La très attendue réunion de Bamako est censée être le dernier virage d’un long processus de réconciliation intermalienne. Paraphé à Alger le 1er mars dernier, l’accord de paix a besoin de la signature de toutes les mouvances pour être entériné.
Il permettra ainsi à toutes les parties d’enterrer la hache de guerre et de passer à l’étape de la concrétisation d’un consensus recherché depuis plus de 20 ans. A la veille du rendez-vous sur les bords du fleuve Niger, les doutes pèsent quant aux hésitations du MNLA à adhérer à l’accord, tandis que la CMA affichait un optimisme qui balaierait tout risque d’échec.
« Comme l’enseigne la solidarité nécessaire des populations nomades du Grand Sud algérien, la caravane avancera au rythme du dromadaire le plus lent… ». C’est la métaphore utilisée par le MAE algérien, Ramtane Lamamra, lors de l’ouverture d’un des rounds du dialogue intermalien.
Un credo qui a porté ses fruits puisque la CMA s’apprête à parapher aujourd’hui le préaccord d’Alger après plus de deux mois de tergiversations.
A la veille de la signature dudit document à Bamako pour amorcer la mise en œuvre du processus de paix, c’est un nouveau succès de la diplomatie algérienne dans cette quête difficile de retour à la paix et à la stabilité dans la bande sahélo-saharienne.
Formidable coup de théâtre algéro-malien aujourd’hui si la bonne nouvelle annoncée par l’APS se concrétise : il s’agit du paraphe par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) du document d’Alger, pré accord controversé un temps quand la CMA refusait d’y apposer sa caution le 1er mars dernier avant d’aller consulter sa base citoyenne dans le nord du Mali.
Il y eut par la suite des messages négatifs venus notamment de Kidal, un regain de violence imputé en partie au MNLA, membre actif de la CMA et enfin, le Deus ex machina prévu ce jour, à la veille de la signature de cet accord à Bamako par les groupes polico-armés et le gouvernement malien. Une cérémonie en présence de l’ensemble des acteurs de la médiation internationale conduite par l’Algérie en tant que chef de file.
C’est donc à Alger que la lacune sera comblée. La diplomatie algérienne a su faire preuve de patience et de compréhension pour obtenir des plus radicaux les concessions nécessaires à la paix durable pour ce pays frère qui souffre de l’instabilité chronique de son Septentrion depuis des décennies.
Diplomatie contre pessimisme
Chacun y allait de ses commentaires pessimistes, personne ne croyait plus à un retour de la CMA à la table des négociations. Il y a eu cette escalade militaire sur le terrain, des morts à déplorer dans le camp des militaires maliens comme dans celui des rebelles affiliés à la coordination ou plus précisément au MNLA.
A Ménaka, reprise par les forces armées maliennes, on aurait découvert des armes de fabrication française, à la frontière mauritanienne, la libre -circulation de rebelles bien entraînés a laissé dire que Nouakchott s’affairait à saboter l’événement du 15 mai… Les plus optimistes ont voulu voir des divisions internes à la CMA en opposant des figures du Mouvement national de libération de l’Azawad.
Des pays, dont la France, qui est intervenue militairement en janvier 2013 pour chasser les groupes terroristes qui ont envahi le nord du Mali, ont exhorté la CMA à rejoindre le dialogue en paraphant le document d’Alger. La tension s’est fait de plus en plus ressentir à travers les différents communiqués officiels et le compte-rendu proportionnellement sceptique des articles de presse.
Pendant ce temps, à Alger, on n’a visiblement pas cédé à la panique et comme à l’accoutumée en pareilles circonstances, les médiateurs algériens ont continué à croire aux vertus du dialogue. Le contact a été maintenu avec les « durs » de la CMA, sans trop de bruit ni de cachoterie, pour aboutir à ce spectaculaire rebondissement qui promet des jours meilleurs au Mali et à la sous-région.
Position de force
Que s’est-il passé au juste pour que les Azawadiens, les radicaux accusés par leurs détracteurs de vouloir saboter le processus de paix en raison de leur irrédentisme intraitable, finissent par rallier le front de la paix ? Il serait prétentieux, voire mensonger de faire croire à quelques confidences ou scoops sur un sujet qui exige la confidentialité la plus stricte.
Cependant, on peut déceler quelques éléments révélateurs sur les raisons d’une sortie de crise à la dernière minute. Nous commencerons par celles contraignantes, telle cette crainte naturelle des « extrémistes » plusieurs fois tancés par la communauté internationale qui les a appelés à revoir leur positionnement vis-à-vis du document d’Alger.
Toutefois, pour ceux qui connaissent l’esprit qui anime ce segment politique de la rébellion du nord du Mali, les menaces et pressions extérieures ne suffisent pas à expliquer les concessions de la CMA. Ses leaders avertis auraient pu aisément se satisfaire de la crise qu’ils auraient provoquée en boycottant la signature du 15 mai comme ils ont boudé poliment le paraphe du 1er mars.
Le processus de paix demeurant assez incertain et devant s’étaler dans le temps, la CMA aurait eu tout le loisir d’exploiter les retards dans le respect des engagements du gouvernement malien, de récupérer les déçus de la plate-forme (autre coordination de groupes rebelles qui ont paraphé le document d’Alger)…
Par ailleurs, leur démonstration de puissance de feu de ces dernières semaines a confirmé leur capacité de nuisance malgré l’isolement. Il y a donc d’autres motifs qui ont persuadé la CMA de reprendre le chemin du dialogue. Contre l’axe toxique Rabat-Nouakchott, les garanties d’Alger ont triomphé.
Les garanties d’Alger
Et ce n’est pas par hasard que Bilal Ag Chérif et ses frères de la CMA ont tenu à parapher à Alger le document. Pour rendre hommage à la patience de l’Algérie, terre d’accueil, de solidarité infaillible, de médiation continue et de lutte anticoloniale. Les gars du MNLA se souviennent de l’expression forte, tonnée par le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères au moment où certains voulaient que l’opération Serval tourne au génocide.
« Il ne faudrait pas qu’on aille casser du Touarègue ». Ramtane Lamamra viendra quelques mois plus tard, lors d’un des rounds du processus de dialogue intermaliens, déclarer que la caravane pour la paix avancerait au rythme du dromadaire le plus lent.
Le MAE algérien a tenu parole. Malgré le scepticisme ambiant, malgré l’exaspération de Bamako, malgré les actes de violences et la provocation des extrémistes anti-rebelles, malgré les doutes exprimés dans certaines chancelleries occidentales. Les radicaux sont venus à Alger et les médiateurs algériens n’ont jamais hésité à transmettre, à qui de droit, leurs inquiétudes ou leurs réserves.
On a accusé Alger, pourtant tête de file de la médiation, de vouloir revenir en arrière et de céder à une éventuelle réécriture du pré accord. Accusation légère quand on sait que toutes les parties ont reconnu le texte comme imparfait, soit à améliorer ! Aujourd’hui, d’aucuns s’interrogent sur ce qu’a pu promettre le département de Lamamra à la CMA pour que ses représentants paraphent le document. Pas la peine d’avoir mauvais esprit.
La réponse est simple. L’Algérie a promis de soutenir le processus dans la durée, en se portant garante de la bonne foi des parties. Noble engagement, pourquoi Alger s’en cacherait-elle ?