L’Algérie a toujours été un fervent défenseur de la cause palestinienne et son engagement envers cette question n’a jamais faibli. Alors que l’escalade de l’offensive israélienne contre Gaza a ravivé les tensions au Moyen-Orient, l’Algérie n’a ménagé aucun effort pour soutenir la Palestine. Le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies (ONU), l’ambassadeur Amar Bendjama, a récemment lancé un appel vibrant à la communauté internationale, exhortant à une action immédiate pour mettre fin à l’agression génocidaire perpétrée par Israël contre le peuple palestinien et pour permettre l’acheminement urgent d’une aide alimentaire dans la bande de Gaza, au bord de la famine.
D’ailleurs, dans un geste fort de solidarité, l’Algérie a introduit et mis en bleu son projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, recommandant à l’Assemblée générale l’admission de l’État de Palestine comme membre de l’Organisation des Nations Unies. Cependant, les espoirs d’une adhésion pleine et entière des Palestiniens à l’ONU ont été anéantis lorsque les États-Unis ont opposé leur veto au Conseil de sécurité.
Dans cette interview, nous avons rencontré Adel Mahsas, diplômé de l’École Nationale d’Administration (ENA) et Docteur en sciences politiques et relations internationales, pour discuter du rôle de l’Algérie dans la cause palestinienne. Nous avons examiné l’histoire de l’engagement de l’Algérie envers la Palestine, les efforts diplomatiques déployés par l’Algérie pour soutenir la cause palestinienne et l’impact de la position de l’Algérie sur la scène internationale.
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Solidarité historique, l’engagement inébranlable de l’Algérie envers la cause palestinienne !
Pour commencer, pouvez-vous nous décrire le rôle historique de l’Algérie dans le soutien à la cause palestinienne ? Et quels sont les intérêts stratégiques et politiques qui motivent l’Algérie à soutenir activement la cause palestinienne ?
Dans un premier temps, il est crucial de souligner que le soutien de l’Algérie à la cause palestinienne est une question de principe, loin de tout intérêt. Une rétrospective du soutien historique de l’Algérie à cette cause révèle qu’il a débuté bien avant l’indépendance de notre pays. Après la Nakba de 1948, marquée par les atrocités infligées au peuple palestinien, incluant les massacres, les expulsions et les déplacements, et face à l’incapacité des pays voisins à contrer les forces sionistes, l’Algérie se préparait à une révolution d’envergure contre le colonialisme français, après 132 années de souffrance et de résistance.
Lorsque la révolution du 1ᵉʳ novembre 1954 a éclaté, elle a fait basculer le rapport de force et a démontré la capacité des peuples opprimés à s’élever contre les forces de l’oppression et de l’impérialisme. Cette révolution a ravivé l’espoir chez les palestiniens, insufflant un nouvel élan de résistance. Elle est devenue un symbole de lutte révolutionnaire pour la liberté.
Par la suite, la résistance palestinienne a initié « la Révolution d’Al-Assifa (la Tempête) » en 1965, contre les forces sionistes, bénéficiant d’un soutien inconditionnel de l’Algérie nouvellement indépendante. L’Algérie a également participé aux guerres de 1967 et 1973, avec l’Armée Nationale Populaire algérienne (ANP), illustrant des actes héroïques et des sacrifices en solidarité avec la Palestine.
De plus, l’Algérie a supervisé l’étape charnière de la cause palestinienne avec la proclamation de l’État palestinien indépendant en 1988, sur la base du droit naturel, historique et légal du peuple palestinien à sa patrie et des sacrifices de ses générations successives pour obtenir sa liberté et fonder son État, comme tous les autres peuples du monde.
En outre, l’Algérie a apporté un soutien sans réserve à l’adhésion de la Palestine à diverses organisations et instances internationales, telles que l’UNESCO en 2011. Enfin, il convient de souligner que la position de l’Algérie demeure ferme et claire, rejetant toute normalisation et refusant de reconnaître l’entité sioniste criminelle comme légitime, selon les normes juridiques, humanitaires et éthiques.
Gaza sous les feux de l’agression sioniste, face au silence de la communauté internationale !
Quelle est votre vision de ce qui se passe actuellement à Gaza ?
Tout d’abord, il est primordial de nommer les choses telles qu’elles sont ! Ce qui se passe actuellement à Gaza ne peut être qualifié de guerre, contrairement à ce que certains médias partisans avancent. Il s’agit plutôt d’une agression barbare perpétrée contre un peuple désarmé. En effet, une guerre implique deux armées régulières, ce qui rend toute comparaison absurde entre une armée régulière soutenue par les plus grandes puissances mondiales et un peuple sans défense qui lutte pour préserver sa terre et aspirer à une vie paisible, à l’instar des autres nations.
Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza est une série de massacres barbares perpétrés contre des civils innocents. Les cibles incluent les écoles, les mosquées, les églises et les hôpitaux, avec l’utilisation d’armes prohibées par le droit international, dans une ville déjà surpeuplée. Ces actes criminels ont même touché les convois humanitaires et les médias internationaux, avec la complicité de grandes puissances envers l’entité sioniste.
Ainsi, les actions actuelles de l’armée israélienne d’occupation à l’encontre des palestiniens représentent une violation flagrante des lois et des conventions internationales. Ces actes s’élèvent au rang de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, en vertu de l’article 147 de la 4ᵉ Convention de Genève de 1949, qui protège les droits humains fondamentaux en temps de conflit, ainsi que de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté en 1998 et entré en vigueur en 2002. Cette situation est d’autant plus alarmante face à l’inaction coupable de la communauté internationale.
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Comment interprétez-vous la position de la communauté internationale concernant les massacres perpétrés en Palestine et leurs répercussions régionales ?
Après plus de six mois d’agression, l’Histoire retiendra l’incapacité de la communauté internationale à assumer ses responsabilités. Lorsque les grandes instances onusiennes sont entravées par des puissances coloniales et néocoloniales, on ne peut s’attendre à l’instauration de la paix, car celui qui ne possède une chose ne peut la donner.
Néanmoins, les crimes documentés et largement médiatisés de l’entité sioniste ont mis ses partisans, à leur tête les États-Unis, dans une position embarrassante, ternissant leur réputation qu’ils ont longtemps cherché à promouvoir en tant que gardiens de la paix mondiale. Les actes criminels et les massacres de l’entité sioniste se multiplient, tandis que son champ d’agression s’étend aux provocations et aux attaques contre des pays de la région tels que la Syrie et le Liban.
La récente attaque, le 1ᵉʳ avril 2024, contre l’ambassade iranienne en Syrie constitue une violation flagrante du droit international, notamment la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, qui établit les règles de l’activité diplomatique. En particulier les articles 22, 24 et 30 affirmant l’inviolabilité des missions diplomatiques et de leurs locaux. Ainsi, la politique agressive israélienne ouvre la voie à une nouvelle phase d’instabilité régionale, l’entité sioniste représentant la plus grande menace pour la sécurité et les intérêts internationaux au Moyen-Orient.
D’un autre côté, on peut dire que face à la couverture médiatique des massacres israéliens à Gaza, l’attaque contre l’ambassade iranienne en Syrie visait à atténuer la pression populaire mondiale et à détourner l’attention de la communauté internationale des crimes et des violations israéliens à Gaza. Cette action vise également à entraîner les alliés de l’entité sioniste dans une confrontation directe avec l’Iran.
Ainsi, compte tenu de la situation actuelle et des violations flagrantes de tous les traités et conventions internationales, la communauté internationale dans son ensemble est dans l’obligation de prendre des positions fermes et plus claires par rapport à ce qui se passe à Gaz, et ce, pour préserver ce qui reste de sa crédibilité ébranlée.
Performance de l’Algérie au Conseil de sécurité : Engagement sans faille pour la paix et la justice !
Comment voyez-vous la performance de l’Algérie au Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) ?
La performance de l’Algérie au Conseil de sécurité est caractérisée par un engagement sans faille en faveur des peuples arabes et africains opprimés, ainsi que par la défense des intérêts stratégiques communs. Depuis son élection en tant que membre non permanent du Conseil de Sécurité, l’Algérie a travaillé ardemment pour faire entendre ces voix et défendre des positions conformes aux chartes et lois internationales.
Sous la direction du Président Abdelmadjid Tebboune, l’Algérie a maintenu son image d’État attaché à ses principes et défenseur constant des causes justes. S’appuyant sur son héritage historique de lutte contre le colonialisme et de promotion du droit des peuples à l’autodétermination, l’Algérie s’est imposée ainsi comme une force positive pour la paix dans le monde.
Comment évaluez-vous l’impact de la position de l’Algérie quant à l’agression israélienne contre Gaza, notamment au Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) ?
L’évaluation de l’impact de la position de l’Algérie sur l’agression israélienne contre Gaza, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, révèle un engagement constant en faveur du peuple palestinien. Sous la direction du Président Abdelmadjid Tebboune, les plus hautes autorités du pays réaffirment sans relâche leur solidarité totale avec la cause palestinienne, tout en appelant régulièrement la communauté internationale à intervenir pour mettre fin à la colonisation israélienne et aux agressions contre les palestiniens.
