Ecofin Hebdo) – Le groupe télécoms français, fort de 118 248 000 abonnés déclarés sur le continent, au 3ème trimestre 2018, investit depuis peu dans divers secteurs stratégiques éloignés du traditionnel marché des télécoms, devenu au fil des années très concurrentiel. Conscient de l’éclatement inéluctable de la bulle des communications mobiles ; avec l’avancée de la technologie et l’évolution des usages ; l’opérateur s’est mis en quête de nouveaux relais de croissance afin de répondre davantage aux multiples besoins de ses consommateurs, et rentabiliser toujours plus sa présence sur le continent.
Selon le cabinet Deloitte, près de 660 millions d’Africains devraient être équipés d’un smartphone d’ici 2020, contre 336 millions en 2016. Soit un taux de pénétration de 55%. Sur le marché des communications mobiles de plus en plus concurrentiel, disputé par diverses compagnies étrangères et nationales proposant les mêmes types de services, ne demeureront rentables que celles qui sauront innover. Depuis 2013, une dizaine d’entreprises télécoms se sont d’ailleurs déjà retirées du continent du fait de la rude bataille qui y prévaut en termes de prix, de qualité, de couverture et de services à valeur ajoutée. Conscient de cette réalité, le groupe Orange s’est lancé dans une stratégie de conquête du continent en devenant un opérateur multiservice.
Toutes ces réalisations d’Orange en Afrique ont contribué à faire grimper le montant ses investissements sur le continent à 2,387 milliards d’euros depuis 2016.
Il s’est ainsi lancé dans divers secteurs stratégiques avec pour but de devenir indispensable aux yeux de ses consommateurs et enregistrer par la même occasion une croissance de ses revenus. Toutes ces réalisations d’Orange en Afrique ont contribué à faire grimper le montant ses investissements sur le continent à 2,387 milliards d’euros depuis 2016.
Data
Le segment de la Data est actuellement le nouveau marché porteur du secteur des télécommunications en Afrique. Même si le segment voix résiste, la population africaine, en majorité jeune, se tourne de plus en plus vers les réseaux sociaux, dépendants d’Internet, pour communiquer. De nouveaux besoins comme les communications vidéo, le streaming, la télé, font également de la data un marché prometteur. Orange est bien décidé à capter ces opportunités. La société télécoms a engagé à cet effet, dans sa vingtaine de marchés africains, une opération de modernisation de son réseau afin de passer à la 4G, technologie de pointe pour la data mobile. Actuellement, 14 marchés sont déjà couverts par le réseau très haut débit de la société française. Au-delà de l’amélioration de son réseau, l’entreprise, qui sait que la consommation dépend grandement de la qualité du terminal détenu par le consommateur, a décidé de démocratiser le smartphone. Orange annonce que, début 2019, ses clients africains auront accès à une nouvelle catégorie de téléphones intelligents fonctionnant sous KaiOS, le système d’exploitation de KaiOS Technologies. La société indique que l’appareil sera commercialisé à petit prix- environ 18 euros- pour permettre aux bourses les plus modestes de l’acquérir.
La société indique que l’appareil sera commercialisé à petit prix- environ 18 euros- pour permettre aux bourses les plus modestes de l’acquérir.
Le premier produit qui sera lancé sera un « smart feature phone » 3G, puis suivra une version 4G plus tard dans l’année. Le nouveau téléphone permettra d’accéder aux applications telles que Twitter, Facebook, YouTube, Google Search, Google Maps et Google Assistant. « Ces téléphones intelligents seront dotés de fonctionnalités avancées similaires à celles d’un Smartphone. Cette offre sera disponible dans quasiment tous les pays où le Groupe est présent », souligne l’entreprise.
Mobile Money
Le Mobile Money est également un relai de croissance de choix dans lequel Orange voudrait tirer le maximum de revenus. L’entreprise, qui n’est pas seule à proposer le service en Afrique, a trouvé le moyen d’y accroître ses marges tout en capitalisant par la même occasion sur ses près de 40 millions de clients.
Mowali devrait sérieusement booster l’inclusion financière du continent.
En partenariat avec le groupe MTN, son grand rival, la société télécoms a initié Mowali en novembre dernier. Il s’agit d’une co-entreprise qui propose d’interconnecter les 135 services Mobile Money déjà en activité sur le continent, représentant 338,4 millions de clients. Dans l’interopérabilité du Mobile Money en Afrique, Orange voit un moyen de créer un marché commun qui accélérera le développement des services financiers mobiles et dans lequel le consommateur sera roi. Les deux partenaires vont même plus loin dans leur idée. Les deux sociétés ont le désir d’intégrer à ce projet les banques, les opérateurs de transfert d’argent et d’autres fournisseurs de services financiers actifs sur le continent, afin de créer davantage de valeur.
