Loin des yeux, loin du Darfour, une spirale de violence menace d’emporter le Soudan sud et de rallumer la guerre civile soudanaise péniblement stoppée en 2005.
Plusieurs jours ont été nécessaires pour que circulent des informations fiables sur le massacre survenu dans le Jonglei (l’un des dix Etats de la région semi-autonome du Sud), le dernier d’une longue liste commencée en début d’année.
Lundi 31 août, ces détails concernaient une attaque survenue dans la région isolée de Twic, où des hommes en arme du groupe ethnique des Dinka Bor ont attaqué, vendredi, un village habité par un groupe rival de Lou Nuer.
Il s’agissait de voler du bétail, en utilisant la force sans restriction.
L’offensive a fait 46 morts. Les attaquants, d’après des témoignages recueillis par les Nations unies, étaient équipés d’uniformes et d’armement neufs.
En février, un cycle de raids sanglants et de vendettas avait commencé de la même façon, près de la frontière éthiopienne.
En un mois, plus de 700 personnes y avaient été tuées. Etaient aux prises dans ce cas des groupes rivaux, les Murle et les Lou Nuer.
Ce n’était pas l’appartenance ethnique qui motivait l’escalade de la violence mais des conflits ayant trait au bétail, à l’eau et aux droits de pâturage.
Au-delà, le soupçon que ces violences puissent être instrumentalisées avait alors germé, tandis que s’allumaient d’autres feux, dans d’autres zones du Sud, comme à Malakal.
« Certains de ces combats ethniques sont courants, mais ils n’ont jamais été aussi meurtriers et menés avec des armes modernes », soulignait Salva Kiir, le président du gouvernement semi-autonome du Soudan sud.
« Les femmes et les enfants, qui ont toujours été épargnés lors de combats tribaux, sont maintenant tués », ajoutait-il avec consternation.
D’autres dirigeants du Sud ont évoqué, plus directement, la possibilité que certains chefs de guerre sudistes, dont certains avaient combattu au côté du Nord, pendant la seconde guerre civile (1983-2005), tentent de plonger le Sud dans le chaos pour retarder, ou éviter, la tenue en 2011 d’un référendum qui offrira aux sudistes l’occasion de se détacher de Khartoum, et de conserver pour eux les ressources pétrolières de la région.
L’accusation n’a pas été assortie de preuves. Au sein du pouvoir, à Khartoum, on nie farouchement. Et les attaques continuent.
Dans le Jonglei encore, une attaque à Akobo, le 4 août, a fait 185 morts, dont 12 soldats de l’armée sudiste.
La plupart des victimes étaient des femmes et des enfants. Depuis le début de l’année, les Nations unies ont estimé que ces violences ont fait 2 000 morts et provoqué le déplacement de 250 000 personnes, tandis que le cycle des représailles échappe à tout contrôle.
Un chiffre corroboré par le major général Gier Chuang Aluong, le ministre de l’intérieur du gouvernement du Soudan sud, qui a dressé, fin août, le bilan des violences : 1 863 personnes tuées, 341 blessés, et, détail passé inaperçu jusqu’ici, 604 enfants enlevés.
La seconde guerre civile entre le Sud et le Nord avait duré vingt-deux ans et avait fait environ 2 millions de victimes avant de se terminer, en janvier 2005, par la signature d’un accord de paix complet (CPA).
Dans la dernière période des négociations avait éclaté un autre conflit au Darfour (ouest du Soudan), qui allait bientôt éclipser les enjeux cruciaux des relations entre Nord et Sud.
Depuis, le Sud est administré par son propre gouvernement et a construit sa propre armée sur les bases de l’ancienne rébellion, tandis que Khartoum semble aussi se préparer à l’éventualité d’une reprise de la guerre.
L’accord de paix prévoit la tenue d’élections générales, qui devraient avoir lieu en avril 2010, puis d’un référendum d’autodétermination, début 2011, qui offrira aux habitants du Sud de continuer à être rattaché à la partie nord du pays, ou à faire sécession.
Dans l’immédiat, l’envolée des violences souligne la difficulté des autorités sud-soudanaises à imposer leur autorité.
L’organisation Human Rights Watch a établi qu’Akobo ne comptait que 90 policiers pour une région aussi étendue que la Suisse et l’Autriche réunies.