Afrique, la planète du foot
Qui pourra fermer l’oeil ou faire la sourde oreille devant un évènement pareil? Qui pourra se mettre à l’écart de la plus grande fête du monde? Par un amour passionné pour ce sport ou par un besoin d’assouvir sa curiosité, tous les regards seront rivés sur les aiguilles de cette prestigieuse manifestation.
Le football, n’est-il pas la «drogue» des peuples qui, par magie, fédère les âges, les sexes, les différences sociales ainsi que les appartenances religieuses et politiques? Il est la passerelle unificatrice d’un monde bâti sur des paradoxes et des frictions en vitalité permanente. Les querelles sédentaires et les haches de guerre laisseront place, l’espace d’un mois, à une fureur de vaincre son adversaire sur le rectangle vert en toute quiétude suivant l’art du jeu.
Joueurs, dirigeants, supporters ou férus de ce sport roi s’armeront d’une seule ambition : être le vainqueur, l’ultime élu du trophée doré. Mais la plus incontestable particularité de cette 19ème édition n’est guère le changement de mascotte, de ballon ou encore des teams qui disputeront le podium, mais indubitablement le lieu de joute abritant cette compétition planétaire.
Pour la première fois, depuis l’Uruguay en 1930, que le continent noir aura à se distinguer, non pas pour ses guerres fratricides, ses enfants soldats, ses guérilleros et ses interminables coups d’État, mais pour être l’hôte de cette compétition majeure. C’est en Afrique du Sud que le premier Mondial jamais accueilli par le continent aura lieu. Un fait inédit qui pourrait être considéré comme un signe d’un nouveau départ pour ce qui apparaît, pour certains, comme le continent oublié.
Le pays des maîtres de l’apartheid, devenu aujourd’hui le pays du libérateur Nelson Mandela, aura la lourde tâche d’être à la hauteur de l’événement, non seulement en matière d’organisation technique, mais de par son apport à détromper les anciens clichés qui ont tant fait de l’Afrique un continent non habilité à abriter des évènements internationaux majeurs. Il est appelé, de ce fait, à changer l’image de l’Afrique en révélant ses qualités, son dynamisme et son ouverture.
Cet apport politique attendu permettra au continent de se mettre dans le viseur des investisseurs étrangers, qui cherchent désespérément des débouchés éventuels en ces temps de crise économique mondiale.
Et cette question de l’image renvoyée par l’Afrique du Sud vers l’étranger s’avère également essentielle et, en premier lieu, pour ce pays organisateur. En effet, si la Coupe du monde se déroule, dans les meilleurs conditions, au niveau de la sécurité et que toute la population participe, l’impact positif de marketing touristique pour le pays sera très fort.
Mais est-ce que la population s’enthousiasmera pour l’événement malgré la situation économique difficile et les inégalités criantes? Est-ce que les spectateurs qui se donneront la peine de se déplacer au fin fond de l’Afrique en vue de voir les plus talentueux joueurs à l’oeuvre, auront un spectacle de jouissance ? L’Afrique du Sud sera-t-elle en mesure d’être digne de cet événement en matière d’organisation ? Ces interrogations, ou bien cette note de pessimisme sont justifiées par les doutes sur la capacité de ce pays à accueillir convenablement cette compétition depuis que le pays a été désigné pour la recevoir.
L’autre handicap qui pourrait peser sur ce Mondial est relatif à l’aspect sécuritaire. L’Afrique du Sud est, au niveau mondial, le second pays en terme de crime après la Colombie.
Avec près de 20.000 meurtres et 50.000 viols par an pour s’en tenir aux statistiques officielles. Toutefois, le pays a mis les bouchées doubles pour assurer la réussite de ce premier mondial disputé en terre africaine afin de parer à tout dysfonctionnement et espère des retombées directes et indirectes bénéfiques à moyen terme. Il a ainsi décaissé près de 4 milliards d’euros pour la tenue de cet évènement sportif planétaire.
Il a engagé, depuis 2005, avec une contribution de la Fifa, des investissements gigantesques qui ont transformé ces dernières années l’Afrique du Sud en véritable chantier à ciel ouvert: construction de nouvelles routes, rénovation des aéroports, mise en place d’un train rapide reliant Pretoria à Johannesburg et modernisation des systèmes de communication.
Il a été également question de rénover six stades et la construction de quatre nouveaux avec une architecture qui symbolise l’Afrique tout entière. Selon des bureaux d’études étrangers spécialisés, l’impact économique de cette édition ne sera pas des moindres, notamment au plan touristique. Quelque 300 000 touristes étrangers se déplaceront en masse vers le pays de Mandela et devraient y dépenser près d’un milliard d’euros en un laps de temps très court.
À noter dans ce sillage que plus de deux millions de billets ont été vendus et la majorité des matches se jouera à guichets fermés. « Cette Coupe du monde sera merveilleuse, nous attendons avec impatience le coup d’envoi », a répété, à maintes reprises, le président de la Fifa. S’il s’avère vrai, ça sera qu’une justice rendue à l’Afrique qui a tant donné au football mondial. Le rendez- vous est pris pour demain.
Hamid Mohandi