Les deux sociétés ont le désir d’intégrer à ce projet les banques, les opérateurs de transfert d’argent et d’autres fournisseurs de services financiers actifs sur le continent.
Pour Stéphane Richard, le président directeur général d’Orange, « en offrant une interopérabilité totale entre les différentes plateformes, Mowali constitue un pas en avant significatif permettant au mobile money de devenir un moyen de paiement universel en Afrique. Accroître l’inclusion financière en utilisant les technologies du numérique est un élément essentiel pour le développement économique de l’Afrique, en particulier pour les communautés les plus isolées ». Il souligne que « cette solution incarne l’ambition d’Orange d’être un acteur majeur de la transformation digitale du continent. En nous associant à MTN, un autre leader du marché africain, nous accélérons le rythme de cette transformation au point de changer la vie de nos clients en leur fournissant des services plus simples, plus sûrs et plus avantageux ».
Selon l’association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA), le projet d’Orange et MTN a le potentiel d’accélérer l’inclusion financière sur le continent, de doper le commerce intra-africain, d’influer sur les activités d’investissement sur le continent, de susciter une attraction de capitaux étrangers, d’approfondir et d’élargir les marchés financiers et des capitaux nationaux.
Energie
S’il y a bien un segment d’activité où le groupe Orange a surpris plus d’un en y investissant, c’est celui de l’énergie. La compagnie, consciente des difficultés d’accès des populations à l’électricité, surtout dans les zones rurales, y a vu un marché porteur avec l’essor du solaire sur le continent. Orange Energie a été crée à cet effet pour apporter une énergie abordable à plus de 600 millions d’Africains qui n’y ont pas encore accès et leur faire économiser près de 17 milliards de dollars investis chaque année en bougies et autres lampes tempêtes.
Orange Energie a été crée à cet effet pour apporter une énergie abordable à plus de 600 millions d’Africains qui n’y ont pas encore accès et leur faire économiser près de 17 milliards de dollars investis chaque année en bougies et autres lampes tempêtes.
Dès 2016, Orange s’y est vraiment investit en annonçant les premiers tests de son programme d’électrification rurale au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. L’expérience qui devait durer six mois est finalement entrée dans sa phase commerciale dès décembre 2017 en République démocratique du Congo.
Le service offert en RD Congo, en partenariat avec un fournisseur de matériel solaire, BBOXX est « un kit comprenant un panneau solaire, une unité centrale contenant une batterie et une carte SIM, des lampes avec des ampoules LED, un câble chargeur multiprises, une radio, une lampe torche portable, et en option, un téléviseur 15 ou 24 pouces », explique Alain Talès, le responsable du domaine Energie chez Orange Moyen-Orient et Afrique. Il précise que le kit permet d’éclairer toute la maison, de recharger les téléphones mobiles du foyer, ou de faire fonctionner une radio, voire une télévision. Le panneau solaire est installé sur le toit de la maison et le boîtier de stockage d’énergie dans l’habitation. « Ce service « plug and play » est simple d’utilisation. Le kit est directement livré au domicile du client et l’abonnement se fait à l’aide d’un simple téléphone mobile. Il souscrit au service Orange Energie et choisit le type d’abonnement souhaité qui peut être hebdomadaire, mensuel ou trimestriel. Le paiement via Orange Money permet d’octroyer ou de rétablir automatiquement à distance le service pour la durée souhaitée. Au bout de trois ans, les clients deviennent propriétaires des accessoires du kit », affirme Alain Talès.
Orange compte cette année plus de 118 millions d’abonnés en Afrique.
Au-delà de la RD Congo, Orange a lancé le service en février 2018 à Madagascar où il travaille en collaboration avec D Light. Au Burkina Faso où le service est fonctionnel depuis le 27 mars 2018, c’est avec la société Niwa qu’il est conduit. Orange annonçait ensuite l’extension du service au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire et en Guinée.
La société télécoms indiquait en mars dernier que « l’étape suivante verrait le déploiement massif du service Orange Energie dans les pays Orange et la commercialisation de plusieurs centaines de milliers de kits dans les cinq prochaines années ».
