Les vertus du dialogue sont vantées autant par la classe politique que par les tenants du pouvoir sans que ce dernier arrive à réellement s’installer. Plus de quatre mois depuis le début du processus révolutionnaire, pas d’avancées notables. Les propositions et initiatives fleurissent, cependant. Le point sur les plus importantes d’entre elles.
Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Toujours pas de consensus autour de la voie à emprunter pour sortir de la crise politique dans laquelle est plongé le pays. Les rênes étant entre les mains du chef de l’état-major, c’est ce dernier qui, au cours de ses nombreuses sorties, fait des propositions.
Ce que veut l’armée
Gaïd Salah ne fait pas de mystère autour de sa vision. Une seule voie : celle du respect de l’ordre constitutionnel avec l’organisation, au plus vite, d’élection présidentielle.
Son opposition à toute période de transition ne souffre aucune ambiguïté. Pas plus tard que lors de sa dernière sortie, le premier responsable de l’institution militaire affirmait « que tout le monde sache que l’Armée nationale populaire restera vigilante, et même extrêmement vigilante. Elle ne déviera jamais de sa ligne de conduite nationaliste et ne s’écartera pas de ses missions constitutionnelles nationales que requiert la situation actuelle du pays, jusqu’à l’élection du président de la République, dans les délais constitutionnels, loin de toute forme de transition ».
Des positions de principe que Gaïd Salah avait réitérées depuis Béchar, mettant en garde ceux qui seraient tentés de ne pas être d’accord avec lui en affirmant que «ceux qui prétendent par ignorance ou arrogance et entêtement, ou animés par des intentions aux objectifs ambigus, oui ambigus, que le pouvoir du peuple est au-dessus de la Constitution et au-dessus de tous, et c’est une vérité utilisée à tort car ils tentent sciemment d’outrepasser , voire geler, l’application des dispositions de la Constitution, réalisent-ils que cela signifie la suppression de toutes les institutions de l’Etat et s’engouffrer dans un tunnel obscur dénommé le vide constitutionnel ? ». La classe politique ne l’entend pas de cette oreille. La quasi-majorité des propositions de sortie de crise évoquent une période de transition très courte pour certains, un peu plus longue pour d’autres.
Les propositions de la classe politique
Pointée du doigt pour une supposée inertie, la classe politique multiplie les propositions. Dernière en date, celle de plusieurs partis de l’opposition qui ont réussi à transcender leurs divergences pour s’entendre sur les contours d’un pacte politique.
C’est ainsi que le RCD, le FFS, le PT, le PST, le MDS, le PLD, l’UCP, la Laddh mais également plusieurs associations, syndicats et personnalités politiques ont apposé leurs signatures au bas du pacte pour « une véritable transition démocratique ». Que proposent-ils ? Une période de transition « qui réunit les moyens politiques pour l’expression d’une véritable souveraineté du peuple et l’édification d’un Etat de droit démocratique basé sur l’indépendance de la justice, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, la non-utilisation de la religion, du patrimoine et des symboles de la Nation à des fins politiques, l’égalité en droits entre les hommes et les femmes, la non-utilisation de la violence pour la conquête et l’exercice du pouvoir, le droit d’association et le droit d’organisation syndicale soumis au seul régime déclaratif et le droit de réunion, d’organisation et de manifestation ». Les forces de l’alternative démocratique projettent d’organiser, le 6 juillet prochain, une conférence nationale de dialogue.
Désigné pour coordonner les préparatifs, Abdelaziz Rahabi explique travailler « sur une approche portée par un objectif de convergence qui, à mon sens, est arrivée à maturation. Le temps historique pour un compromis solide est arrivé. Un compromis solide est possible ». Il s’agit, dit-il, de trouver « de façon consensuelle une voie pour le dialogue et revenir au processus électoral avec des garanties négociées et des outils dans lesquels l’Etat ou ses démembrements n’auront qu’un simple rôle de facilitateur ou d’accompagnateur.
C’est à ces conditions que nous instaurerons une démocratie pleine et entière » et d’ajouter que « cette dynamique est en train de se faire entre les initiatives des forces du changement, celle de la société civile du 15 juin et celle de l’appel des forces pour une alternative démocratique ». Il s’agit, à ce stade, de convaincre les partis réunis sous la bannière des forces du changement d’être partie prenante de la réunion du 6 juillet.
Formé, entre autres, de du Front de la justice et du développement (FJD), Talaie El-Houriat, le mouvement El-Binaa, Al-Fajr al-Jadid, parti de la Liberté et de la justice (PLJ), ce front avait déjà fait la proposition d’organiser une « rencontre nationale » afin de trouver une solution à la crise politique que traverse le pays. La rencontre serait ouverte à « tous les acteurs de la société » avec pour but de «rechercher une solution qui puisse répondre aux revendications pacifiques du peuple ». Ses membres étaient jusque-là ouverts à toute proposition pouvant œuvrer à une sortie de crise.
Ce que la société civile propose
Sur le terrain de la contestation depuis le début du mouvement populaire, les syndicats autonomes ont multiplié les rencontres avant d’aboutir à organiser la rencontre de la société civile qui a regroupé plus de 500 participants représentant de larges pans de la société civile.
Le document final, fruit d’un consensus durement arraché, a fini par être adopté. Il plaide pour la mise en place d’une période de transition, d’une durée de six mois à une année gérée par une personnalité nationale ou une instance présidentielle composée de personnalités nationales qui seraient acceptées par le mouvement populaire.
Les présents à ladite réunion proposent également l’installation d’un gouvernement de compétences nationales qui sera chargé de gérer les affaires courantes.
Il est également prévu l’installation de l’instance indépendante pour l’organisation des élections, qui se chargera également de l’annonce des résultats et de la mise en place des mécanismes de surveillance. L’idée d’une conférence nationale est là aussi évoquée puisque, dans le document final adopté par l’assistance, il est question d’aller vers une conférence nationale qui devra aboutir à un accord sur une sortie de crise. Le texte insiste également sur la nécessité d’«accélérer la transition démocratique, conformément à un processus électoral qui concrétise la rupture avec le système de la corruption et de la tyrannie, et qui garantisse l’édification d’institutions légitimes et crédibles». Pour y arriver, les acteurs de la société civile posent certains préalables comme le respect des droits et des libertés individuelles et collectives et la mise en place de mesures d’accompagnement de l’action politique afin de gagner la confiance du citoyen et garantir sa participation effective dans ce « processus national historique ».
Toutes ces initiatives s’accordent à mettre l’accent sur la nécessité d’une jonction entre société civile et partis politiques. C’est le pari que devra certainement relever la réunion prévue en début de semaine prochaine, au lendemain de la symbolique date du 5 Juillet et d’un vendredi de mobilisation qui s’annonce exceptionnel.
N. I.