Jamais depuis la réforme de la santé de 2010 a-t-on vu déploiement aussi frénétique pour convaincre le Congrès. Du président Barack Obama au vice-président Joe Biden en passant par le secrétaire d’Etat John Kerry et les principaux conseillers de l’exécutif, la Maison Blanche a déployé un dispositif d’urgence sans précédent pour exposer aux élus pourquoi il est impératif d’adopterla résolution approuvant des frappes « limitées » sur la Syrie.
Dimanche 8 septembre au soir, le président s’est invité chez Joe Biden, qui avait justement convié les sénateurs républicains à dîner. Un premier vote a été acquis en commission sénatoriale mais avec une majorité plus étroite qu’escompté : 10 contre 7. Le Sénat dans son ensemble devrait examiner la résolution mercredi 11 septembre, au lendemain de l’allocution que Barack Obama doit prononcer dans la soirée. Compte tenu des défections chez ses amis, le président se trouve dans la position inconfortable de dépendre des républicains.
L’hypothèse d’un filibuster (manœuvre d’obstruction qui ne peut être neutralisée qu’avec une majorité de 60 votes au Sénat) est plutôt écartée par les experts, mais le président a besoin d’un fort soutien des sénateurs s’il veut peser d’une manière crédible sur les alliés européens ou arabes qui hésitent à s’engagerpubliquement.
RÉFÉRENCES À HITLER, À LA CONFÉRENCE DE MUNICH…
Le renforcement de la coalition lui permettrait d’augmenter la pression sur les membres de la Chambre des représentants. Selon un décompte de l’agence Associated Press, près de la moitié des 433 élus (deux sièges sont vacants) sont encore indécis. Mais pour le New York Times, le nombre des représentants qui se sont déclarés hostiles au projet du président ou qui sont tentés par le « non » est proche de la majorité de 218 votes. Des 16 anciens combattants d’Irak et d’Afghanistan au Congrès, 11 se sont prononcés contre les frappes, dont Tammy Duckworth, de l’Illinois, une proche du président.
Pour répondre aux critiques, qui déplorent que nombre d’informations cruciales aient été renvoyées aux briefings à huis clos, la commission du renseignement du Sénat a déclassifié les vidéos présentées aux parlementaires. Il s’agit de 13 segments, insoutenables, que les chaînes n’ont pas montré sans réticences. Accompagne ce déploiement d’images une surenchère dans les arguments. Les références à Hitler, à la conférence de Munich (1938) et à l’Holocauste sont apparues dans le discours de l’administration et des démocrates.
La résolution autoriserait « l’usage limité et spécifique » des forces armées américaines contre la Syrie pendant au plus quatre-vingt-dix jours tout en empêchant le déploiement de troupes de combat au sol. La Maison Blanche a reçu le soutien du général David Petraeus et de Robert Gates, l’ancien ministre de la défense, plutôt classé parmi les réalistes. L’Aipac, le lobby pro-israélien, fait aussi campagne pour le soutien à l’opération en assurant aux élus qui mettent en avant le risque de représailles contre Israël que l’Etat juif est parfaitement capable de se défendre par lui-même.
CE SONT LES DÉMOCRATES QUI MANQUENT À L’APPEL
Mais ce sont les démocrates qui manquent à l’appel, dont certains membres du Black Caucus, le groupe des élus afro-américains, pour qui c’est le premier divorce avec M. Obama. La gauche progressiste est en proie au même tourment. Organizing for Action, le rassemblement militant de Barack Obama, a affiché dans un premier temps sa neutralité. L’organisation antiguerre en Irak MoveOn.org a choisi le camp du « non ».
Le président peut-il ordonner des frappes sans l’accord du Congrès ? Légalement, rien ne le lui interdit. Politiquement, l’exercice devient difficile tant les enchères ont monté. La Maison Blanche a mis dans la balance la crédibilité du président, et les analystes calculent déjà ce qu’il lui en coûtera dans l’épreuve de force qui doitreprendre avec les républicains sur le budget.
Barack Obama n’a pas voulu dévoiler ses intentions et sa décision dépend probablement du décompte des votes. Mais le conseiller adjoint à la sécurité nationale Tony Blinken a trahi la pensée d’une partie de ses conseillers en affirmant que M. Obama n’avait « ni le désir ni l’intention » de lancer une action si elle est désapprouvée par une partie du Congrès. Le vote de la Chambre n’est pas prévu avant la semaine du 16 septembre.