Dans sa déposition lue par le juge d’instruction au tribunal de Blida où se déroule le procès de Khalifa Bank, le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, affirme qu’il n’a jamais « donné de directives ni orientations pour le placement de fonds des OPGI dans les agences de Khalifa Bank ».
Bien qu’il ait admis avoir connu khalifa lors d’une rencontre en 2001, il a assuré n’avoir jamais eu de lien avec cette affaire dans laquelle ont trempé de nombreux cadres de l’Etat.
Le président du tribunal criminel de Blida s’est contenté hier, au 23e jour du procès après cassation de l’affaire de Khalifa Bank, de faire la lecture des déclarations faites le 8 septembre 2004 par l’actuel ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, devant le juge d’instruction du tribunal de Chéraga, alors chargé de l’enquête judiciaire qui avait occupé entre juin 2001 et juin 2004 le même poste, par rapport aux décisions prises par son département quant aux placements des fonds à la caisse principale de Khalifa Bank.
Il a affirmé au magistrat instructeur qu’il a été nommé à la tête du secteur de l’Habitat en remplacement de l’ancien ministre Bounakraf Abdelkader, et que les offices promotionnels de gestion immobilière dépendent du ministère de l’Habitat qui a le pouvoir de tutelle.
Le ministre a indiqué que les OPGI, personnes morales, sont indépendantes concernant la gestion interne conformément au décret 147/91 du 12/5/1991. Ces organismes comptent un conseil d’administration composé de plusieurs représentants des ministères. Ledit conseil, qui se compose de 29 membres, contrôle la gestion et approuve le budget.
A propos des opérations de placement des fonds des différents offices promotionnels de la gestion immobilière à travers les agences bancaires de Khalifa Bank, Tebboune a tenu à préciser au juge que « ces dernières se sont effectuées au temps de l’ancien ministre Bounakraf Abdelkader, et que les opérations se sont également poursuivies au temps de Hammimed Mohamed Nadir ».
Abdelmadjid Tebboune a déclaré au cours de son audition par le juge d’instruction qu’il n’a « jamais donné de directives ni orientations pour le placement des fonds dans les différentes agences bancaires de A. Khalifa, et ce en dépit de la politique suivie qui visait beaucoup plus à l’amélioration des revenus avec l’investissement des fonds des OPGI ».
Il a par ailleurs souligné qu’il « connaissait Khalifa Abdelmoumene Rafik et l’avait rencontré en 2001, et lui avait demandé si la banque qu’il possédait procédait au change car ses enfants s’apprêtaient à voyager et manquaient de devises » Le ministre a en outre déclaré au juge instructeur qu’il « s’est rendu une fois chez Abdelmoumene Rafik Khalifa dans son bureau au Val d’Hydra et lui avait remis 200 000 dinars en espèces, en contrepartie l’ex-patron de la banque dissoute lui avait remis une Master card et personne ne l’accompagnait ce jour-là ».
Soins dans un hôpital américain
Il a par ailleurs souligné qu’il : « avait utilisé cette carte en 2002 pour des soins dans un hôpital américain en France et les frais de l’hôtel où il résidait ».
Il a fait remarquer qu’il : « ne possédait pas un compte courant, ni en dinars ni en devises à Khalifa Bank ». En ce qui concerne la manière avec laquelle l’agrément a été octroyé à Khalifa construction, le ministre a déclaré « qu’il n’avait à aucun moment remis l’agrément pour la validation de l’activité de cette entreprise ».
Il a conclu que Khalifa Abdelmoumene lui avait demandé des explications verbales quant à l’agrément mais il lui avait répondu par la négation.
Le président s’est contenté de lire les témoignages de l’actuel président-directeur général de la Sonelgaz Noureddine Boutarfa. Ce dernier ne s’est pas présenté à l’audience.
Ce haut cadre de l’Etat avait affirmé au juge d’instruction qui l’avait entendu le 13/11/2005 en tant que premier responsable de la Sonelgaz, que l’entreprise qu’il représente toujours avait déposé pas moins de 200 millions de dinars à Khalifa Bank déposés au temps de l’ancien patron Benghanem.
Il a tenu à préciser que l’entreprise avait fait un placement de 6 millions de dinars et que c’est C. Zoulikha qui avait vendu un lot de terrain d’une superficie de 702 M2 situé dans la commune de Dar El Beida à Abdelmoumene Rafik Khalifa à 10 millions de dinars, par le biais de l’épouse d’Aziz Djamel qui exerçait en qualité de dentiste.
