Système et justice : le malentendu

Système et justice : le malentendu

Il n’est plus besoin d’être fin observateur pour entrevoir une rude bataille de clans dans les événements qui agitent la scène politique nationale. Et comme souvent dans les cas d’enjeux de pouvoir, la justice est mise à l’épreuve par ceux-là mêmes qui empêchent son émancipation et qui conjurent l’État de droit comme négation de leur pouvoir arbitraire.

Cette option contre la démocratie constitue un point de consensus pour le pouvoir, en dépit de ses évolutions et de ses antagonismes. Chaque groupe, faction, dirigeant ou leader fonde sa légitimité, non sur la volonté populaire, mais sur son aptitude à préserver la souveraineté, la sécurité, l’unité et la stabilité du pays. Autant de notions qui insinuent que, sans lui, c’est l’existence même du pays qui serait en jeu. Une fois ceci établi, toute autre aspiration, toute autre revendication prend des allures de coquetterie. Cette trompeuse conception suggère qu’il n’y a forcément qu’un meilleur pouvoir pour servir l’intérêt du pays.



Le pays, pour être bien servi, doit l’être par un pouvoir monolithique qui ne souffrirait d’aucun parasitage contestataire. Même si le contexte historique mondial impose le multipartisme, la vie institutionnelle est organisée de sorte ce que cette contrainte “démocratique” ne vienne pas déranger l’absolu autoritarisme d’un pouvoir homogène. Débarrassé de toute interférence externe, le pouvoir autoritaire se laisse aller à une gestion patrimoniale du pays. Dans une situation de rente, comme la nôtre, cette réalité est poussée jusqu’à la caricature. Mais, voilà, le pouvoir n’est jamais un bloc, et peut finir par se fissurer. Le consensus peut finir par s’étioler, soit parce que les appétits claniques et catégoriels finissent par entrer en confrontation, soit parce que des divergences sur la notion d’intérêt général le légitimant apparaissent.

Et, dans un système fondé sur le compromis et le rapport de force, l’un convoque la justice pour trancher et l’autre s’offusque de son instrumentalisation. Le peuple, la loi, la justice, par exemple, sont des catégories démocratiques inopérantes dans des systèmes autoritaires. Et puisqu’il est abondamment question de justice dans la situation actuelle, il est opportun de se rappeler que si son instrumentalisation est régulièrement décriée, il reste impossible de la libérer de la fonction dans laquelle le pouvoir algérien l’a toujours rangée sans changer ce système.

Ce que des officiers endurent, peut-être, aujourd’hui, les cadres gestionnaires l’ont enduré à une époque, des hommes d’opinions à une autre époque… Sans compter la souffrance solitaire de magistrats qui tentent, à l’occasion, de résister aux dérives de la dépendance structurelle de l’institution. La justice n’est pas libre, mais n’est pas à blâmer puisqu’on ne lui a pas encore ???? le système qui lui permettrait d’exprimer son équité.

M. H.