Nairobi – Le président kenyan Uhuru Kenyatta, inculpé de crimes contre l’Humanité par la Cour pénale internationale et snobé par les pays occidentaux, a mis le cap vers l’est et obtenu de la Chine cinq milliards de dollars pour construire d’importantes infrastructures.
«L’importance de la Chine pour l’Afrique ne doit pas être sous-évaluée, la Chine est notre plus gros partenaire pour le développement», a tweeté Kenyatta lundi, au premier jour de son voyage à Pékin, sa première visite d’Etat depuis son élection en mars.
Les accords portent sur des projets dans le domaine de l’énergie et sur la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire traversant le Kenya d’est en ouest, de la côte de l’Océan Indien à la frontière ougandaise.
La Chine est depuis longtemps un partenaire de premier plan pour beaucoup de pays africains, dont le Kenya. Selon l’agence de presse Chine Nouvelle, Pékin est le deuxième partenaire commercial du Kenya, avec des échanges se montant à près de 3 milliards de dollars par an.
Avant l’élection présidentielle, Washington avait averti les Kényans que «les choix ont des conséquences», une mise en garde contre le vote en faveur de Kenyatta, poursuivi par la justice internationale.
La Cour pénale internationale (CPI) doit ouvrir le 12 novembre le procès de Kenyatta pour son rôle présumé dans l’organisation des graves violences qui avaient suivi le précédent scrutin présidentiel fin 2007.
Kenyatta, fils du premier président du pays indépendant Jomo Kenyatta, ainsi que le vice-président William Ruto vont faire face à un long procès devant la CPI pour leurs rôles présumés dans les violences de 2007 qui se sont soldées par plus de 1.000 morts et 600.000 déplacés.
Effet boomerang
Le président Obama, dont le père est kényan et qui a effectué en juillet une visite en Afrique, avait délibérément ignoré le Kenya au profit de la Tanzanie voisine.
L’accueil en grande pompe offert à Kenyatta en Chine a aussi vivement contrasté avec celui qui lui avait été réservé en mai à Londres, où il participait à une conférence sur la Somalie.
A Pékin, place Tiananmen, un régiment de la garde a été déployé en son honneur et une salve de 21 coups de canon a été tirée. Puis le président kényan a visité la Grande Muraille avec sa femme et son homologue chinois Xi Jinping, postant des photos de la scène sur Twitter.
En Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale et principal partenaire commercial, Kenyatta avait reçu un accueil poli mais n’avait jamais eu l’occasion de poser pour des photos de presse avec le Premier ministre David Cameron.
La Grande-Bretagne a annoncé, comme d’autres pays européens, qu’elle limiterait les contacts au minimum avec Kenyatta.
Pour l’analyste kényan Aly-Khan Satchu, les Occidentaux pourraient subir l’effet boomerang de leur défiance.
«Je crois que les nations occidentales se rendent compte que leurs choix ont des conséquences sur les relations que le Kenya cherche à avoir, la Chine étant le dernier exemple», a-t-il déclaré à la BBC.
Kenyatta, qui s’est rendu en Russie avant la Chine, et qui passera par Dubaï avant de rentrer à Nairobi, s’est engagé à renforcer «le partenariat économique et politique» avec Pékin.
Contrairement aux pays occidentaux, la Chine s’en tient à sa politique de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains et s’abstient de sermons sur les droits de l’homme et la corruption, ce que les dirigeants africains apprécient.
«Les visites en Russie et en Chine sont importantes pour le Kenya dans le contexte de notre politique de +regarder vers l’est+», avait expliqué au départ de Nairobi le porte-parole de la présidence Manoah Esipisu.
Cette stratégie signifie «se concentrer sur l’ouverture de nouveaux marchés ou approfondir les relations existantes dans la zone de l’Océan Indien, avec d’autres pays comme l’Australie et Singapour, et les pouvoirs émergents des BRICS» (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), a poursuivi Esipisu.
En Russie, Kenyatta a incité les hommes d’affaires de la chambre de commerce et d’industrie de Moscou à «profiter de (la) position stratégique (du Kenya) de porte d’entrée dans la Communauté d’Afrique de l’Est».
Un différend entre le Kenya et la Chine pourrait toutefois émerger : le commerce de l’ivoire. Parmi les accords signés entre les deux pays, l’un porte sur la «protection de la faune» et l’épouse de Kenyatta, Margaret, est le fer de lance d’une campagne contre le braconnage pour sauver les éléphants et les rhinocéros.
La demande d’ivoire et de cornes de rhinocéros provient principalement de Chine, selon les défenseurs de l’environnement, et beaucoup accusent les autorités chinoises de ne pas lutter suffisamment pour faire cesser leur commerce illégal.