«Les choses ne se passent pas bien, le plan est fortement compromis», a déclaré Alain Juppé. De son côté, le médiateur Kofi Annan veut l’envoi de Bérets bleus sur le terrain pour éviter un «gel» de la situation.
«Aller au bout du chemin»
Pour éviter un «gel» de la situation, le médiateur a pressé l’ONU de tout faire pour accélérer l’envoi des Bérets bleus. Le chef français des opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, aurait bon espoir d’avoir les 30 premiers d’ici à dimanche sur le terrain et 100 autres d’ici à la fin mai. Il en resterait ainsi 200 à envoyer d’ici à la fin du mandat deux mois plus tard. «Il travaille jour et nuit pour accélérer le processus, mais il y a beaucoup de complications», souligne un diplomate à New York, notant les difficultés à trouver des véhiculés blindés de protection. La question de la protection aérienne, qui doit être assurée dans un premier temps par la Syrie, est toujours en suspens.
«Les choses ne se passent pas bien, le plan Annan est fortement compromis», a reconnu mercredi soir Alain Juppé. Le ministre français des Affaires étrangères a fixé la date butoir au 5 mai, date du prochain rapport de Kofi Annan, «un moment de vérité». En cas d’échec, il a menacé de faire pression pour l’adoption à l’ONU d’une résolution autorisant le recours à la force en Syrie. «Nous avons déjà commencé à l’évoquer avec nos partenaires», a-t-il confié.
Si Kofi Annan persiste, malgré le pessimisme ambiant, c’est aussi parce qu’il reste hanté par le souvenir de la Bosnie et du Rwanda, où l’ONU avait été incapable d’empêcher les massacres. Il était alors chef des opérations de maintien de la paix. «Il nous a dit dès le début: si on tire sur les observateurs ou s’il y a des massacres, nous ne ferons pas comme si de rien n’était », confie un autre diplomate, notant que l’ancien secrétaire général de l’ONU risque de devenir prisonnier de sa propre médiation. « À un moment, on risque de dire: la mission a échoué, mais on ne peut pas le faire tant qu’on n’est pas allé jusqu’au bout du chemin. Ce sera une décision politique », analyse-t-il. Susan Rice est, elle aussi, hantée par le génocide du Rwanda pendant lequel elle était membre de l’Administration Clinton. Seule à exprimer une vive réticence à l’envoi des 300 observateurs non armés en l’absence évidente de cessez-le-feu, elle milite pour une diplomatie plus vigoureuse. Les États-Unis poussent à des sanctions. Paris et Londres y sont favorables.