L’Algérie, en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a pu jouer un rôle plus influent et puissant face à ce qui se passe en Palestine occupée. Elle a présenté des projets appelant à l’arrêt immédiat de l’agression et à l’adhésion pleine et entière de la Palestine aux Nations Unies. Bien que le soutien de la majorité des membres du Conseil ait été obtenu, les États-Unis ont exercé leur droit de veto, bloquant ainsi la pleine adhésion de la Palestine à l’ONU, ce qui aurait eu un impact inévitable sur les plans israéliens.
Malgré cela, je dirais que la voix puissante de l’Algérie au Conseil de sécurité a réussi à ôter le masque de victime à l’entité sioniste. La diplomatie algérienne a pu déjouer les tentatives de l’entité sioniste de se présenter comme une victime de ce qu’elle appelle les agressions terroristes du mouvement de résistance Hamas, qu’elle utilisait pour justifier ses pratiques barbares et sanglantes contre le peuple palestinien désarmé, comme de la légitime défense pour gagner la sympathie internationale.
Parallèlement, les efforts de l’Algérie se sont poursuivis en dehors du Conseil de sécurité en accueillant le colloque international intitulé « Justice pour le peuple palestinien », qui a appelé à poursuivre l’entité sioniste devant la Cour pénale internationale, soutenant les efforts de l’Afrique du Sud dans ce cadre. Il faut ici souligner la symbolique historique de l’Algérie comme phare des révolutionnaires et modèle mondial de lutte contre le colonialisme, et de l’Afrique du Sud comme symbole de la lutte contre le racisme et le génocide. Leurs positions de rejet des massacres sionistes ont influencé l’opinion publique mondiale et embarrassé les instances internationales, les poussant à assumer leurs responsabilités.
L’Algérie poursuit son plaidoyer pour l’adhésion de la Palestine aux Nations Unies !
Dans une allocution prononcée après le veto américain, l’ambassadeur Bendjama a appelé « ceux qui n’ont pas pu soutenir l’admission de l’État de Palestine aujourd’hui à le faire la prochaine fois », estimant que « le soutien écrasant à l’admission de l’État de Palestine envoie un message, on ne peut plus clair : l’État de Palestine a une place légitime parmi les membres des Nations Unies ». L’Algérie ne baissera pas les bras, comme l’avait déclaré le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, jusqu’à ce que l’État de la Palestine devienne membre à part entière des Nations Unies. Selon vous, quel est le scénario possible de l’évolution de la situation dans un avenir proche ?
Il est prématuré de trancher sur l’avenir du processus de paix et de l’adhésion pleine et entière de la Palestine aux Nations Unies, mais tous les indicateurs laissent entendre que ce n’est qu’une question de temps. L’agression israélienne contre la bande de Gaza a ravivé plusieurs interrogations sur l’avenir du processus de paix et de la solution à deux États. La proposition de l’Algérie concernant l’adhésion pleine de l’État de Palestine aux Nations Unies, soumise au Conseil de Sécurité, était sage et est arrivée au bon moment, n’eût été l’utilisation du veto américain.
Le discours américain est double. D’une part, les États-Unis prônent officiellement le soutien à la création d’un État palestinien jouissant de tous les droits, y compris l’adhésion pleine aux Nations Unies, et d’autre part, les États-Unis expriment leurs craintes et adoptent des positions contraires à cela, sous prétexte de l’absence de garanties de sécurité pour l’entité sioniste. Ils demandent plus de temps pour étudier les options disponibles avec leurs partenaires dans la région, affirmant que c’est la meilleure option pour parvenir à une paix globale dans la région.
De plus, l’opposition intérieure sioniste radicale, le gouvernement extrémiste de l’entité sioniste et le puissant lobby sioniste influençant la prise de décision américaine constituent le plus grand obstacle à l’acceptation de l’adhésion pleine de la Palestine aux Nations Unies, pour plusieurs raisons, la principale étant que la reconnaissance internationale de l’adhésion de la Palestine aux Nations Unies signifierait son passage au statut d’État sous occupation et non plus de territoires occupés. La Palestine aurait également le droit d’adhérer aux institutions internationales, y compris la Cour pénale internationale, et pourrait donc poursuivre et juger l’entité sioniste pour ses crimes. Cela mettrait aussi fin au projet du « Grand Israël » fondé sur le déplacement, l’expansion et la construction de colonies dans les territoires palestiniens occupés.
Toutefois, la nature de cette période, la pression de l’opinion publique internationale et le grand embarras causé aux États-Unis par l’entité sioniste face à la communauté internationale, conjugués à l’insistance de l’Algérie à poursuivre le dossier et à sa présence au Conseil de Sécurité, auront un impact direct et positif sur le processus d’achèvement de l’adhésion pleine de l’État de Palestine aux Nations Unies à l’avenir, et donc sur la relance du processus de paix.