En janvier dernier, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a inauguré le nouveau stade de Baraki qui porte le nom du défunt leader sud-africain, Nelson Mandela. Équipé d’un système de gestion électrique à la pointe de la technologie, signé Schneider Electric, le nouveau stade de Baraki est une prouesse unique en termes de solutions technologiques et digitales.
Dans cet entretien exclusif, Walid Sheta, Président pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord de Schneider Electric, Laurent Roussel, Président du Pôle Afrique francophone et Îles chez Schneider Electric, et Anouar Chara, Directeur Général de Schneider Electric en Algérie et en Tunisie, ont abordé le projet du stade de Nelson Mandela de Baraki et ses avancées technologiques, en évoquant les perspectives de Schneider Electric en Algérie, ainsi que les défis auxquels le Groupe est confronté.
Schneider Electric est l’un des premiers groupes à avoir investi lourdement en Algérie. Au cours de cette visite, qu’avez-vous constaté par rapport aux changements et aux opportunités ? Que pouvez-vous nous dire concernant les échanges que vous avez eux avec les dirigeants algériens ?
En effet, depuis notre dernière visite en 2013, il y a eu beaucoup de changements ; cela fait déjà dix ans ! Nous sommes là pour constater les changements et voir les opportunités d’investissement et de développement de nos affaires. Depuis notre arrivée, nous avons rencontré beaucoup de dirigeants d’entreprises, de partenaires, mais pas seulement, nous avons également rencontré les dirigeants de grandes sociétés et institutions algériennes.
Ce que l’on peut constater, c’est le dynamisme très soutenu de la part des dirigeants et une volonté d’aller plus vite, d’accélérer, dans beaucoup de transformations digitales. Il faut savoir que Schneider Electric a pris le virage digital dans les années 2007-2008, avec l’acquisition de nombreuses entreprises spécialisées dans les logiciels et les progiciels industriels.
Schneider Electric est surtout connu dans le monde de la distribution électrique et les automatismes industriels. Vous connaissez l’histoire de Schneider Electric, mais ce que peu de gens savent, c’est que nous avons fait l’acquisition de 70 entreprises, toutes spécialisées dans les progiciels industriels et tertiaires qui aident les clients à digitaliser leurs installations, pour obtenir plus d’efficacité énergétique.
Dans un hôtel, par exemple, nous avons des progiciels qui aident à réduire la consommation énergétique, tout en garantissant le confort et la sécurité des utilisateurs. Cela s’applique également aux industries et aux raffineries, mais aussi à toute industrie de process discontinue ou continue. C’est dans ce cadre-là que Schneider Electric a fait toutes ces acquisitions et c’est cette partie un peu moins connue de nos activités, qui représente notre avenir ; C’est la partie dans laquelle nous souhaitons nous développer aussi en Algérie.
C’est la raison de notre venue, pour poursuivre l’aventure avec nos plus de 70 partenaires conventionnés avec lesquels nous travaillons et notre réseau de 200 collaborateurs. D’ailleurs, c’est ce qui fait la force et la fierté de Schneider Electric en Algérie : notre réseau de partenaires, dont les plus jeunes on tout juste 20 ans.
Rien que l’année dernière, nous avons eu beaucoup de références sur le volet de la digitalisation, principalement au niveau des stades, des hôpitaux et des stations de dessalement. Certains pensent, à tort, que l’Algérie n’est pas spécialement sensible à ce sujet ; ce n’est pas le cas ! Si nous prenons l’exemple de la zone MEA qui couvre les 64 pays, l’Algérie ne représente pas loin de la moitié des solutions digitales conçues et réalisées par nos soins. Le digital permet de maîtriser sa consommation d’énergie et donc réduire les émissions de CO2. Depuis 20 ans déjà les sociétés algériennes s’engagent sur le digital et nous sommes là pour les accompagner.
Vous venez de citer quelques exemples de projets, pouvons-nous rebondir sur celui du Stade Nelson Mandela de Baraki, qui est équipé d’un système de gestion électrique à la pointe de la technologie. Quelle est la particularité de ce projet ? À quelle échelle peut-il être comparé à d’autres projets réalisés par Schneider Electric à travers le monde ?
Le nouveau stade de Baraki est pour le groupe Schneider Electric une référence unique dans la zone Moyen-Orient et Afrique par rapport aux solutions digitales installées. C’est une prouesse technologique ! On a installé toutes nos solutions digitales en dernière innovation au niveau de ce stade. C’est ce qui nous a permis aussi de garantir le succès de l’événement.
Pour vulgariser très simplement, il faut savoir que c’est un système qui permet le basculement des sources d’énergie en millième de seconde. En effet, on peut facilement basculer du réseau Sonelgaz vers les groupes électrogènes en millième de seconde sans que personne ne s’en rende compte, et ce, sans parler de l’efficacité énergétique. De plus, il convient de noter que le stade Nelson Mandela compte près de 300 tableaux de basse tension, qui sont tous connectés et communicants.
