusqu’à la sablière, en dépit des dangers que représentent ces camions de gros tonnages.

Des habitants nous diront qu’ils ont essayé de les implanter pour protéger les enfants, sans succès. “La survie de la sablière est plus importante que la sécurité de leurs enfants”, ironisent certains. Par ailleurs, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’abri de pêche presque achevé appartient à la commune de Oued Z’hor et n’est séparé de la plage que par un petit rocher. Les habitants de Oued Z’hor, qui appartiennent à la tribu des Ouled Attia, relevant de la wilaya de Skikda, et leurs voisins les Ouled Djaballah de la tribu des Béni Ferguène, relevant de la wilaya de Jijel, avaient déjà un passé instable en raison des rivalités. L’indépendance a permis à ces deux tribus de sceller des alliances conjugales et ainsi vivre pacifiquement, s’adonnant principalement au travail de la terre et surtout la culture de la pastèque. D’ailleurs, la pastèque, connue sous le label de Oued Z’hor, a une renommée nationale. Mais encore une fois, le découpage administratif a alimenté derechef l’animosité qui régnait entre les deux tribus. La compréhension des uns et des autres et surtout les alliances par le mariage ont scellé des unions sacrées qui font face à toute tentative de déstabilisation de cette région. D’ailleurs, cette animosité, on l’a bien constatée lors de notre passage au niveau de la plage vendredi dernier. Une bagarre entre deux hommes, l’un originaire  de Oued Z’hor et l’autre des Ouled Djaballah a éclaté, mais fort heureusement, la sagesse des habitants des deux tribus a prévalu, ce qui a permis d’éviter le pire. Mais la panique et la peur avaient déjà envahi la plage très fréquentée par les estivants, notamment les Constantinois, mais qui est, rappelons-le, interdite à la baignade depuis l’avènement du terrorisme dans cette région montagneuse.

Oued Zhor est qualifiée de havre de paix. ©D. R.

Après la plage et la sablière… le port !

Au-delà des décisions administratives insidieuses, les habitants de cette région font la part des choses, du moins concernant l’exploitation de la plage. On y trouve des concessions, bien sûr, informelles, gérées par des plagistes originaires de Oued Z’hor et des Ouled Djaballah. On s’entraide même mutuellement en dirigeant les estivants à la recherche d’une tente, d’un parasol ou d’un coin pour planter le parasol.

Mais les riverains regrettent beaucoup les années fastes de la plage de Oued Z’hor qui était agréablement animée surtout par les colonies de vacances qui apportaient de la joie et de la gaieté dans cette région perdue dans les montagnes. Un plagiste des Ouled Djaballah  s’est montré très remonté contre les autorités locales. Il nous dira que cette plage devait rouvrir cette saison, puisque des garanties ont été données par le maire d’El-Milia qui s’est déplacé sur les lieux. Des travaux de réhabilitation des postes de la Protection civile ont été effectués alors que celui de la gendarmerie a été abandonné après avoir réalisé la plateforme. Dès lors, cette plage est envahie par les immondices, toutes sortes de déchets que les estivants laissent après leur départ et seules les parcelles au bord de la mer gérées par les plagistes sont nettoyées. De l’autre côté du rocher séparant la rive est de la rive ouest se trouve le nouveau port de pêche de Oued Z’hor en construction par la firme croate Pomgrad sous l’étroite surveillance des agents de vigilance armés d’une entreprise privée. Ils sont tous originaires de la commune de Oued Z’hor et exercent dans des conditions très difficiles.

À signaler aussi que si la plage relève administrativement de la commune d’El-Milia, les espaces utilisés comme parkings relèvent de la commune de Oued Z’hor. Ces deux communes sont aussi séparées par l’oued dit oued Z’hor qui a une réputation mondiale pour être le seul en Afrique où la truite introduite d’Europe par les Français a pu survivre. Les habitants nous diront aussi que même le port est courtisé par les autorités de Jijel et sa gestion va certainement soulever d’autres luttes.