Damas – Les experts de l’ONU en armes chimiques ont quitté samedi Damas et doivent rendre rapidement compte à Ban Ki-moon, alors que Paris et Washington se préparent à une frappe limitée contre le régime syrien accusé d’avoir fait des centaines de morts aux gaz toxiques.
Malgré l’opposition des autres grandes puissances -Londres, Moscou, Pékin-, les présidents américain Barack Obama et français François Hollande veulent adresser un «message fort» au régime de Bachar al-Assad qu’ils tiennent pour «responsable» d’une attaque chimique le 21 août près de Damas.
Le pouvoir syrien, qui a nié tout recours aux armes chimiques et retourné l’accusation contre les rebelles, a rejeté comme «des mensonges et des fabrications» le rapport des renseignements américains sur l’implication de l’armée dans cette attaque qui a fait, selon Washington, 1.429 morts 426 enfants.
Une fenêtre d’opportunité pour d’éventuelles frappes s’est ouverte samedi après le départ des experts de l’ONU de Damas pour le Liban, selon les experts, alors que M. Obama doit participer les 4 et 5 septembre au sommet du G20 à Saint-Petersbourg.
Durant quatre journées d’enquête, les experts se sont rendus sur les sites de l’offensive en banlieue de Damas et dans des hôpitaux. Ils ont effectué de nombreux prélèvements, en particulier sanguins, d’urine et de cheveux sur des victimes.
L’équipe était arrivée le 18 août pour enquêter sur plusieurs sites où régime et rebelles s’accusaient d’avoir utilisé des armes chimiques, mais depuis lundi, elle concentrait ses travaux sur les sites de l’attaque du 21 août.
Même si l’analyse des échantillons pourrait prendre des semaines, les experts doivent rendre rapidement compte de leurs observations au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon à New York.
Mais les Etats-Unis ont expliqué qu’ils n’attendaient pas grand-chose du rapport des experts en expliquant avoir déjà toutes les données en main. M. Obama a même condamné «l’impuissance» du Conseil de sécurité de l’ONU qui n’a pas réussi à parler d’une même voix depuis le début en mars 2011 du conflit qui a fait plus de 100.000 morts en Syrie.
«Comme l’a dit maintes fois Ban Ki-moon, l’enquête de l’ONU ne dira pas qui a utilisé ces armes chimiques (…). Ils vont seulement dire si de telles armes ont été utilisées. De par son mandat, la mission de l’ONU ne peut rien nous dire que nous n’ayons pas déjà partagé avec vous ou que nous ne sachions pas déjà», a insisté vendredi le chef de la diplomatie américaine, John Kerry.
Même le pouvoir syrien a rejeté par avance tout «rapport partiel» sur la mission des experts de l’ONU.
«C’est terrifiant»
Ces derniers jours, les Etats-Unis ont renforcé leurs capacités près des côtes syriennes. Ils disposent désormais de cinq destroyers équipés de missiles de croisière capables de mener des attaques ciblées contre des dépôts de munitions ou des infrastructures stratégiques du régime.
Même si les habitants de la capitale syrienne sont habitués au bruit des explosions du fait des incessants combats entre rebelles et soldats en banlieue ou dans des quartiers périphériques, ils craignent une frappe occidentale.
«Rester à Damas et attendre les coups, c’est terrifiant», a affirmé Joséphine, une mère de famille de 50 ans, qui craint le déclenchement d’une offensive occidentale après le départ des experts de l’ONU et a décidé de partir au Liban voisin avec ses enfants.
Samedi, second jour du weekend à Damas, les rues étaient vides, avec très peu de voitures et de passants, alors que des bombardements résonnaient en banlieue. Les habitants cherchaient à faire des provisions de carburant pour les générateurs électriques en cas de frappe.
Dans une vidéo diffusée sur internet, l’opposition syrienne a appelé les habitants à prendre des mesures de précaution pour «surmonter les difficultés dans les prochains jours»: faire des provisions de bougies et d’eau potable, se munir de kits de premiers secours…
Après le coup de théâtre jeudi du refus du Parlement britannique d’une intervention militaire, et face à l’impasse à l’ONU, Washington a dit pouvoir compter sur des alliés comme la France, la Ligue arabe et l’Australie en vue d’une action «limitée» en Syrie.
Pas de soldats au sol
Même s’il a affirmé n’avoir pas encore pris de «décision finale», le président américain a évoqué une action «limitée» contre le régime Assad, disant ne pas «pouvoir accepter un monde dans lequel des femmes, des enfants et des civils innocents sont gazés». «Quoi qu’il arrive, nous n’envisageons pas une action militaire comprenant des soldats au sol et une longue campagne», a-t-il assuré.
Les deux pays ont souligné ne pas vouloir par leur action renverser le régime de Bachar al-Assad ni faire pencher l’équilibre des forces du côté des rebelles, mais faire en sorte qu’il n’y ait plus de recours à des armes chimiques.
La question d’une action militaire «va au-delà» de la Syrie, mais doit servir d’avertissement à l’Iran, au Hezbollah ou à la Corée du Nord, a aussi expliqué le secrétaire d’Etat.
Dans le camp adverse, la Russie et l’Iran ont mis en garde contre une action armée, et Moscou a envoyé deux nouveaux bateaux de guerre en Méditerranée. Les pays d’Amérique du Sud ont eux aussi condamné «les interventions extérieures» en Syrie.