Concernant les économies réalisées en termes de consommation d’énergie, il est pour l’heure difficile d’avancer des chiffres, car c’est un projet neuf. Pour se faire une idée plus précise de l’ampleur des économies qu’on peut réaliser, prenons l’exemple de la consommation moyenne d’un bâtiment en Europe, qui s’élève à 330 kWh par mètre carré et par an. Sans toucher au bâti, avec de la mesure, des technologies et des logiciels de captage de données, on est capable de passer de 330 à 180 kWh. Aujourd’hui, sur un projet neuf, on peut aller jusqu’à 37 kWh comme c’est le cas avec le bâtiment de Schneider Electric à Grenoble. En mixant énergies renouvelables, gestion des flux des personnes dans le bâtiment, de la climatisation, de l’éclairage, de l’énergie on réalise des économies considérables.
Justement, quels sont les impacts environnementaux du système de gestion utilisé dans le Stade de Baraki ?
Il y a la maîtrise totale de la consommation en premier lieu. L’objectif quand on parle d’économie d’énergie est de réduire l’empreinte carbone de notre utilisation des installations, on pense donc souvent à la production, aux énergies renouvelables et à leurs sources … mais on pense peu à la consommation et à la demande. A travers les solutions que Schneider Electric offre, nous traitons la demande qui présente 70 % du gisement de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Seul 30% des réductions des émissions de CO2 sont issues du moyen de production et 70 % provienne de la manière dont on dépense cette énergie. Donc les véhicules électriques et les systèmes d’efficacité énergétique.
La valeur ajoutée de nos systèmes réside aussi dans la sécurisation de l’alimentation électrique. Pendant un match, la coupure n’est pas tolérable ! D’où l’importance des quelques millisecondes pour basculer d’une source à une autre qui permet de garantir le confort des spectateurs et leurs sécurité. Vous imaginez ce qui peut se passer s’il y a un blackout dans le stade pendant un match ?
Y a-t-il toujours une difficulté à concilier la croissance de la demande en termes énergétiques et la préservation des écosystèmes ?
Oui, c’est tout le dilemme que l’on doit résoudre. La mission première de Schneider Electric est de résoudre l’équation de la préservation de notre environnement en réduisant notre empreinte carbone, tout en garantissant la sûreté, la sécurité, la disponibilité et la durabilité de l’énergie propre que nous estimons être l’énergie électrique.
C’est ce que l’on définit comme étant l’électricité 4.0, qui est une énergie produite de manière renouvelable et utilisée de manière efficiente et responsable. Au lieu d’avoir de grandes centrales qui produisent de l’électricité, de grands réseaux de transport et de distribution, et avoir des personnes qui produisent et consomment individuellement, que ce soit dans une usine, dans un hôtel, ou même dans une résidence, on adopte une approche plus holistique et interconnectée.
Tout ce beau monde va injecter de l’électricité sur le réseau et en même temps consommer. Pour gérer cette complexité avec des sources d’énergies renouvelables différentes et des consommations variables, il faut des technologies de progiciels très avancées. C’est ce que l’on appelle l’électricité 4.0.
Quels sont les principaux défis auxquels Schneider Electric est confronté lorsqu’il s’agit d’optimiser la consommation électrique à grande échelle ?
D’un point de vue technique, on peut dire qu’il n’y plus vraiment d’obstacle, puisque la technologie fournit désormais la solution dans beaucoup de cas.
A titre d’exemple, on parlait de dessalement avec nos partenaires ; Il faut savoir qu’il y a encore 10 ans, dessaler un mètre cube d’eau coûtait 15 kWh d’énergie. Aujourd’hui, cette valeur est descendue à 5 kWh, on a divisé par 3 l’énergie nécessaire pour dessaler l’eau de mer. Le hardware, les progiciels et les variateurs de vitesse, sans entrer dans la technicité, vous permettent d’optimiser cette production d’énergie.
Il n’est plus question de quelques pourcentages, mais d’un changement radical dans le business model. On a divisé par 3 le coût énergétique de la production d’un mètre cube d’eau en dessalement. Avec les beaux projets qui arrivent en Algérie, il y a 10 ans, ils auraient coûté très cher en énergie, aujourd’hui tout le monde en parle, ça devient une réalité, ce n’est plus une barrière !
À cet effet, pouvez-vous nous en dire plus au sujet de ces nouveaux projets en Algérie ?
Le marché algérien présente un grand potentiel pour Schneider Electric. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles nous sommes présent en Algérie avec deux plateformes industrielles et une forte équipe projet. il y a une vraie volonté d’investir et un véritable engagement de la part des pouvoirs publics et du secteur privé.
En plus des projets qui relève du secteur publique, il y a pas mal de d’entités privés qui sont en train d’investir et mettre l’accent sur l’orientation environnementale. Il y a aussi le secteur bancaire qui s’y intéresse avec les financements « Green », en accordant des avantages particuliers aux investissements qui prennent en considération le volet de la durabilité. Donc oui, le marché algérien présente un gros potentiel pour Schneider Electric sur les années à venir, et ce, sur les différents segments d’activités.