Formation en ligne
De toutes les révolutions numériques, Orange considère que celle du e-learning est sans doute l’une des plus structurantes pour l’Afrique. C’est la raison pour laquelle le groupe conduit actuellement son programme « Grande école numérique africaine » afin de former les millions de professionnels dont le continent a besoin pour prendre en main son développement. La société s’est de ce fait associée à de grandes institutions françaises de formation en ligne comme le CNED, les Instituts Universitaires Technologiques ou encore OpenClassrooms en février 2018. En novembre 2018, l’Université Virtuelle de Tunis a rejoint le programme. Plus récemment, il y a juste quelques jours, l’Université Virtuelle du Sénégal s’est ajouté à la cohorte qui proposera des formations en ligne dans les différents pays où le groupe Orange est présent.
Au Sénégal, Orange a même annoncé un « Pass e-learning à un tarif social », « un forfait data mobile de 100 Mo cinq fois moins cher qu’un forfait classique équivalent en volume », uniquement dédié à l’accès aux contenus éducatifs.
Les enseignements sont accessibles à toute personne qui veut s’instruire. Au Sénégal, Orange a même annoncé un « Pass e-learning à un tarif social », « un forfait data mobile de 100 Mo cinq fois moins cher qu’un forfait classique équivalent en volume », uniquement dédié à l’accès aux contenus éducatifs.
Cybersécurité
Conscient du faible niveau de préparation des réseaux africains face aux menaces cybercriminelles, du potentiel financier que représente le marché de la sécurité dans ce contexte, Orange a aussi décidé d’investir dans la cybersécurité en Afrique. L’entreprise télécoms a annoncé à cet effet l’ouverture d’un centre avancé de sa filiale dédiée aux activités de sécurité numérique, Orange Cyberdefense, qui sera basé à Casablanca.
L’annonce a été faite lors de la 5ème assise de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (AUSIM), tenue du 24 au 26 octobre 2018 à Marrakech. Orange a expliqué que le centre proposera les mêmes services que propose sa maison-mère basée en France. Les prestations iront ainsi du conseil aux tests de pénétration (Pentests) à l’installation de moyens de protection, mais également aux services de surveillance avec un CyberSoc et un Centre de réaction et d’alerte aux attaques informatiques (CERT, Computer Emergency Response Team).
Au Maroc, Orange Cyberdefense ambitionne de recruter les meilleurs profils locaux afin de disposer d’une cinquantaine de spécialistes, d’ici 2020. Michel Van Den Berghe, le directeur général d’Orange Cyberdefense, soulignait par ailleurs que « cette nouvelle structure va permettre de se positionner sur le marché marocain et de faire d’Orange Cyberdefense Maroc le pivot central pour répondre aux besoins des entreprises des pays d’Afrique francophone où le Groupe Orange est déjà présent », avec comme objectif de devenir le leader de la cybersécurité en Afrique francophone.
La Banque
Enfin, pour ce qui est d’Orange Bank, Patrick Roussel, le directeur des Services Financiers Mobiles d’Orange pour la zone Afrique et Moyen-Orient, indiquait en avril dernier, dans un entretien accordé à Financial Afrik, qu’Orange ne lancerait pas « Orange Bank en Afrique. Orange Bank est une banque française en activité depuis décembre 2017. L’agrément couvre l’Europe et ne permet en aucune manière d’aller dans d’autres zones. Techniquement et matériellement, il est impossible pour Orange Bank de faire de la banque en Afrique ». Bien avant lui, Bruno Mettling, le président-directeur général d’Orange pour le Moyen-Orient et l’Afrique, avait déjà expliqué en marge d’une conférence, tenue mars 2018 à Abidjan, qu’à travers le termes « banque », il ne s’agirait pas d’offrir des services bancaires du même niveau que les institutions financières, mais de proposer des produits d’épargne simple, de crédit et d’assurance.
C’est ainsi qu’un service d’épargne et de prêt a été lancé à Madagascar en avril 2018, en partenariat avec la Première agence de microfinance (PAMF).
C’est ainsi qu’un service d’épargne et de prêt a été lancé à Madagascar en avril 2018, en partenariat avec la Première agence de microfinance (PAMF). Baptisé m-kajy, il permet une épargne jusqu’à 100 millions d’ariary (environ 25 000 euros) avec un taux d’intérêt annuel de 2,5% ou un prêt entre 5000 (1,25 euro) et 300 000 ariary (74,88 euros) remboursable en 30 jours. Le service devrait bientôt s’étendre au Mali, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Niger et en Guinée.
Muriel EDJO