Structures vieillissantes, équipements insuffisants et faible rémunération : Ces maux qui rongent la Santé

Structures vieillissantes, équipements insuffisants et faible rémunération : Ces maux qui rongent la Santé

Le Dr Djamel Ould Abbas, qui a eu à diriger longtemps l’Union des médecins algériens (UMA), peut prétendre qu’il connaît parfaitement les maux qui rongent le secteur dont il a aujourd’hui la charge.

Il sait aussi que sa mission n’est pas de tout repos car il lui faut trouver, très rapidement, des solutions qui contentent et les professionnels et les citoyens. Dès sa prise de fonction, le nouveau ministre a entrepris de renouer le dialogue avec les personnels, les médecins notamment, en conflit ouvert avec leur tutelle depuis plusieurs mois.

Le débat sur les performances du secteur de la santé publique n’est pas près de s’estomper. En témoigne le conflit permanent opposant les praticiens à l’administration, qui traduit sinon l’absence de dialogue, du moins une différence de perception des problèmes qui rongent le secteur.

Le Dr Ould Abbas, qui entend aborder de front ce problème, est convaincu que la seule issue possible est d’instaurer un dialogue fécond entre les différents acteurs pour redresser une situation qui n’est des plus brillantes.

Dans cet esprit, il est donc logique pour lui que soient discutées en priorité certaines questions liées à la façon dont sont gérées les structures sanitaires, à la rémunération des personnels et à l’accès de tous les citoyens aux soins sans exclusive. Des sujets qui nécessitent des solutions durables pour que la prise en charge de la santé publique soit une réalité palpable.

Dans ce contexte, il faut rappeler que le problème de la Santé tient plus à la gestion du secteur qu’aux «acquis» dont il peut s’enorgueillir. S’il est vrai que les moyens existent qui permettent, en théorie, une prise en charge globale de la santé publique, on ne peut nier par contre qu’il reste des efforts à fournir pour parfaire la couverture sanitaire du pays.

Dans le Sud, l’absence de spécialistes se fait durement ressentir, dans plusieurs régions de l’intérieur les malades ont souvent recours aux structures de santé d’autres wilayas, mieux pourvues en moyens matériels et en personnels qualifiés et dans plusieurs localités pourtant proches des grands centres urbains, les soins spécialisés ne sont pas assurés. Ce type de déséquilibres est aussi visible à l’intérieur des régions du nord et entre elles.

Les grands centres urbains – Alger, Oran, Annaba, Constantine, entre autres – disposent d’unités de diagnostics et de soins ultraperformantes, alors que dans les villes dites moyennes (bien qu’abritant plus de 200 000 habitants), les hôpitaux existant datant pour la plupart de l’époque coloniale, ne sont pas dotés de plateaux techniques suffisamment étoffés à même d’aider les praticiens à affiner leurs investigations. Et quand les équipements existent, c’est le personnel d’appui technique qui manque de formation… ou de conscience.

Structures obsolètes

A cause de quelques défaillances mineures, les malades sont systématiquement renvoyés vers les cliniques ou les laboratoires d’analyses médicales privés. Les causes en sont multiples : parfois, on prétexte une pénurie de réactifs, un manque de clichés radiographiques ou une panne dans le système électrique du scanner…

Des désagréments qu’amplifie une bureaucratie particulièrement tenace dont se plaint même le personnel médical. Le ministre de la Santé sait que l’obsolescence des infrastructures de santé est une réalité de l’Algérie d’aujourd’hui, et cette situation contrarie les meilleures volontés. Vieillottes, presque en ruine, plusieurs structures hospitalières de l’Algérois par exemple continuent d’accueillir le public dans des conditions épouvantables.

L’hôpital Mustapha, fleuron de la santé en Algérie, est complètement dépassé. Ses bâtiments, conçus à une époque où le système pavillonnaire était en vogue, c’est-à-dire au début du XXe siècle, ne répondent plus aux normes actuelles. Quelques-uns sont d’ailleurs en décrépitude. La situation n’est pas meilleure dans les hôpitaux d’El Kettar, de Bab El Oued, d’El Harrach ou de Parnet.

Des budgets colossaux pour des prestations médiocres

Les budgets colossaux affectés au secteur de la santé auraient dû permettre l’amélioration sensible des conditions d’accueil et de prise en charge des patients.

D’aucuns auront remarqué les travaux entrepris, de manière presque cyclique, pour réhabiliter un pavillon ou agrandir un service, la permanence des chantiers de ravalement des façades, de réfection des voies et autres réseaux… Durant les 10 dernières années, les structures publiques ont bénéficié de moyens matériels hautement performants.

Les hospitalo-universitaires reconnaissent cet effort et avouent que près de 80% de leurs demandes d’acquisition de matériels ont reçu l’avis favorable de la tutelle. Les unités de base ne sont pas en reste, qui ont reçu leur part de matériel (appareils de radiographie, laboratoires d’analyses, reins artificiels, ambulances médicalisées…).

Les disponibilités financières du pays ont permis jusqu’ici des «folies» dont ne pouvaient même pas rêver les gestionnaires des structures de santé qui ont vécu plusieurs décennies de vaches maigres.

La question essentielle est de savoir pourquoi le secteur avale-t-il autant d’argent alors que ses prestations sont des plus médiocres ? En engageant le dialogue avec ses personnels, le nouveau ministre de la Santé sait que cette question est intimement liée aux rapports tendus qu’entretiennent les gestionnaires du secteur et les personnels directement affectés à la prise en charge du malade.

Il sait aussi que les personnels hospitaliers sont en butte à de nombreux problèmes socioprofessionnels, à commencer par des salaires sans aucun rapport avec leur savoir et leur technicité. Lui-même médecin, M. Ould Abbas admet que les revendications relatives à l’évolution dans la carrière, au bénéfice de la formation continue et à l’amélioration des conditions de travail sont des plus légitimes. Un médecin généraliste,

c’est 7 ans d’études universitaires. Un spécialiste, c’est 4 à 5 ans de plus. Quant aux hospitalo-universitaires, c’est un engagement double : assurer des soins de très haute qualité et des formations de haut niveau aux futurs médecins, ce qui exige une disponibilité permanente et des sacrifices souvent difficiles à concéder.

Le ministre de la Santé ne peut pas nier qu’en comparaison avec ceux que perçoivent leurs confrères marocains, tunisiens ou mauritaniens, les salaires de nos professeurs, docents et maîtres-assistants sont une véritable misère. Quant à ceux que touchent les paramédicaux, mieux vaut ne pas en parler.

A. Laïb