Dans le même contexte, l’actuel patron de la sonelgaz a tenu à souligner au cours de son audition que « L’opération d’achat de la villa a été effectuée avant qu’il ne soit nommé en qualité de président-directeur général de ladite société »
Le même juge a par ailleurs procédé à la lecture des déclarations de l’ex-patron d’Antinéa et actuel PDG d’Aigle Azur, Arezki Idjerouidene qui n’a pas pu se présenter à l’audience pour des raisons de santé et a chargé Me Allouche Zoubir de le représenter. Il a tenu à expliquer au juge que « dès le 1er jour du procès, il a déclaré à l’attention du président qu’il allait lui remettre un certificat médicale.
L’actuel patron d’Aigle Azur a déclaré au cours de l’instruction judiciaire que la vente de l’appareil à Khalifa Airways était régulière et ne souffrait aucune carence et il était prêt, comme il a annoncé en 2007 à l’audience que présidait Mme Fatiha Brahimi, de restituer le prix de vente si on lui restituait l’appareil.
Le concerné a tenu à préciser selon le procès-verbal établi par le juge d’instruction en 2004, que « le montant de l’avion vendu à Khalifa Abdelmoumene Rafik est de l’ordre de 135. 330. 000.00 de dinars ».
57 témoins absents
Pour rappel, plus d’une cinquantaine de témoins n’ont pas daigné répondre aux convocations qui leur ont été adressées par le service de la programmation du tribunal criminel de Blida. Sur les 70 témoins qui devaient se succéder aux témoignages durant la journée d’hier, 13 se sont présentés et 57 se sont absentés.
Les témoins ont été tous auditionnés par rapport aux placements de fonds dans la caisse principale et dans les différentes agences bancaires, à l’instar de l’ex-directeur général de la Caisse nationale des retraites, Beldjoudi Mohamed Tahar qui a maintenu les premières dépositions affirmant que « la caisse des retraites a été sérieusement endommagée suite aux dépôts de fonds au niveau de Khalifa Bank qui étaient de l’ordre de 4 milliards de dinars ».
Il a indiqué que « ces sommes faramineuses ont été déposées au temps de l’ancien premier responsable Arrifi Salah, et que ces fonds ont été placés suite à une décision émanant du conseil d’administration »
Il a expliqué que « la décision de dépôt de 11 milliards de dinars et avait retiré 7 milliards de dinars. J’ignore si Kerrar Slimane, alors directeur de la CNR, avait reçu des pots-de-vin de 100 millions de centimes de la part de Khalifa Abdelmoumene Rafik »
De son côté, l’adjoint de l’ancien liquidateur de Khalifa Bank, Tidjani Djamel, a affirmé à Antar Menouar que « l’ancien directeur de l’école de police d’Ain Bénian Foudad Adda a tout fait pour accaparer de manière illégale des sommes estimées à plus de 52 millions de dinars pour la conclusion d’un marché avec une société espagnole qui était déjà en difficulté ! ».
Il est à noter par ailleurs que les responsables des différents organismes tels les moulins El Bibans de Bordj Bou Arreridj, la société nationale de production de la boisson alcoolisée d’Annaba, ont certifié au juge avoir déposé respectivement 100 et 300 millions de dinars dans les caisses de Khalifa Bank sans pouvoir les récupérer et ce, malgré maintes tentatives auprès de Abdelmoumène Khalifa et du liquidateur.
Le fisc veut ses trois milliards
Par ailleurs, le premier témoin auditionné, Dirder Boussad, directeur des impôts et du service du contentieux à Chéraga, a expliqué au magistrat que « Khalifa Abdelmoumene est redevable au fisc algérien de la somme de 3 milliards de dinars ! »
Il a précisé que cette somme est un redressement fiscal de la TVA, l’IRG et la TAP qui n’ont pas été payés de 1998 à 2002.
Le président du tribunal criminel auditionnera aujourd’hui des témoins clés dans cette affaire à l’instar de Sidi Said Abdelmadjid, secrétaire général de l’UGTA et Tahkhout Mahieddine, homme d’affaires, quant aux placements des fonds dans différentes agences de Khalifa Bank. Le premier quant au dépôt des sommes faramineuses appartenant à l’Union générale des travailleurs algériens. Le deuxième quant au dépôt de plus de 7 millions de dinars qu’il n’a pas pu récupérer.
Il est à rappeler que Bounafa Lazher, l’ancien directeur général de Dar El Beida, a déclaré qu’il a déposé 9 millions de dinars de fonds dans la caisse de Khalifa Bank, mais il a par contre nié avoir reçu des instructions dans ce sens.
Il a souligné que son prédécesseur Maamar Boumediene avait auparavant déposé 15 milliards de centimes sans les récupérer.