Quand on parle de ces investissements, il y a un élément que l’on omet souvent, c’est que dans le monde du digital et des progiciels, l’investissement le plus précieux, c’est l’humain. Ce sont des milliers d’heures de formation d’ingénieurs hautement qualifiées.
Donc quand on parle de hardware et d’équipements électriques, certes, nous avons des investissements dont nous sommes très fiers dans des usines, mais les véritables investissements de demain sont les ingénieurs très qualifiés à forte valeur ajoutée, et c’est vers l’investissement dans la ressource humaine que l’on va s’orienter dans les années à venir, en Algérie, mais également en Afrique et dans le monde arabe en général. Puisque c’est là que la révolution digitale est en train de se passer et de s’accélérer, et c’est là que l’on a besoin de gens qui soient capables de développer ces logiciels.
Comment Schneider Electric a intégré la digitalisation et l’automatisation dans ses solutions de gestion de l’énergie pour contribuer au développement durable ?
Schneider Electric a été élu à trois reprises comme étant l’entreprise la plus durable au monde. Ce n’est pas parce que nous travaillons seulement sur nous, sur nos propres usines, c’est aussi parce que l’on fournit à nos clients cette solution d’efficacité énergétique.
La contribution à un développement durable, c’est notre métier. Notre métier, c’est de fournir à des industries aussi diverses que le dessalement de l’eau ou la production de biens de consommation générale, des solutions pour réduire la consommation d’énergie dont ils ont besoin. Ainsi, notre objectif c’est un développement durable de l’industrie, des bâtiments, des centres de données et des résidences qui consomment beaucoup d’énergie.
Pour les Smart Grids et les Off-Grid, est-ce qu’il est possible de développer ce genre de plateformes ?
Schneider Electric dispose de l’un des outils les plus avancés dans la gestion des Smart Grids et des Smart Cities, dans laquelle on utilise même l’intelligence artificielle et « le machine learning » pour détecter à l’avance les défauts ou les éventuelles ruptures de courant dans une ville, dans un pays ou dans un quartier. C’est quelque chose qui existe et qui est plus qu’applicable pour le cas de l’Algérie.
C’est un des sujets qui nous tient à cœur et qui est très important. Le Smart Grid est une réalité aujourd’hui qui existe dans plusieurs pays, en Afrique, et aussi dans les pays arabes. Le Sénégal vient de s’équiper de notre système de Smart Grid. Aujourd’hui, la Sénélec est très satisfaite de la supervision de leur réseau au niveau du pays. C’est une vraie réussite. On en a plein d’autres dans le monde. On a aussi eu des discussions à ce sujet en Algérie. C’est un développement naturel.
Comment Schneider Electric a assorti la sécurité des systèmes de gestion de l’énergie numérisée et automatisée contre les cyberattaques ?
La cybersécurité est un sujet majeur. C’est très important de pouvoir sécuriser l’ensemble des équipements. Imaginez que sur une Smart Grid, il y ait une intrusion ; ça pourrait arriver assez facilement et être catastrophique. Nous proposons donc à nos clients de les accompagner sur le volet de la cybersécurité.
Il y a toujours une couche, encore une fois, logicielle qui vient protéger l’ensemble des systèmes et des solutions que l’on propose à nos clients. On est agréé ANSSI, qui est la société d’agrément et de certification pour la cybersécurité. Aujourd’hui, ça fait partie des objectifs principaux de développement et d’accompagnement de nos clients.
Quelles sont les prochaines étapes pour Schneider Electric dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique concernant la gestion d’énergies durables et innovations technologiques ?
Après, il y a plein d’autres enjeux, comme celui de l’eau au Maghreb, et dont on a parlé cette semaine avec nos clients. L’accès à l’eau va devenir très compliqué. C’est un enjeu pour tous les pays du Maghreb. Donc là aussi, nous proposons des solutions d’accompagnement et des technologies fortes pour être beaucoup plus efficaces là-dessus.
Pour clore cette interview, quel est le bilan de votre visite en Algérie ?
Nous avons été ravi, d’une part par le dynamisme d’une génération de jeunes talents, très motivés et extrêmement compétents, qui peuvent nous aider à aller très vite et d’autre part, avec des clients et des partenaires qui ont été très positifs sur l’avenir … et ça fait plaisir à voir !
Dès notre arrivée à l’aéroport, nous ressentons l’enthousiasme qui s’est affirmé lors de nos rencontres avec la plupart de nos clients ou encore avec nos collègues dans l’usine. Nous sommes également extrêmement fiers de notre équipe en Algérie, avec sa motivation et son engagement extraordinaire. C’est une stimulation très forte.
Au-delà de ça, après avoir rencontré les clients, on se sent tout à fait en phase avec la stratégie de l’Algérie, notamment de par notre stratégie de localisation. Nous sommes une société algérienne, nous fabriquons en Algérie, et nous avons une Joint-Venture (JV) avec une société étatique algérienne. Donc, on est tout à fait en phase dans la localisation et l’accompagnement local de tous les projets de toutes ces grandes sociétés algériennes. Cela donne beaucoup d’envie et beaucoup d’optimisme pour l’avenir.